Le torchon brûle au sein de l’une des grandes unités de production encore opérationnelles en RD-Congo. Il s’agit de la Société congolaise des transports et des ports -SCTP- dont les travailleurs viennent de débrayer. Les usagers de la route de passage sur le boulevard du 30 juin ont été surpris de voir ce mardi 18 avril 2017 les agents et cadres de l’ex-ONATRA, entreprise publique transformée en société commerciale, quitter l’enceinte de leurs installations pour brûler des pneus et des rameaux sur la voie publique. Renseignements pris, il ressort que les travailleurs de cet ancien poumon de l’économie nationale revendiquent leurs salaires dont ils sont sevrés depuis décembre 2016. Certains parlent même de septembre 2016. Bref, chacun y va de son crédo.
Des représentants des travailleurs approchés pour apporter la lumière sur cet arrêt de travail n’ont pas voulu s’exprimer en clair devant les médias. Cependant, dans les rangs des agents et cadres de cette compagnie de transports ferroviaire, fluvial et lacustre, l’on croit savoir qu’il s’agit d’un ras-le bol du personnel excédé de se faire rouler dans la farine par la nouvelle gestion.
Canalisation des recettes vers le paiement des dettes antérieures
Selon papa Nzita qui totalise plus de 40 ans de service, les dirigeants actuels se perdent dans des justifications qui ne tiendraient pas la route. A l’en croire, l’on ne cesse de leur rabattre les oreilles avec des arguments selon lesquels l’ancienne gestion s’étant beaucoup endettée, les recettes réalisées par la SCTP seraient toutes canalisées pour apurer toutes ces dettes et combler ce trou.
Mme Laurentine K. ne veut en aucun cas accepter ce discours: «les travailleurs sont des créanciers privilégiés. Quels que soient les engagements pris par les gestionnaires avec des partenaires extérieurs, les travailleurs doivent cueillir le fruit de leur production à la fin de chaque mois. Nous sommes maintenant exposés à la précarité. Que devons-nous faire pour nourrir nos enfants, payer le loyer, les factures de consommation d’eau et d’électricité, les frais scolaires des enfants après les vacances de Pâques?».
Face à cette grogne, les gestionnaires de la SCTP sont tenus de trouver des solutions palliatives pour éviter que ce feu n’embrase tous les secteurs d’activités. Ventre affamé n’a point d’oreille, stipule un dicton. Plus vite des réponses concrètes seront apportées aux revendications sociales du reste justifiées des travailleurs, mieux cela vaudra pour la quête de la paix sociale, élément indispensable pour l’accroissement de la productivité.
Baisse drastique des activités et des revenus de la SCTP
Germain Basilwa, un expert du secteur des transports croisé dans les couloirs du bâtiment de la SCTP, fait remarquer que le rendement de cette entreprise a beaucoup baissé au point de peser lourdement sur la mobilisation des ressources à affecter aux rémunérations du personnel. A ses dires, les principales sources de recettes commencent à tarir.
C’est le cas notamment du réseau fluvial où l’on n’entend guère parler de l’exploitation régulière de l’ITB Kokolo. Certaines langues épinglent même des travaux de révision entrepris à la hâte. L’unité flottante Gungu devrait en principe combler cette lacune, elle qui a subi des inspections techniques beaucoup plus approfondies.
La navigation sur le fleuve Congo pose problème pour les grosses unités. La Régie des voies fluviales devrait accentuer ses travaux d’intervention de manière à draguer régulièrement cet important cours d’eau et permettre ainsi l’exploitation normalisée de jour et de nuit comme jadis sous la deuxième République où des bateaux de l’envergure du M/S Kamanyola naviguaient en toutes saisons.
Annulation de l’interdiction d’importation des véhicules de plus de dix ans
Sur le réseau ferroviaire, poursuit l’expert Germain Basilwa, en dehors du train urbain qui assure la liaison Kasangulu-Kinshasa quotidiennement dans des conditions précaires, le train Express n’opère qu’une fois chaque week-end le trafic Kinshasa-Matadi et retour. Les opérateurs économiques appellent de tous leurs vœux la remise en exploitation du train des marchandises qui a toujours permis l’évacuation de gros tonnages à faible coût par rapport au transport routier. Ceci constitue également une importante source de revenus pour la SCTP.
Que dire des effets collatéraux de la mesure gouvernementale portant interdiction d’importation des véhicules de plus de dix ans? s’interroge cet expert. Les ports de Matadi et Boma en souffrent énormément, notamment la SCTP dont les recettes ont baissé de façon drastique. Les travailleurs de la compagnie nationale ainsi que les habitants des deux villes portuaires militent pour le report de cette décision en vue de booster les activités génératrices des richesses.
Tino MABADA

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