Politique

«La Mangeoire», le patriote Djungu interpelle

Pour la présentation de son dernier roman dont rien que le titre, «La
Mangeoire», et la couverture dépeignent une façon nette de vivre et de
gérer dans son pays, la RD-Congo, Charles Djungu Simba choisit de
rompre avec la coutume. Evitant visiblement la censure de certains
médias classiques, il s’empreinte les nouvelles technologies de
l’information et de la communication pour la sortie de son œuvre.
Chose plutôt inhabituelle mais compréhensible au vu du contenu de son
livre. Incisif par moment, Charles s’assume et interroge avec
profondeur son temps sur de vraies questions. Celles qui souvent
fâchent. «Le drame dans ce pays, c’est que si nous avons accepté d’y
cohabiter -et Dieu seul sait de quels horizons divers nous venons!-,
nous refusons par contre de nous soumettre aux règles élémentaires du
vivre-ensemble.
La conséquence, c’est que nous avons réussi à transformer notre pays
en une véritable jungle. Les fautifs ne se recrutent pas uniquement
dans le camp de prédateurs qui ont succédé aux colons, ils le sont
également parmi tous ceux qui, considérant que leur sort relève de la
fatalité, préfèrent croupir dans la misère plutôt que de défendre
leurs droits élémentaires», écrit-t-il par exemple à la page 28. Autre
chose inhabituelle, son fils Prince Djungu, lui aussi écrivain, se
charge de sa promo sur les réseaux sociaux. Il y a peu, Prince Djungu
-journaliste à ses heures- a réalisé une belle interview avec son
géniteur dans laquelle le vieux Djungu parle de sa dernière
production. Interview.
Charles Djungu Simba, bonjour. Vous venez de publier un nouveau roman
intitulé «La mangeoire». Curieusement, je ne vous vois pas sacrifier
au rituel devenu classique : présenter l’ouvrage à travers les médias
traditionnels: méfiance? Désintérêt vis-à-vis de ces médias?
Bonjour. Je ne me plie pas à une mode mais je réponds à une nécessité
incontournable de notre temps. Beaucoup de ces médias «classiques», en
RD-Congo, soit se sont discrédités en devenant des organes de
propagande. Je me suis donc décidé de me tourner vers les réseaux
sociaux en espérant que ceux-ci vont amener et les lecteurs et les
médias classiques à s’intéresser aux livres.
La mangeoire: pourquoi ce titre? Que voulez-vous dire?
-Rires- J’espère que vous n’allez pas faire comme certains de vos
confrères qui me demandent de résumer le livre pour eux. La clé est à
la porte. Suivez mon regard sur la couverture du livre. Ne cherchez
pas loin de là où vous êtes: il y a toutes sortes de mangeoires et le
roman en fait largement écho. La Mangeoire, c’est à la fois des
comportements, une «politique» de se nourrir sur la bête qu’est la
RD-Congo. Aux premières loges, ceux qui sont au haut sommet: les
grands prédateurs, les apparatchiks mais il y a mangeoire et
mangeoire. Je vous renvoie au roman. Au fait, aux deux romans parce
que la mangeoire est un roman dans un roman. D’ailleurs, nous les
écrivains aujourd’hui, nous sommes dépassés par nos politiciens, les
maitres en fiction de toutes sortes et fariboles insoutenables. La
RD-Congo est un gros roman: c’est la mangeoire!
Contrairement à beaucoup d’écrivains, dans «La Mangeoire» vous ne
mettez pas des gants. A la lecture de ce roman, on ressent que votre
plume est un peu plus, comment dirai-je… «courageuse»…
Il n’y a aucun courage à tenter d’appeler les choses par leurs noms.
J’ai toujours en tête cette belle citation de Camus : «Mal nommer les
choses, c’est ajouter au malheur du monde. Ne pas nommer les choses,
c’est nier notre humanité». On croit souvent que l’écrivain est
beaucoup plus à l’aise dans la fiction avec des lieux imaginaires mais
on oublie qu’un roman doit d’abord s’assumer comme tel! C’est de
l’art, une fiction en lui-même, un monde à part entière. L’écrivain,
contrairement à vous journaliste et aux historiens, n’est comptable
que devant le vraisemblable et non devant la vérité et les faits.
Propos relayés par Hugo Robert MABIALA

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