Société

Delly Sessanga, Monsieur la Loi revient en force

Sessanga
«L’exercice de la liberté de manifester ne devrait donc pas être redouté, comme c’est souvent encore le cas dans notre pays. Bien au contraire, nous devrions le promouvoir», c’est le leitmotiv de Delly Sessanga, qui signe son retour en force sur le plan législatif en initiant une nouvelle proposition de loi fixant les règles relatives à la liberté des réunions et mesures d’application de la liberté de manifestation. Succès à la clé: vendredi 15 novembre, la plénière de l’Assemblée nationale a déclaré ce texte recevable et l’a envoyé pour approfondissement à la commission PAJ.
Sessanga est décidé à inscrire son nom dans les annales de l’Assemblée et défendre à tout prix ses électeurs. Et c’est en train d’être fait. Les manifestations publiques sont consacrées dans la constitution et pourtant, leurs organisateurs se butent au refus de l’autorité urbaine pour des raisons anti-démocratiques. Il veut pouvoir arracher un véritable droit à manifester. L’élu de Luiza fait bien son boulot. Il sait vraiment ce qu’il faut faire à l’Assemblée nationale. 
Content du fait que sa proposition de loi dont il a présenté l’économie a été jugée recevable par ses collègues députés, Sessanga n’a pas boudé son plaisir: «C’est une importante reforme car cette proposition de loi permet de résoudre un problème crucial et éviter toute la confusion jusque-là entretenue par les autorités compétentes dans l’application et l’interprétation de la loi existante en matière d’organisation des manifestations publiques», a-t-il confié à AfricaNews. Selon lui, la loi en vigueur dit qu’il faut une déclaration préalable pour pouvoir manifester mais l’autorité administrative s’est toujours réfugiée derrière cette faiblesse pour conditionner la manifestation sollicitée à son autorisation. Sessanga est opposé à cette inadéquation qui passe à ses yeux pour une dictature voilée.
Il veut pouvoir arracher un véritable droit à manifester. Son nouveau projet propose de contraindre l’autorité administrative à motiver sa décision chaque fois, en cas de rejet de la demande de manifester. Le député a imaginé un autre garde-fou: le recours à un juge en cas d’avis défavorable de l’autorité administrative.
Tenace, il entend faire prévaloir la logique démocratique jusqu’au bout en prévoyant une autre contrainte: «l’autorité doit aussi proposer une alternative en cas de rejet absolu». Justification: «Si par exemple, un groupe prévoit une marche sur l’itinéraire x, l’autorité administrative ne doit pas prétexter de raison sécuritaire ou l’occupation de cet itinéraire par une autre marche pour interdire la tenue de cette manifestation. Il doit proposer un autre itinéraire». Un véritable verrou. La démarche de Sessanga vise à protéger ou à renforcer les libertés des citoyens à manifester. Il est réfractaire à toute velléité anarchique.
«En effet, d’une part, la dimension politique du droit de manifester confère, à la présente loi, sa place parmi les valeurs qui fondent la République. Et, d’autre part, sa charge historique dans la construction de notre démocratie, en fait une des exigences toujours actuelles. L’exercice de la liberté de manifester élargit les bases de l’espace public et il y a lieu de le considérer comme un prolongement, au sein de la Nation, du débat démocratique institutionnalisé. L’exercice de la liberté de manifester ne devrait donc pas être redouté. Comme c’est souvent encore le cas dans notre pays. Bien au contraire, nous devrions le promouvoir», a-t-il indiqué dans la présentation de l’économie de son projet devant ses pairs.
Les explications données à la Représentation nationale ont été claires: «…La glaive de la République confiée aux bourgmestres, aux maires de villes, aux administrateurs de territoires, aux gouverneurs et par-dessus tout, au ministre de l’Intérieur se transforme en guillotine pour ceux qui veulent manifester. Ce sont souvent des refus vexatoires, sans motivation; et donc illégalement discrétionnaires et discriminatoires. De l’autre côté,  pour certains administrés, la manifestation charrie l’idée d’obtenir des changements par la violence, oubliant qu’aussi légitimes que soient leurs revendications, celles-ci ne peuvent avoir pour finalité la rupture de l’ordre public».
Sa proposition de loi comporte 50 articles répartis en 9 chapitres. Et son orientation vise cinq objectifs majeurs. Ci-dessous l’intégralité de ladite proposition.
Cette proposition de loi soumise à l’examen de la Commission PAJ a une histoire. L’auteur a voulu la présenter à la faveur de la célébration du Cinquantenaire de l’accession de la RD-Congo à l’indépendance,  se souvenant que  les martyrs symbolisés par la journée du 4 janvier 1959, l’ont été tout simplement parce que leur droit de manifester a été bafoué par  l’autorité coloniale, et de la marche du 16 février 1992 réprimée dans le sang.
«Ici, les enjeux politiques et techniques de la réforme se mesurent à l’aune de l’histoire douloureuse et tragique qui va du martyr du 4 janvier 1959 à la marche des chrétiens du 16 février 1992, en passant par le massacre des étudiants en 1969», a-t-il préciser avant de tirer la leçon selon laquelle la pratique du droit de manifester et de se réunir en RD-Congo est une question d’un malentendu.
L’initiative a été stoppée sous la dernière législature. De l’avoir laissé passer, le bureau Minaku fait montre de sa détermination à œuvrer pour la consolidation de la démocratie en RD-Congo. Du coup, Sessanga passe pour Monsieur Loi de la 3ème République. Bien avant son projet déclaré recevable vendredi 15 novembre 2013, l’ex-MLC avait déjà signé successivement la loi portant statut de l’opposition, la loi portant abrogation du sauf conduit … et la loi sur la Cour constitutionnelle. Dans sa gibecière, il trimbale un projet de révision de la loi électorale. Un impressionnant arsenal qui contribue à l’avancement du chantier démocratie en RD-Congo.
Octave MUKENDI

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