Politique

Serge Onyumbe relativise l’opportunité d’un deuxième dialogue

Expert en communication, Serge Onyumbe Wedi, la trentaine révolue, est décidé à apporter sa pierre au débat politique en RD-Congo. Le samedi 1er octobre, ce jeune analyste politique indépendant s’est entretenu avec «AfricaNews» sur l’actualité dominée par le dialogue politique national qui se tient à la Cité de l’Union africaine.
Sans passion, si ce n’est pour son pays, Onyumbe estime que ce forum national est une option sage pour sauver le pays des velléités de la guerre civile. Il est cependant septique à l’appel du Rassemblement à la convocation d’un nouveau dialogue plus inclusif. «Le dialogue bis n’a de valeur que lorsque le dialogue 1 n’a pas répondu aux préoccupations du peuple RD-congolais qui sont les fondamentales de la CENCO», a-t-il analysé. Interview.
Après pratiquement un mois des travaux, le dialogue politique national est presqu’à sa conclusion. A quoi pourra-t-il déboucher selon vous?
Le dialogue est une option sage à mon avis quand il y a une crise dans un Etat. C’est le choix de la raison. On l’a convoqué pour assurer un processus électoral apaisé, pour trouver un compromis parce que, techniquement, on n’était plus en mesure d’organiser les élections conformément à la Constitution, on a convoqué le dialogue également pour s’assurer que personne ne viole la Constitution. J’espère qu’à la fin du dialogue, ce pourquoi on s’est réuni pour discuter, sera bel et bien au rendez-vous. Je m’en vais citer la CENCO qui a parlé des fondamentaux entre autres, le respect de la Constitution par tous, la non candidature du Chef de l’Etat au cours des prochaines élections, le non appel au référendum ou à une quelconque révision de la Constitution pendant la transition, laquelle tous le peuple RD-congolais souhaite qu’elle soit de brève durée.
Vous venez de dire que le dialogue est entre autres raison organisé pour que «personne ne viole la Constitution…». Ne pensez-vous pas que l’on est déjà entrain de violer cette dernière?
Je voudrais ici présenter les choses avec beaucoup de bémol. Nous avons une Constitution qui donne les grandes lignes de la gestion de l’Etat. Pour la question électorale, il a été dit qu’à telle période nous devons le faire. Il y a ce qui est prévu par la loi et ce qui a été fait. Nous sommes butés à une contrainte. On doit avoir un électorat pour organiser les élections. Et actuellement, toutes les parties, notamment la Majorité présidentielle, l’Opposition et la Société civile, considèrent ce fichier électoral qui a servi en 2011 de corrompu. C’est dans ce contexte que nous nous sommes entendus, nous RD-Congolais, de revoir ce fichier électoral. Il y a un prix à payer. Le prix c’est accepter qu’aujourd’hui nous ne savons pas le faire, faisons le demain.
Des pressions de la Communauté internationale, France, Belgique, et dernièrement les USA ont même sanctionné des galonnés de l’armée et de la Police RD-congolaise, tout cela pour s’assurer qu’il y aura alternance. Quelle est votre lecture?
Le gouvernement RD-congolais est victime de sa propre turpitude. S’il avait pris ses responsabilités en dotant la CENI des moyens pendant les cinq précédentes années, on n’en serait pas là. Effort de guerre, l’Est le ventre mou de la République,… c’est une chose. Mais parlons de ce qui se fait. On n’a même pas vu un semblant d’effort du gouvernement pour accompagner la CENI ne fusse que dans ce qui est en train d’être fait aujourd’hui. Le gouvernement a attendu la dernière minute pour initier une quelconque action. Le rapport des forces qui existe entre la RD-Congo et la Communauté internationale, je crois personnellement que c’est un rapport qui existe entre les Etats, mais nous savons tous que les Etats-Unis ont une grande responsabilité dans l’équilibre géostratégique de la région des grands lacs et qu’ils tiennent à ce que la stabilité de RD-Congo soit en retour un gage de stabilité de cette région. Elle a neuf voisins. Ce qui constitue déjà une bonne position dans quoi faire, comment le faire en Afrique centrale en dépit de tout ce que nous avons comme richesse. C’est normale que les USA tout comme tout Etat puissant soient-ils donnent leur avis sur ce qui se passe en RD-Congo.
Jean-Marc Ayrault a dit, il y a quelques jours, que la RD-Congo est au bord de la guerre civile. Les USA et le Canada rappellent les familles des diplomates et le personnel non essentiel. Est-ce un signe de l’imminence d’une guerre civile?
A la lecture de ce qui s’est passé à Kinshasa, les 19 et 20 septembre derniers, et de ce qui se passe à Kananga et à l’Est de la RD-Congo, il parait un peu plus clair que le pays est en train de passer des moments de dures épreuves qui pourraient, si on n’y prend pas garde, aboutir à une guerre civile. La guerre civile c’est lorsque le peuple se révolte, désavoue ses dirigeants et sort dans la rue pour se prendre en charge en cassant. Je ne suis personnellement pas partisan de cette situation, c’est pourquoi je m’exprime au conditionnel. Mais, à la lecture des faits, on n’est pas loin de cela. J’en profite pour lancer un appel aux politiques qui peuvent encore trouver un compromis consensuel par rapport à la problématique de la présidentielle et du mandat du Chef de l’Etat pour nous permettre, nous RD-Congolais, de ne pas nous entretuer.
Les Nations unies viennent de voter une nouvelle résolution mettant en place une commission de surveillance sur les violations des droits de l’Homme en RD-Congo. Comment le comprenez-vous?
La RD-Congo est signataire des Accords internationaux. C’est ce qui a fait que certains compatriotes ont été déférés devant la Cour pénale internationale pour avoir commis des crimes contre l’humanité. Ce n’est pas une information qui devrait m’étonner ou me surprendre. On est tout simplement dans la logique des sanctions internationales que l’on inflige à toute personne quel que soit son rang ou sa position politique et sociale.
En rapport avec le dialogue, deux camps se sont créés.
L’un des participants à ces assises et l’autre de ces personnalités qui le boycottent soutiennent la thèse d’un autre dialogue beaucoup plus inclusif. L’Eglise catholique se penche sur cette position. Quel est votre point de vue?
Le dialogue bis ou le dialogue prime n’a de raison d’être que si le dialogue 1 ne répond pas aux attentes des RD-Congolais. Nous ne sommes pas à nos premières assises nationales.
Nous avons eu les Concertations nationales, les Accords de Lusaka, le Dialogue inter-congolais, Sun city, etc. Le fait de voir les RD-Congolais se réunir une ou deux fois ne me dérange aucunement. Je vous rappelle qu’il y a deux choses: les préalables et ce que l’Eglise catholique appelle le fondamental. Les préalables étaient la liste des prisonniers politiques à libérer, les médias à rouvrir, la récusation du facilitateur, Edem Kodjo, par une frange de la population. Ce n’est pas ça le dialogue.
Le dialogue maintenant, c’est le fondamental présenté par l’Eglise catholique. L’inclusivité du dialogue ne devrait pas renvouer au nombre des personnes qui y adhérer mais aussi la prise en compte des avis de ceux qui ne sont pas physiquement au dialogue.
Si l’on parvenait, à l’issue du dialogue, à avoir les réponses à ce fondamental -l’engagement de Joseph Kabila de ne plus se représenter, le non appel au référendum ou à une quelconque révision de la Constitution, un calendrier électoral à court terme-, est-ce qu’il y aura encore un contenu à cet appel au dialogue bis?
Le dialogue semble être un lieu où l’on se partage le gâteau. En lisant le projet d’accord, il est clairement signifié que le PM viendrait de l’Opposition et que ce dernier comme les membres de son gouvernement, s’ils veulent concourir à la présidentielle, doivent quitter le gouvernement 90 jours avant l’élection. N’est-ce pas là un partage du gâteau et finalement une mise en scène?
L’Opposition qui ne participe pas au dialogue, notamment le Rassemblement, avait validé et valide encore la thèse du dialogue pour trouver un consensus. De quoi serait fait ce consensus? J’ai suivi votre confrère, Christian Lusakweno, dans l’un des numéros de son émission «Face-à-face», avec comme invité Félix Tshisekedi. Il lui a posé une question pertinente: Que devient la RD-Congo au 19 décembre 2016 si on ne convoque pas votre dialogue?
Et Tshisekedi de répondre: «Il faudra prier». Ceux qui sont au dialogue ne sont pas plus RD-Congolais que ceux qui n’y participent pas. Les RD-Congolais se parlent. Ils sont en train de trouver une solution pour éviter cet appel à la guerre civile et au désordre auquel on a assisté les 19 et 20 septembre.
Arrivons à trouver une solution sur les préoccupations de l’heure et arrêtons de miser sur les égos des uns et des autres.
Au regard de tout ce que l’on a décrypté et de la qualité du débat…, quelle image avez-vous, en tant qu’analyste et expert en communication, du politicien RD-congolais?
Le politicien RD-congolais est une personne qui néglige les faits, ne tient pas compte de ce qui s’est passé dans l’histoire et considère le présent. Ainsi, nous revivons les cycles des crises déjà rencontrées dans le temps qui refont surface dans le même format.
Et aujourd’hui, on a l’impression d’inventer la roue. Si le politique RD-congolais tenait compte de ce qui s’est passé dans le temps et même chez les autres, la RD-Congo s’assagirait davantage et on serait moins exposé à des débats sur qui doit faire quoi au pays. C’est pour cela d’ailleurs qu’existe la Constitution.
HRM

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page