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100.000 jeunes envoient un mauvais signal au Pouvoir: Devant le Saint-Père et les caméras du monde, un chœur exprimant le désespoir entonné au Stade des Martyrs

L’histoire se répète. Sous Joseph Kabila, en 2015, 2016 et en 2018, l’UDPS, la Dynamique de l’Opposition, le Rassemblement, tous renforcés par CALCC, LUCHA et Filimbi ont chanté contre Kabila et son régime, jusqu’à les affaiblir. Réunis ce 2 février 2023 au Stade des Martyrs à la faveur d’une rencontre avec le Pape François, en visite de quatre jours à Kinshasa, près de 100.000 jeunes ont houspillé le Pouvoir en place, devant les caméras du monde, en scandant en chœur: «Fatshi, oyebela, mandat esili».

Un chœur sorti de nulle part et entonné en plein Stade des Martyrs, là où avait coulé le sang de Kimba et ses compagnons, victimes de la dictature que l’UDPS a combattue pendant plus de trois décennies! Serait-ce un simple rappel alors que le mandat présidentiel est de 5 ans renouvelables une fois? Serait-ce l’attitude grégaire de la foule qui n’a pas d’âme? Ou s’agit-il d’une sérieuse et grave alerte lancée par une jeunesse dans les doutes et l’incertitude face à «la misère sociale et la crise économique» décriées la veille par le Cardinal Fridolin Ambongo, peu avant la clôture de la messe papale dite à l’aéroport national de Ndolo, à laquelle ont assisté des têtes couronnées de l’Opposition, notamment Moïse Katumbi, arrivé la veille de Lubumbashi, et Martin Fayulu?

Peu importe la thèse, la question de la fin du -premier- mandat de Félix Tshisekedi a été posée devant les masses pour la première fois depuis son accession au pouvoir le 24 janvier 2019, donc après seulement 48 mois d’exercice, en pleine année électorale, lors d’une rencontre présidée par un prestigieux hôte, le Chef de l’Eglise catholique, le Pape en personne, dont la voix et l’avis comptent dans le gotha international, farouchement opposé à la corruption et qui l’a fait fermement savoir à la nombreuse assistance.

Le Pouvoir en train de partir!

Alors que les structures spécialisées de lutte contre la corruption ont été ressuscitées et ont multiplié les efforts ces deux dernières années en vue d’assainir la gouvernance et lutter contre la prédation financière, le Pouvoir a donné et est en train de donner l’impression de vouloir une chose et son contraire en entretenant l’impunité, en maintenant pendant longtemps aux affaires des personnalités dont les noms s’associent à des scandales de détournement de deniers publics dans les projets initiés au sommet de l’Etat et l’affaire RAM. Certains se demandent si la purge récemment opérée au Palais ne l’a pas été avec un retard préjudiciable…

Si de graves remous sociaux n’ont pas été signalés jusque-là dans tout le pays, la grogne à cause de l’échec de tous les plans échafaudés pour mettre un terme à l’insécurité à l’Est est perceptible. «Cette grogne et ce chœur en plein Stade des Martyrs font assurément le lit d’une nouvelle offre politique que les plus durs au sein du Régime et les plus naïfs de leurs soutiens minimisent par orgueil et ivresse», a estimé le pasteur protestant Kongolo Kazadi venu prendre part au culte de Ndolo, précisant que la population suit, surveille les nouvelles du front et s’inquiète.

«Le message exprimé de concert par le public en présence du Pape est un mauvais signal envoyé aux Institutions en place. Le Pouvoir est en train de partir», s’est lamenté jeudi dans une vidéo devenue virale un jeune se réclamant de l’Union sacrée.

Ça sent donc mauvais. Le temps est désormais compté. Le plus dur, c’est à dire le vrai travail pour une probable reconduction sur base d’un bilan probant à l’issue des élections libres, transparentes, inclusives et apaisées, comme réclamées tour à tour par le Saint Père, mardi au Palais de la Nation, peu après son arrivée dans la capitale, et le Cardinal Ambongo mercredi en pleine messe pontificale à Ndolo et, avant eux, par le président américain Joe Biden et l’Union européenne, commence. Le chef de l’Etat dispose d’un peu moins de neuf mois pour reconquérir cette jeunesse désespérée qui, de l’avis de certains analystes, constitue l’échantillon de la vaste masse silencieuse dont la voix pourrait gronder plus haut et plus fort dans les urnes… et déjouer tous les pronostics de plein de voix avancés ces derniers jours par certains ténors et laboratoires autosatisfaits de l’Union sacrée. On a beau mobiliser quelques combattants ou militants avec des calicots hostiles à Ambongo déployés aux alentours de l’antre de la commune de Kinshasa mais dont les babouches et les apparences ont contrasté avec les vrais invités du Pape, sélectionnés à travers les 48 diocèses catholiques, les 100.000 jeunes ont passé un message à prendre au sérieux.

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