Si à la Cité de l’Union africaine les délégués de la Majorité présidentielle, de l’opposition et de la Société civile semblent trouver un accord pour sortir de la crise politique en RD-Congo, les tenants de la thèse du vide juridique estime que ce dialogue politique national inclusif de Mont-Ngaliema n’en est pas un. En tout cas pas celui dont parle l’accord-Cadre d’Addis-Abeba.
«La Résolution 2277 exige certes, l’organisation des élections dans les délais constitutionnels mais cette organisation n’est possible qu’après la tenue du dialogue politique dans l’esprit de l’Accord-Cadre et dont les modalités d’application sont définies par la Résolution 2098», rappelle ce regroupement des partis politiques et organisation de la société civile conduit par Norbert Luyeye.
Pour cette structure, l’inclusivité du dialogue politique signifie la prise en compte des trois parties prenantes. Notamment Joseph Kabila avec sa majorité restructurée, Etienne Tshisekedi à la tête du Rassemblement et Norbert Luyeye, représentant des tenants de la thèse du vide juridique, en détention depuis août 2016.
Le dialogue politique en RD-Congo: Position des tenants de la thèse du vide juridique conduits par Norbert Luyeye
Le Dialogue politique en RD-Congo selon l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba
Du contexte de naissance de l’Accord-Cadre
Organisées en violation de l’article 73 de la Constitution et accompagnées de fraudes massives, les élections du 28 novembre 2011 ont donné naissance à une grave crise de légitimité entraînant le dysfonctionnement des institutions, doublé de floraison des groupes armés.
Face à cette situation, trois thèses s’affrontent sur le terrain politique: Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi, chacun prétendant avoir gagné ces élections.
Entre les deux, la thèse du vide juridique basée sur la violation de la Constitution, les fraudes massives: la fraude corrompant tout, il n’y a eu ni vainqueur ni vaincu -Fraus omnia corrumpit.
Cette dernière thèse, la nôtre, est représentée par M. Norbert Luyeye, Président de l’Union des Républicains -UR.
L’Accord-Cadre d’Addis-Abeba, résultat des négociations menées par la Communauté internationale et réunissant les représentants des trois thèses, a consacré la dernière thèse, celle du vide juridique.
La Résolution 2098, complétée par d’autres Résolutions dont la 2277, a mis en place les mesures d’application dudit Accord.
Dans le cadre de la diplomatie secrète, d’âpres négociations ont eu lieu entre les tenants des trois thèses sous l’égide de la Communauté internationale.
Des engagements ont été pris par les uns et par les autres dans le strict respect des principes énoncés par l’Accord-Cadre.
Des principes consacrés par l’Accord-Cadre et acceptés par les «parties prenantes» au cours desdites négociations
Ayant consacré la thèse du vide juridique, l’Accord-Cadre pose entre autres, le principe de réforme structurelle des institutions de l’Etat, de réconciliation nationale, de tolérance, de démocratisation, de réforme de nos services de sécurité, de l’armée, de la police… -Paragraphe 5 de l’Accord-Cadre.
Ces différents objectifs renvoient à l’organisation d’un dialogue politique -point 14b de la Résolution 2098.
Tels que présentés au paragraphe 5 de l’Accord-Cadre, les objectifs du dialogue politique ne se ramènent pas à la seule question électorale.
Le principe de réconciliation implique l’invitation à ce dialogue des groupes armés sans préjudice de l’application du point 8 de la Résolution 2098.
Le vide juridique créé par l’organisation chaotique des élections du 28 novembre 2011 doit être comblé par l’ouverture d’une transition qui rétablit une légitimité consensuelle.
De la transition
Aucun animateur des institutions actuelles n’ayant un mandat, le renouvellement consensuel des animateurs des institutions s’impose: Parlement, gouvernement, Cours et Tribunaux, CENI, Assemblées et gouvernements provinciaux…
L’actuel Président ayant persisté à affirmer qu’il avait un mandat, ce second mandat s’achève le 6 décembre; la transition devant par conséquent s’organiser sans lui.
La gestion du pays est confiée à un premier ministre désigné par l’opposition au sens de l’Accord-Cadre.
Le Premier ministre jouit de la liberté aussi bien dans le choix des personnes que des portefeuilles ministériels à occuper pour le gouvernement à former.
La nécessité d’un recensement général de la population avant tout processus électoral; celui-ci devant partir de la base au sommet.
La durée de la transition a été fixée à 5 ans.
Qui conduit ledit dialogue?
L’Accord-Cadre prévoit la nomination d’un Envoyé spécial des Nations-Unies «pour soutenir les efforts pour trouver des solutions durables…» -Paragraphe 5 dernier point de l’Accord-Cadre.
Les points 4 et 5 de la Résolution 2098 définissent la mission de l’Envoyé spécial. Se fondant sur l’Accord-Cadre, celle-ci consiste «à conduire un processus politique global ouvert à toutes les parties prenantes en vue de remédier aux causes profondes du conflit » (point 4) et celle du Représentant spécial pour la République démocratique du Congo à qui est confiée la mission des bons offices pour ce dialogue -points 5 et 14 de la Résolution 2098.
Des «parties prenantes» ou la question des participants.
Le point 4 de la Résolution 2098 parle des «parties prenantes» au conflit. Qui sont-elles?
Les «parties prenantes» se définissent en vertu des tenants des trois thèses en présence et ayant pris part aux négociations menées par la Communauté internationale. Cette dernière en détient un dossier complet.
Selon l’esprit de l’Accord-Cadre, Joseph Kabila et ses alliés constituent la première «partie prenante», Etienne Tshisekedi et ses alliés, la deuxième, et Norbert Luyeye, représentant des tenants de la thèse du vide juridique, la troisième «partie prenante».
Contrairement à l’Accord de Lusaka, l’Accord-Cadre ne fait pas de la société civile, une composante à part entière. Ses membres sont obligés de se reconnaitre dans l’une de trois «parties prenantes».
De même, l’Accord-Cadre ne consacre pas une prime à la guerre comme ce fut le cas à Sun City. Les groupes armés devant être invités à ce dialogue au nom de la réconciliation nationale sans avoir à jouer un rôle prépondérant.
De cette vision, il découle que le dialogue doit être organisé en format réduit: un noyau capable de réfléchir aux différents problèmes tels que posés par l’Accord-Cadre.
De la notion d’inclusivité du dialogue politique
La Communauté internationale par la bouche du Secrétaire général des Nations-Unies plaide pour un dialogue politique crédible et inclusif. Qu’est-ce à dire?
Le vocabulaire n’est pas une invention du Secrétaire général des Nations-Unies.
Au point 4 de la Résolution 2098, le Conseil de sécurité «invite l’Envoyée spéciale à conduire un processus politique global ouvert à toutes les parties prenantes en vue de remédier aux causes profondes du conflit».
Le point 14b de la même Résolution, le même Conseil de Sécurité « demande au Représentant Spécial pour la République démocratique du Congo de «promouvoir un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes RD-congolaises en vue de favoriser la réconciliation…»
C’est dire qu’au sens de l’Accord-Cadre, l’inclusivité du dialogue politique ne consisterait pas seulement à mettre Etienne Tshisekedi et son Rassemblement en face de Kabila et sa majorité. La notion d’inclusivité renvoie aux trois thèses ayant donné naissance à l’Accord-Cadre.
Du sort réservé à la Constitution de 18 février 2006 pendant la transition.
L’Accord-Cadre d’Addis-Abeba est un traité international.
Il met face à face plusieurs sujets de droit international public et traite d’une question de droit international: la paix, la sécurité et la coopération.
L’article 215 de la Constitution lui reconnait une autorité supérieure à celle de nos lois.
Sans remettre en cause la Constitution du 18 février 2006, l’Accord-Cadre vient modifier, pour la période de transition, toutes les dispositions constitutionnelles qui seraient contraires à son esprit.
Dans un dialogue politique mené selon l’esprit de l’Accord-Cadre, l’arrêt de la Cour constitutionnelle rendu en interprétation de l’article 70 alinéa 2 de la Constitution n’a pas de place: il s’agit d’une décision appartenant à l’ordre juridique interne qui ne peut pas s’imposer à celle appartenant à l’ordre juridique international.
L’article 69 de la Constitution dans son dernier alinéa ne dispose-t-il pas entre autres, que «le Président de la République est garant … du respect des traités et accords internationaux?»
De la difficile mise en œuvre de l’Accord-Cadre
L’Accord-Cadre d’Addis-Abeba consacre une philosophie de rupture et ne pouvait être du goût de tous les acteurs politiques, spécialement les animateurs des institutions issues des élections contestées.
De nombreux obstacles seront dressés sur la voie de son application.
Refus unanime de sa vulgarisation, convocation des concertations nationales, nomination d’Edem Kodjo en qualité de facilitateur par une instance non compétente (UA), convocation et organisation du dialogue national, appui sans réserve de l’Union Africaine et de l’Union européenne accordé à Edem Kodjo… tels sont, entre autres, les obstacles dressés sur la voie de l’application de l’Accord-Cadre aussi bien par la Communauté internationale que par les acteurs politiques RD-congolais eux-mêmes.
L’Union des Républicains du Président Norbert Luyeye et l’Alliance Nationale pour la République (ANR) aidées par d’autres acteurs politiques et accompagnées par des associations de la Société civile avons été les seuls à avoir, des années durant, vulgarisé l’Accord-Cadre.
Conclusion
Le dialogue politique dont l’ordre du jour est bien défini dans l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba ne se limite pas à la seule question électorale comme semblent l’affirmer la Majorité Présidentielle, le Rassemblement ainsi que certains membres de la Communauté Internationale.
En cela, il diffère du dialogue national tel que convoqué par l’Ordonnance présidentielle du 28 novembre 2015 que conduit aujourd’hui Edem Kodjo.
Selon l’esprit de l’Accord-Cadre, M. Said Djinnit, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations-Unies dans la région des Grands Lacs est le médiateur attitré du dialogue politique -point 4 de la Résolution 2098.
Le point 10 de la Résolution 2277 introduit l’idée d’une médiation collégiale dont les membres ont déjà été proposés et présentés lors de différentes négociations et attendent d’être officiellement nommés.
Cette équipe devra se joindre à M. Said Djinnit.
L’Union africaine n’est pas, selon l’esprit de l’Accord-Cadre, l’instance compétente pour désigner le médiateur du dialogue politique RD-congolais.
La Résolution 2277 qui, dans son préambule, rappelle d’autres Résolutions antérieures dont la 2098 ne doit souffrir d’aucune interprétation sélective: elle exige certes, l’organisation des élections dans les délais constitutionnels mais cette organisation n’est possible qu’après la tenue du dialogue politique dans l’esprit de l’Accord-Cadre et dont les modalités d’application sont définies par la Résolution 2098. Cette résolution rappelle, en effet notamment, l’importance stratégique que revêt la mise en œuvre intégrale de l’Accord-Cadre.
L’inclusivité du dialogue politique signifie par conséquent la prise en compte des trois «parties prenantes» telles que définies lors de différentes négociations menées par la Communauté internationale en présence des représentants des trois parties: Joseph Kabila avec sa majorité restructurée, Etienne Tshisekedi aujourd’hui à la tête du Rassemblement et Norbert Luyeye, représentant des tenants de la thèse du vide juridique, en détention sans motif valable à la DMIAP depuis le 7 août 2016.
Sans préjudice des préalables généralement posés, entre autres, la libération sans condition des détenus politiques et autres activistes de droit de l’Homme, l’arrêt de toute forme d’harcèlements et des menaces contre les membres de l’opposition, le retour en toute sécurité des exilés politiques… nous demandons avec insistance la libération de Mr Norbert Luyeye pour non seulement une réelle décrispation du climat politique mais aussi et surtout pour une meilleure inclusivité d’un dialogue politique crédible et transparent.
Au nom de la réconciliation nationale, les groupes armés devront y être invités.
L’Accord-Cadre est un traité international et se trouvant au-dessus de nos lois -article 215 de la Constitution- les tenants de la thèse du vide juridique, défenseurs acharnés, des années durant, de cet ordre juridique international, ne se reconnaissent pas dans le dialogue national convoqué selon l’esprit de l’ordonnance présidentielle du 28 novembre 2015 que conduit Mr Edem Kodjo.
Nous exigeons par conséquent un véritable dialogue politique conduit par un médiateur désigné dans l’esprit de l’Accord-Cadre.
Une collégialité conçue dans l’esprit du point 10 de la Résolution 2277 ne nous générait pas.

8 minutes de lecture