Apeuré face à la colère qui gronde sur l’ensemble du territoire national, dans la diaspora et les chancelleries suite aux derniers massacres de Beni, le gouvernement s’est précipité, pour brouiller les pistes, à évoquer la thèse des attaques d’origine terroriste de la part des rebelles musulmans de l’ADF-NALU et des shebabs somaliens. Désemparé et on dirait pour distraire l’opinion tant nationale qu’internationale, il a sollicité en passant l’appui des puissances étrangères pour contrer ce qu’il considère déjà comme des actes de terrorisme semblables à ceux qui sont perpétrés au Mali, au Nigeria et ailleurs.
Sur le fond comme sur la forme, cette thèse semble fausse. En effet, la RD-Congo n’étant pas militairement engagée dans un pays étranger à dominance musulmane, rien ne saurait justifier que les milices islamistes de quelque origine que ce soit, shebabs somaliens ou d’ailleurs, en arrivent à s’attaquer aux civils congolais de l’Est de la République. Le pays ne partage pas de frontières avec la Somalie. Comment imaginer que les shebabs ou d’autres groupes islamistes puissent frapper l’Est de la RD-Congo sans bénéficier de la complicité des voisins immédiats de la RD-Congo, en l’occurrence l’Ouganda ou le Rwanda pourtant censés entretenir d’excellentes relations diplomatiques avec Kinshasa tel que réaffirmé récemment lors de la rencontre entre les chefs d’Etat de ces deux pays avec Joseph Kabila? A moins que ces bonnes relations ne soient de la pure fantaisie, il n’existe apparemment pas de raisons valables pour que ces voisins immédiats de la RD-Congo puissent permettre à une organisation criminelle d’attaquer un pays tiers et «ami» à partir de leurs territoires, au risque de s’attirer eux-mêmes les foudres de la Communauté internationale, plus particulièrement des Etats-Unis qui n’hésiteront pas de les placer sur la liste noire -axe du mal.
Bien au contraire, en évoquant la thèse terroriste, les shebabs n’auraient-ils pas plus de raisons de s’attaquer plutôt au Rwanda et à l’Ouganda dont les armées participent activement aux opérations en Somalie dans le cadre la MINUSOM? L’on sait que des officiers rwandais et ougandais ainsi que les hommes de troupes sont présents en Somalie depuis plusieurs années sans que les shebabs n’arrivent à poser des actes de terrorisme dans ces deux pays.
Tout compte fait, il est établi que dans leur mode opératoire bien connu des services à travers le monde, les organisations terroristes n’ont jamais agi directement sur le territoire d’un pays cible. Elles s’appuient toujours sur leurs correspondants locaux qui, naturellement, leur font allégeance. Ce sont donc ces antennes locales, inféodées aux différents émirs qui commettent des attentats meurtriers et ces derniers en revendiquent la paternité. Toutes proportions gardées, il est encore difficile d’affirmer à ce jour que les Shebab, Al Qaida, Boko Haram et autres disposent de quelconques antennes leur ayant fait allégeance et opérant activement sur le territoire de la RD-Congo. Qu’on nous cite laquelle et qui en est le leader connu ou supposé!
Il est également établi que les organisations terroristes n’ont jamais exécuté leurs basses besognes en silence. Elles n’ont jamais été muettes. S’appuyant sur certains médias et les réseaux sociaux, elles revendiquent toujours systématiquement et à haute voix, chacune de leurs attaques qu’elles présentent comme une victoire sur l’Etat censé être leur ennemi. Dans le cas d’espèce et à aucun moment, les attaques de Beni et ses environs n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque revendication de la part d’une organisation terroriste connue.
Cela étant, le gouvernement a tort d’évoquer l’hypothèse des attaques terroristes pour justifier son inaction, son incapacité à sécuriser la population et pourquoi pas des complicités internes dans le dossier des tueries à répétition des congolais à Beni et dans tout l’Est de la République. Le fait que ses partenaires extérieurs -USA, France, Belgique, etc.- engagés dans la lutte contre le terrorisme dans leurs pays n’aient réservé aucune suite à sa demande d’aide est plus qu’illustratif. Sûrement qu’ils n’ont pas, au niveau de leurs services d’intelligence, des indices sérieux pouvant établir la thèse des actes terroristes dans le cas des tueries de Beni.
Dès lors, il va sans dire qu’à ce stade, le gouvernement est dans l’obligation de dire la vérité au peuple et au monde entier. Il doit éclairer l’opinion sur ces violences à répétition perpétrées en toute impunité contre de paisibles citoyens, violences que ni les Forces armées, ni la Police encore moins la MONUSCO ne parviennent à arrêter. Le gouvernement doit expliquer la mollesse de son action dans cette partie du pays. Il devra dire pourquoi, chaque fois qu’un officier des forces armées, par sursaut patriotique, tente de s’attaquer à ce phénomène, il est soit assassiné -le cas du Colonel Mamadou Ndala-, soit relevé et muté ailleurs s’il ne meurt pas des circonstances difficiles à élucider -cas des Généraux Budza Mabe, Bauma. Le gouvernement, s’il est composé des vrais hommes d’Etat, doit dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité et en tirer les conséquences logiques.
André Claudel LUBAYA
Député national
3 minutes de lecture