«L’Accord en son article 3 dit que le Premier ministre sera présenté par le Rassemblement. C’est là où je critique tous ceux qui l’ont négocié. Ils ont été quelque peu distraits en acceptant des formulations malheureuses», lâche-t-il
Cela fait deux jours depuis la clôture sans signature des arrangements particuliers sur cet Accord de la Saint Sylvestre qui aura duré près de trois mois avant de déboucher sur une impasse. Ces pourparlers ont achoppé sur trois points: la répartition des postes ministériels, la désignation du président du Comité nationale de suivi de l’Accord et surtout le mode désignation du Premier ministre. Peu avant la fin de ses assises, le député national Toussaint Alonga, élu de la circonscription électorale de Mont-Amba -Kinshasa- en 2011, a, sans langue de bois et dans une analyse voulue scientifique, porté un autre regard sur ce qui a bloqué la signature des arrangements particuliers. Ce juriste qui n’a pris part à aucun dialogue, a fait la différenciation entre les articles 78 de la Constitution et 3 de l’Accord de la CENCO, portant sur la nomination du Premier ministre.
C’est un secret de polichinelle. L’accord global et inclusif du Centre interdiocésain a eu, entre autres comme soubassement, à en croire son préambule, la Constitution de la RD-Congo. Voici qu’au cours d’un entretien médiatisé, le député national Toussaint Alonga choque en donnant une lecture qu’il veut franche et objective de cet Accord. Il n’y va pas par le dos de la cuillère. Il estime que les composantes présentes à ce dialogue de la CENCO ont manqué le courage d’exprimer tout haut que la Constitution n’existe plus. Ce, par le fait que les parties ont accepté d’aller au dialogue, de négocier et de sortir un accord. «Ils ont manifesté l’hypocrisie de faire croire à notre peuple que la Constitution est là au même moment l’accord est là. Si vous mettez l’Accord et la Constitution dans la balance, il en sort certainement que la Constitution pèse plus.
Et si la Constitution est là, on ne peut plus se référer à l’Accord. Comment allions-nous à la fois nous référer à la Constitution et à l’Accord? Tout simplement parce que nous sommes dans un contexte politique particulier. Etant donné que les élections n’ont pas été organisées dans les délais, que la Constitution n’a pas été respectée, à ces jours le seul document qui rende l’analyse de tout politique sensé c’est l’Accord du 31 décembre 2016», soutient-il. Cet opposant s’émeut face au débat sur le mode de désignation du Premier ministre, principale pierre d’achoppement des assises dirigées par les prélats catholiques. En effet, le Premier ministre doit venir de l’Opposition/Rassemblement conformément à l’article 3 de l’Accord.
La Majorité présidentielle, sans nier ce principe, tient cependant à ce que le Rassemblement de l’Opposition présente trois noms au Président de la République. Ce, histoire de garantir à ce dernier son pouvoir de nomination reconnue par l’article 78 de la Constitution: «Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci…».
L’opposant Toussaint Alonga fustige cette façon de voir la réalité politique. «C’est une erreur monumentale et même une cécité scientifique de comparer l’article 78 à l’article 3 de l’Accord de la Saint Sylvestre », tape-t-il. Puis: «cet Accord en son article 3 dit que le Premier ministre sera présenté par le Rassemblement. C’est là où je critique tous ceux qui ont négocié cet accord. Ils ont été quelque peu distraits en acceptant des formulations malheureuses». D’abord : «le Premier ministre sera présenté par le Rassemblement».
Alonga se veut sensible au mot. Ce qui est normal quand on sait que le diable réside dans les détails. «L’on n’est pas Premier ministre avant la nomination, mais on le devient après la signature de l’ordonnance d’investiture. Dès lors que l’ordonnance est prise, vous êtes Premier ministre! Quand vous êtes présenté pour être nommé, on parle plutôt du candidat Premier ministre», éclaire-t-il.
Ensuite: «lorsque l’on estime que le Rassemblement doit présenter trois noms pour permettre au Président de la République d’opérer le choix, parce qu’il n’a pas le pouvoir d’entérinement mais il a le pouvoir de nomination, qu’est-ce à dire? C’est évidemment une gymnastique intellectuelle inutile mais pour plaire à l’opinion». Toussaint Alonga explique son idée: «l’Article 78 ne vise uniquement que la majorité parlementaire. Quand on lit: le Président nomme au sein de la majorité parlementaire… après consultation de celle-ci». A l’en croire, «celle-ci» renvoie à la majorité parlementaire. Du coup, souligne-t-il, cette disposition constitutionnelle ne devrait pas logiquement être transposée sur l’Accord.
Une situation particulière
Pour l’élu de Mont-Amba, la RD-Congo est dans une situation politique particulière. Conséquence: le pays déroge aux règles traditionnelles de la Constitution. L’article 78 ne devrait donc plus être d’application. «Nous sommes fin mandat, il n’existe plus de majorité parlementaire de manière strictement constitutionnelle», argue-t-il. Et d’appuyer: «nos paires du Rassemblement et de la Majorité présidentielle, tous, ont été obnubilés dans une distraction et ils ont accepté que la nomination du Premier ministre obéisse au prescrit de l’article 78! C’est une hérésie».
Alonga rappelle que les choses devraient être comprises politiquement et dans un contexte particulier que dans celui de l’article 78 de la Constitution.
HRM
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