Politique

Primature a l’Opposition vs régime spécial: l’Accord l’emporte, selon Onyumbe

 
Après avoir révisé les arguments de la Majorité et de l’Opposition, scruté les différentes péripéties du processus électoral en cours, ce jeunot, analyste politique et expert en communication, estime, dans ses conclusions, qu’à l’état actuel des choses, l’accord issu du dialogue s’avère être le choix le plus susceptible d’amener la RD-Congo vers des élections, pourvu que chacun y mette du sien
«Continuer à faire croire aux RD-Congolais que les élections sont encore possibles en 2016 est irresponsable et même suicidaire… L’heure est venue pour les RD-Congolais de s’approprier la citation d’Abraham Lincoln qui dit clairement que: des mesures non constitutionnelles peuvent devenir légitimes lorsqu’elles sont indispensables». Hors contexte, ces propos de l’analyste politique RD-congolais Jean Serge Onyumbe peuvent choquer. Pourtant, dans le contexte de la dialectique qu’il vient de produire sous le titre «Elections 2018: Le moindre mal», sa pensée est loin d’être erronée. Elle est au contraire justifiée. Après avoir révisé les arguments de la Majorité présidentielle -MP- et de l’Opposition, scruté les différentes péripéties du processus électoral en cours, Onyumbe fait part de ses conclusions. Sans peur au ventre, l’homme persiste à croire que le salut du pays dépend de la responsabilité des leaders RD-congolais. Ainsi, à l’état actuel des choses, l’accord issu du dialogue s’avère être, selon lui, le choix le plus susceptible d’amener la RD-Congo vers des élections, pourvu que chacun y mette du sien. «Au-delà de tout discours et de toute passion, force est de constater que le dialogue politique de la Cité de l’UA a le mérite d’avoir proposé un compromis clair pour l’organisation des prochaines élections dans un délai -on ne peut plus techniquement- acceptable», tape-t-il.
Dans la même production, Onyumbe relève une démarche suspecte de la Communauté internationale. Pour lui, celle-ci «continue à faire miroiter au Rassemblement la possibilité d’organiser les élections d’abord en 2016 et maintenant en 2017 et,  la nécessité d’un dialogue plus inclusif» alors que les experts de cette même Communauté internationale, notamment l’Organisation internationale de la Francophonie -OIF- et des Nations unies ont travaillé pendant le dialogue en commission technique avec la Commission électorale nationale indépendante -CENI- pour élaborer la squelette du calendrier électoral adopté par le dialogue. Lisez plutôt. 
HRM
Elections 2018: Le moindre mal 
Des mesures de décrispation à la sécurisation du processus électoral en passant par le budget des élections, les experts, les personnalités de la Majorité présidentielle, de l’Opposition et de la Société civile ont abordé plusieurs thèmes pendant le dialogue qui s’est tenu à la Cité de l’Union africaine. Mais le plus gros point d’achoppement était celui du calendrier électoral. Le président de la Commission électorale nationale indépendante, Corneille Nangaa Yobeluo avait présenté trois options: la présidentielle couplée avec les législatives -solution privilégiée par l’Opposition et la Communauté internationale. Commencer par les élections locales et provinciales -idée qui a eu la préférence de la MP. Et la dernière option qui consistait à coupler toutes les élections en un jour.
Au terme de 48 jours de discussions, les 300 délégués au dialogue de la Cité de l’UA ont choisi la dernière option: les élections ne seront pas organisées avant avril 2018 en RD-Congo, contrairement à ce que prévoit la Constitution. Ce choix a tout de suite fait couler beaucoup d’encres et de salives, car pour certains, il entérine la stratégie du glissement orchestré par le pouvoir en place. Ceux qui défendent cette thèse, dénoncent une violation de la Constitution. Pour d’autres, ce choix permet aux RD-Congolais de mieux se préparer aux échéances, compte tenu des difficultés technico-financières de la CENI.
Mais pourquoi en sommes-nous arrivés là?
Le processus électoral n’avançait pas faute de décaissement de fonds. Des sources de la Centrale électorale avaient indiqué que le gouvernement versait à la CENI les frais de fonctionnement et de rémunération de son personnel mais ne finançait pas suffisamment les opérations électorales. Les chiffres attestant cette situation sont contenus dans le rapport d’activités de la CENI remis à l’Assemblée nationale en 2015. Le budget électoral de la CENI pour le cycle électoral 2012-2016 s’évaluait à un peu plus d’un milliard de dollars. En 2014, le Parlement avait alloué à l’OGE les crédits de 195 milliards 304 millions de Francs congolais -USD 212 286 957. Le gouvernement n’avait décaissé que 24% de ce montant. Pour l’année 2015,  le budget voté était de plus de 186 milliards 637 millions de Francs congolais. Mais, d’après le rapport de la CENI, le gouvernement n’avait versé que 22% à la Centrale électorale. Le rapport de la CENI indiquait également que les fonds reçus dans la période de juin 2014 à juin 2015 concernent la stabilisation des cartographies opérationnelles et la fiabilisation du fichier électoral. Concernant les élections municipales et locales directes, le rapport de la CENI mentionnait un financement à hauteur de 43% du montant attendu du gouvernement entre octobre 2014 et mai 2015.
Pour mémoire, un calendrier électoral global avait déjà été proposé par la CENI en février dans un climat politique tendu après les violentes manifestations de janvier 2015 contre la nouvelle loi électorale. Le cycle électoral devrait débuter par les élections des députés provinciaux et les élections locales, le 25 octobre 2015, puis venaient les élections sénatoriales le 17 janvier 2016 et celles des gouverneurs de provinces le 31 janvier 2016 et, enfin, la présidentielle et les législatives le 27 novembre 2016. La CENI avait avoué que ces différents scrutins étaient tenus à un certains nombres de «contraintes»: notamment sur la fiabilité du fichier électoral qui n’a pas été encore totalement «nettoyé», mais surtout sur le financement des élections, qui n’était pas encore bouclé. Dans ce contexte d’incertitude, une fois encore après le premier rejet du calendrier partiel, l’Opposition politique avait dénoncé un calendrier «irréaliste» et craint que Joseph Kabila ne cherche à jouer la montre en repoussant au-delà de 2016, l’élection présidentielle.
Sauf si l’on prenait en compte les impondérables présentés par le gouvernement ou l’effort de guerre
En effet, la complexité de la guerre dans l’Est de la RD-Congo, avec son réseau inextricable d’acteurs poursuivant un grand nombre d’intérêts, peut également justifier l’impasse budgétaire dans laquelle le gouvernement s’est retrouvé. En l’absence d’une présence significative de l’État, pas moins de 40 groupes armés opèrent dans la région, où persiste une crise humanitaire chronique. A ce jour, l’Est du pays compte plus de 2,6 millions de personnes déplacées et 6,4 millions de personnes en besoin d’aide alimentaire d’urgence. Somme toute, le gouvernement n’a pas pu doter à la CENI des moyens suffisants pour organiser les élections en 2016.
Les alternatives en vue: le Régime spécial vs la Primature à l’Opposition
Le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, plate-forme dont Etienne Tshisekedi assure la présidence du comité des sages, soutient mordicus que le Chef de l’Etat sera démissionnaire à la date du 20 décembre -la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel. Par la même occasion, toutes les institutions perdront leur légitimité à cette date. On assistera donc à une tabula rasa à la RD-congolaise qui impliquera l’entrée en fonction des autres animateurs -du Rassemblement surtout- qui auront la tâche d’organiser les élections. Ainsi appellent-ils à un dialogue politique inclusif, sans lequel la RD-Congo connaitra son grand-soir à l’instar des événements des 19 et 20 septembre derniers. En prélude de ce chaos, -si un deuxième dialogue il n’y a pas,- le Rassemblement a initié des marches de protestations et des journées d’alertes  -journée sans école, le 05 septembre dernier le jour de la rentrée des classes et une  journée ville-morte, le 19octobre dernier.
Les pro-dialogues -MP, frange Opposition, Société civile- ont proposé une période de transition avec à sa tête un gouvernement dirigé par l’Opposition dont la mission est d’assurer l’organisation des élections. Autrement dit, toutes les institutions restent en place à la seule différence où l’Opposition participe à l’organisation des scrutins d’ici avril 2016. Elle aura entre autres la responsabilité de réunir les fonds nécessaires pour le financement de la CENI. Ils soutiennent que cette approche est conciliante, car elle évite à la RD-Congo le risque du chaos qu’occasionnerait la table rase proposée par le Rassemblement. Face à l’inconstitutionnalité de cette approche, ils rétorquent que l’on assistera à une nouvelle configuration de la majorité parlementaire qui justifierait qu’un parti de l’Opposition, membre de ce qui sera la nouvelle majorité parlementaire, dirige la primature. La Conférence internationale pour la Région des Grands-lacs -CIRGL- tenue à Luanda, le 26 octobre dernier, a encouragé les acteurs politiques RD-congolais à adhérer aux recommandations dudit dialogue pour arriver à une alternance politique pacifique.
La question qui fâche…
La Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- a insisté sur le fait que dans le contexte qui est le nôtre, il est impérieux qu’il soit clairement mentionné dans le consensus à trouver que l’actuel Président de la République ne se représentera pas pour un troisième mandat, conformément à l’Article 220 de la Constitution. A la Majorité présidentielle de répondre que la Constitution n’oblige nullement le Chef de l’Etat à se prononcer sur cette question, car ce dernier a déjà prêté serment en jurant de respecter la Constitution. Une telle déclaration cautionnerait le «procès d’intention» qui voudrait qu’il ait prévu d’accumuler un troisième mandat. Donc, sans objet pour le Pouvoir!
Ce que j’en pense…
D’entrée de jeu, je rappelle que ce n’est pas le dialogue de la Cité de l’UA qui aura permis à Joseph Kabila de rester au pouvoir après le 19 décembre. Selon l’arrêt rendu en mai dernier par la Cour constitutionnelle qui répondait à une requête en interprétation déposée par plus de 250 députés, Joseph Kabila pourra rester en fonctions au-delà du terme de son mandat, fin 2016, si l’élection présidentielle censée avoir lieu cette année n’est pas organisée.
Où sont passés les préalables?
Le Rassemblement a justifié son refus de participer au dialogue de la Cité de l’UA sous prétexte que des préalables n’étaient pas réunis: entre autres, la libération des prisonniers d’opinion, la réouverture des médias de l’Opposition ou encore la récusation du facilitateur Edem Kodjo taxé pro-Kabila. A ce jour, il est faux de dire que tous les prisonniers d’opinions ont été libérés. Il est cependant vrai de reconnaître qu’il y a eu un élan de décrispation de la scène politique sans lequel le dialogue n’aurait pas été possible. Si le Rassemblement veut rester constant dans sa logique initiale, il serait toujours indiqué de le voir continuer à exiger les mêmes conditions à réunir avant toute concession. Sauf si le pouvoir en place venait à répondre aux «autres» véritables préalables du Rassemblement qui, du reste, ne sont un secret pour personne.
La Communauté internationale, de son côté, continue à faire miroiter au Rassemblement, de manière contradictoire, la possibilité d’organiser les élections d’abord en 2016 puis maintenant en 2017, et la nécessité d’un dialogue plus inclusif. Or, il est notoire que l’Organisation internationale de la Francophonie -OIF- et les Nations unies ont travaillé avec la CENI en commission -pendant ledit dialogue- pour l’élaboration de l’actuelle ossature du calendrier électoral issu du dialogue. Il apparait clairement que cette Communauté internationale semble également jouer sa partition en caressant le Rassemblement dans le sens du poil.
A en juger les recommandations de la CIRGL qui encouragent les acteurs politiques RD-congolais à prendre patience pour obtenir une passation pacifique du pouvoir en lieu et place de tout saborder, et l’intérêt croissant  des RD-Congolais à voir le nouveau gouvernement entrer en fonction pour sanctionner celui qui a failli à sa mission d’organiser les élections dans un délai techniquement rationnel, tout porte à croire que l’option d’un deuxième facilitateur pour un deuxième dialogue reste illusoire, platonique et relèverait même d’une naïveté politique accrue. Par contre, ce qui n’est pas à écarter est la possibilité de voir le Comité de suivi des recommandations du dialogue intégrer les propositions du Rassemblement. Autrement dit, l’inclusivité du dialogue ne résiderait pas forcément en la tenue d’un autre dialogue mais surtout, en sa prise en compte des propositions qui vont dans le sens d’assurer une alternance politique pacifique. Les «dialogueurs» l’ont bien signifié dans le rapport final de l’Accord en son article 24.
Au-delà de tout discours et de toute passion, force est de constater que le dialogue politique de  Cité de l’UA a le mérite d’avoir proposé un compromis clair pour l’organisation des prochaines élections dans un délai,-on ne peut plus techniquement,- acceptable. Continuer à faire croire aux RD-Congolais que les élections sont encore possibles en 2016, est irresponsable et même suicidaire lorsqu’on sait tous, que la foule n’a pas d’âme et qu’elle est facilement manipulable. L’heure est venue pour les RD-Congolais de s’approprier la citation d’Abraham Lincoln qui dit clairement que: «des mesures non constitutionnelles peuvent devenir légitimes lorsqu’elles sont indispensables». C’est aussi ça l’esprit de l’Article 64 de notre Constitution.
Jean-Serge ONYUMBE WEDI,
Analyste politique Indépendant & Expert en communication

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