L’image est très importante dans la presse, car «une image vaut mille mots», dit-on. Photos et dessins occupent parfois une grande place dans les médias. Les images ont une valeur informative: elles complètent l’article ou résument l’événement. 2015, veille de l’échéance officielle du deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila, est une année de tous les enjeux. Elle commence avec les «Trois glorieuses», les grandes manifestations des 19, 20 et 21 janvier organisées par les opposants parlementaires de Kinshasa, qui paralyseront la capitale toute une semaine durant, pour protester contre l’idée de Joseph Kabila de «glisser», c’est-à-dire d’aller au-delà du terme de son mandat sans avoir organisé les élections.
Avec Etienne Tshisekedi convalescent à Bruxelles, et Moïse Katumbi y avait aussi élu domicile suite à une autorisation de la justice pour des soins de santé, la capitale belge –et plus globalement, l’Europe– devint vite l’épicentre de l’action politique de l’opposition congolaise. Les opposants au Régime Kabila y multiplient des rencontres, qui sont largement médiatisées.
C’est ainsi que les médias, dont Africa News, parlent de la réunion du 4 juillet de cette année-là entre Étienne Tshisekedi et Noël Tshiani. Ce dernier, alors fonctionnaire de la Banque mondiale et ambitionnant de postuler à la présidentielle programmée en 2016 mais finalement reportée à 2018, a sollicité cette audience pour présenter sa vision de développement de la RD-Congo à son prestigieux hôte, espérant avoir le ralliement du sphinx à sa candidature. Il s’agissait d’une deuxième rencontre en moins de trois mois entre les deux hommes dans la capitale belge, elle aussi relayée par les médias.
De son côté, Moïse Katumbi multipliait des rencontres. Avec Vital Kamerhe le 22 octobre 2015 à Londres, puis avec Félix Tshisekedi le 10 décembre dans un select hôtel du VIIIème arrondissement de Paris. Toutes ces rencontres avaient été médiatisées par Jeune Afrique, Madiacongo.net, et de nombreux tabloïds kinois. Raphaël Katebe Katoto, frère aîné de Moïse Katumbi Chapwe -qui, soit dit en passant, avait renoncé à ses ambitions présidentielles suite à la demande de son jeune frère– était au four et au moulin, en tant que personnage central pour la formalisation de l’unité de l’opposition. C’est lui qui amena Gabriel Kyungu wa Kumwanza auprès d’Etienne Tshisekedi le 6 juin 2016, réconciliant du coup les deux hommes qui ne se parlaient plus depuis de très longues années. Rencontre également diffusée à travers les médias.
C’est encore Katebe qui sera le maître d’œuvre de l’organisation du congrès de l’opposition congolaise à Genval, commune belge de Rixensart, qui accoucha du Rassemblement des forces vives et politiques, avec Etienne Tshisekedi comme président.
Tshiani a toujours prétendu avoir rencontré, au cours de la même période, Raphaël Katebe Katoto, le frère aîné de Moïse Katumbi. Lui et lui seul a toujours parlé de la fameuse rencontre à deux, pendant laquelle il aurait reçu de Katebe les confidences sur les origines zambiennes de la mère de Katumbi. Cependant, aucun média sérieux ne l’a jamais appris ni relayé. Ce qui est du reste un non-sens absolu, dans la mesure où Raphaël Katebe Katoto travaillait à cette époque, non pas pour lui-même mais pour son jeune frère dont il entendait déblayer le chemin qui le mènerait à la présidence de la République. C’est ainsi qu’il amena finalement Moïse Katumbi rencontrer Etienne Tshisekedi le 30 octobre 2015 en sa résidence de Bruxelles, rencontre fortement médiatisée à l’époque. Les deux hommes se reverront encore début 2016, lorsque Katumbi, grâce à ses réseaux, a négocié une rencontre au Quai d’Orsay -le ministère français des Affaires étrangères- où il amènera une délégation de l’opposition congolaise le 18 juillet.
Alors que Katebe a nié jeudi 20 avril 2023 dans une vidéo l’existence d’une telle rencontre, soulignant les fausses déclarations de Tshiani sur sa famille, ce dernier a sorti une photo le montrant assis dans une salle à droite de Katebe, en guise de preuve. La toile a vite réagi.
Les uns ont estimé que cette image est le résultat d’un montage amateur, caractérisé par la différence des dates qui y sont visibles et le contraste avec une autre photo prise dans la même salle immortalisant une séance de travail entre, notamment, Étienne Tshisekedi, Katebe Katoto et Gabriel Kyungu.
Les autres, faisant remarquer que Katebe porte les mêmes habits sur les deux clichés, soupçonnent Tshiani d’avoir détouré une photo prise en groupe, donc jamais à deux, et supprimé une bonne partie, celle de la gauche de Katebe, ainsi que le laissent deviner la farde et le stylo en avant-plan, pour tenter de justifier la thèse de la réunion tant vantée mais démentie par le patriarche de la famille dont est issu Katumbi.
«Cette photo douteuse ne suffit pas pour faire exister la rencontre imaginaire entre Katebe et Tshiani. Elle ne constitue pas non plus la preuve probante des confidences attribuées à Katebe qui, du reste, les conteste», a analysé un twittos.
Tout aussi pertinent, un autre twittos est convaincu que même s’il a réellement pris une telle photo, Tshiani, qui a certainement été associé à la rencontre où l’on voit Katebe et Kyungu aux côtés de Tshisekedi, a juste profité de ces instants pour immortaliser ces scènes avec les grandes figures de l’Opposition alors que Katebe ne se souvient même pas avoir discuté avec lui sur quoi que ce soit.
D’autres encore ont sorti de leurs archives les photos, authentiques, d’une rencontre réelle à Bruxelles, entre Moïse Katumbi et Tshiani dont la presse s’était également fait l’écho.
Selon leurs informations, «Tshiani était allé ce jour-là requérir les soutiens financiers et logistiques de Katumbi, en lui demandant de l’appuyer au détriment du président de l’UDPS, qui avait déjà vieilli et n’avait plus de force nécessaire à la politique active».
D’autres, encore plus nombreux, veulent savoir si à cette époque Tshiani n’avait donc pas conscience que Katumbi qu’il courait après et qu’il a vu deux fois dans la capitale belge n’était pas de père et de mère.
Pendant la même période, ce même Katumbi est également visible, en compagnie de Félix Tshisekedi, Samy Badibanga, Salomon SK Della, Fortunat Biselele et Dany Banza, dans une autre photo, également immortalisée dans les colonnes des journaux du monde entier.
En réalité, la fameuse photo que brandit Tshiani a été prise le 6 juin 2016, le jour où Raphaël Katebe Katoto avait conduit Gabriel Kyungu chez Etienne Tshisekedi. Pour preuves : la salle est la même, les chaises les mêmes, et l’habillement de Katebe exactement le même.
Cherchant désespérément une place dans l’arrière ban de l’opposition, il fut un temps où, avant d’être emporté par les torrents de boue du racisme & de la xénophobie, un citoyen américain fréquentait assidûment la noblesse congolaise «de père et de mère»… Petit trait d’humour 😉 pic.twitter.com/g10J8pxr4H
— Olivier Kamitatu Etsu (@OlivierKamitatu) April 21, 2023
Le site Afriwave.com donne les précisions sur le lieu de cette rencontre: «L’image a pour cadre un bureau installé dans un hôtel de la Région Bruxelles capitale où le leader de l’UDPS a établi son QG de réception de ses hôtes de marque». Selon nos sources, Noël Tshiani n’a pas participé à la rencontre. C’est après le départ de Gabriel Kyungu qu’il va faire son entrée dans la salle où il va solliciter cette photo souvenir dont Katebe ne se souvient même plus.
«Ce n’est quand même pas dans le bureau d’Etienne Tshisekedi que Katebe pouvait fixer rendez-vous à Tshiani pour lui parler des secrets de sa famille. C’est un non-sens absolu», conclu notre source.
Natine K.
