Politique

L’Airbus A321 de CAA refusé et interdit d’exploitation en RD-Congo

Conséquence directe: suppression de 95%des effectifs
Le transport aérien constitue un véritable casse-tête chinois en RD-Congo. Les nouvelles qui nous parviennent de ce secteur vital devant booster les déplacements des personnes, des biens et de la poste sur de longues distances dans un pays aux dimensions continentales avec ses 26 provinces, ne sont guère rassurantes. La situation est fort préoccupante, cruciale même. De manière réfléchie, elle devrait même amener tous les exploitants du secteur, les responsables qui en assurent la gestion à divers degrés ainsi que le pouvoir public, à se mobiliser toutes affaires cessantes en vue de trouver des solutions pragmatiques et durables à cette désescalade. Les autorités du pays ont refusé et interdit d’exploitation dans l’espace aérien Rd-congolais l’Airbus A321 de CAA qui a pourtant obtenu toutes les autorisations d’usage avant son importation. Avec une flotte réduite à deux Fokker-50, les dirigeants de cette compagnie aérienne privée de droit congolais exposée à une faillite brutale, ont jugé mieux de procéder à la suppression d’emplois à hauteur de 95% des effectifs. Un véritable drame au moment où le gouvernement Badibanga est appelé à redresser la barre dans le domaine social qui fait eaux de toutes parts.

L’opinion se souviendra que depuis l’éclipse voulue et entretenue de Lignes aériennes congolaises -LAC- de l’espace aérien RD-congolais par de nombreuses autorités du pays qui tirent les ficelles dans l’ombre au mieux de leurs intérêts égoïstes, la Compagnie aérienne africaine -CAA- a pris la relève et occupé le terrain, malgré la rude concurrence de moult exploitants véreux. Marchant sur la voie tracée par la première compagnie aérienne nationale, les dirigeants de CAA se sont imposés une discipline de fer dans le respect des normes en matière d’aviation civile.
Ce qui est une denrée rare dans le chef des exploitants aériens privés en RD-Congo mis au banc de la Communauté internationale par l’Organisation de l’aviation civile internationale -OACI- dont les rapports indiquent qu’en RD-Congo, ce sont les commerçants qui font l’aviation. Bien que ne disposant pas d’infrastructures techniques aussi fournies et d’équipements indispensables que LAC-Sarl, les gestionnaires de CAA ont cravaché dur en vue d’assurer une exploitation régulière des vols commerciaux sur toute l’étendue du pays, même dans les coins les plus reculés désertés par tous. CAA est montée en puissance au point d’évoluer en situation de quasi-monopole, raflant les plus grosses parts de marché jusqu’à imposer même ses propres tarifs.
Deux semaines de tourisme en RD-Congo avec des frais onéreux
Le transporteur aérien privé dirigé de main de fer par M. Blattner est parmi les premiers à introduire l’exploitation des avions Airbus dans sa flotte. Dans le souci d’améliorer davantage la qualité des services offerts à la clientèle, CAA a jeté son dévolu sur l’Airbus A321 de manière à supplanter les Airbus A320 opérés par la concurrence. Les voyageurs tant nationaux qu’étrangers ont été mis suffisamment en appétit par une large publicité tapageuse dans les médias écrits et audiovisuels.
Après les inspections techniques obligatoires effectuées sur cet Airbus A321 dans le pays d’acquisition par les experts de l’AAC, les dirigeants de CAA ont entrepris les démarches nécessaires en amont pour l’obtention de toutes les autorisations exigibles en matière d’importation en RD-Congo. Ce moyen-courrier a atterri à l’aéroport international de N’Djili où il est resté au sol pendant une quinzaine de jours. Les préparatifs sont allés bon train. Au moment où tout le monde attendait le vol inaugural,… patatras! L’AAC a sorti la grosse artillerie pour frapper cet aéronef d’interdiction d’exploitation en RD-Congo et son renvoi définitif dans son pays d’acquisition. A la base de cette décision incendiaire de l’AAC, l’âge de construction de cet aéronef qui aurait dépassé les quinze ans (!).
Quels gains pour le pays avec des mesures aussi controversées?
Aussitôt décidé, aussitôt exécuté. La semaine dernière, les divers exploitants dont les services sont opérationnels à l’Aéroport international de N’Djili, ont été sidérés de voir, la mort dans l’âme, l’A321 de CAA reprendre les airs, sans avoir opéré un seul vol commercial pour lequel il avait du reste reçu toutes les autorisations. Avec ce retour précipité de cet aéronef, la flotte de CAA est réduite à deux Fokker-50 avec d’énormes effets collatéraux. Cet exploit de l’AAC a soulevé un tollé de protestations dans la profession ainsi que parmi la population RD-congolaise en ce moment précis où le pays est condamné à la diète avec un manque criant d’aéronefs performants.
Pendant ce temps, les demandes des voyageurs aériens, surtout avec la mise en place de nouvelles provinces, ne cessent de prendre l’ascenseur. Que gagne le pays avec des mesures aussi controversées? Que propose l’AAC en retour pour résorber ce déficit d’aéronefs dans le réseau domestique où certaines contrées attendent depuis des lustres le passage d’un hypothétique avion? La «RTGa» a diffusé récemment des images poignantes de l’Aéroport international de Gbadolite abandonné à son triste sort depuis les pillages subséquents au départ précipité du Maréchal Mobutu Sese Seko. Les populations de ce chef-lieu sont contraints d’effectuer plus de 300 km à pied ou par d’autres voies de surface sur des routes qui n’existent que sur papier, pour atteindre Gemena dans l’espoir d’attraper un avion. CAA est l’une des rares compagnies à aligner des vols commerciaux dans ces aéroports désertés par tous.

Suppression drastique d’emplois et d’activités créatrices de richesses

Un observateur avisé ne s’est pas gêné de comparer cette situation à celle qui prévaut aux ports de Boma et Matadi depuis que le Premier ministre Augustin Matata Ponyo a pris le décret d’interdiction d’importation des véhicules âgés de plus de dix ans. L’application de cette décision a eu pour conséquence directe l’invasion des routes de la capitale par des voitures appelées communément «ketches» conduites malheureusement par des jeunes gens ignorant pour la plupart les b-a-ba du code de la route. Elle a aussi eu pour conséquence pernicieuse la suppression drastique d’emplois dans les villes de Boma et Matadi qui vivent en majeure partie des activités portuaires. Cette limitation a réduit sensiblement le volume des importations des véhicules d’occasions qui constituaient à l’époque le plus grand poste pourvoyeur des recettes et créateur par ricochet des richesses et d’emplois.
Ceci n’est un secret pour personne, le parc aérien de la RD-Congo n’atteint même pas le seuil minimal requis pour une couverture harmonieuse de tout le territoire national. Le peu d’avions répondant aux normes requises sur les plans technique, opérationnel et sécuritaire, ne suffit nullement pour couvrir les besoins en déplacements des 80 millions des RD-Congolaises et RD-Congolais. C’est ce moment que choisit l’AAC pour priver la population d’un aéronef qui répond pourtant aux normes édictées tant par le constructeur Airbus que par l’OACI. Et comme il fallait le craindre, la direction générale de CAA vient de décider la suppression de plus de 90% de ses effectifs pour ne retenir que le strict minimum en vue de l’exploitation des deux Fokker-50. Sous d’autres cieux, CAA précipitée dans une faillite brutale, devrait mettre la clé sous le paillasson.
L’espace aérien RD-congolais et international survolé par des avions plus âgés
Et pourtant, dans l’espace aérien RD-congolais et international volent régulièrement des aéronefs de loin plus âgés que l’Airbus A321 de CAA frappé d’anathème. Voilà qui relance la polémique. Quels dividendes le pays dégage-t-il en renvoyant ce moyen-courrier en dehors des frontières nationales pendant que la RD-Congo souffre d’une disette patente d’avions de ligne? Dans les milieux de la profession, un doigt accusateur est pointé vers les dirigeants de l’Autorité de l’aviation civile. Selon certaines indiscrétions dans l’immeuble de la SCTP, une main noire serait derrière cette opération coupe-gorge.
La mise en exploitation de la nouvelle acquisition de la flotte de CAA ferait ombrage à certains transporteurs qui éprouvent présentement toutes les peines du monde à remplir les sièges et les soutes de leurs avions, en ce compris ceux réputés «pimpants neufs et de nouvelle génération». Les dirigeants de l’AAC seraient contraints de jouer une partition écrite ailleurs. Des fuites dans les milieux proches des opérateurs aériens branchés font état d’un probable bras de fer entre le numéro un de CAA et certaines personnalités dans les hautes sphères du pays comme cela a été le cas, dans un passé aux cendres encore chaudes, entre Stavros Papaioanou et les détenteurs de l’impérium. Résultat final, retrait de la licence d’exploitation de la compagnie aérienne privée placée sous la direction de ce dernier. CAA est aujourd’hui contrainte de se débarrasser du gros de son personnel, pour laisser de l’espace au profit d’un opérateur aérien déjà essoufflé en quête patente de monopole.
Voilà un dossier qui mérite l’attention particulière du Premier ministre ainsi que des ministres en charge des Transports et Communications, de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale, des dirigeants de la Fédération des entreprises du Congo -FEC-, etc. Autant il sied d’assainir l’espace aérien en RD-Congo, autant il est impérieux d’accompagner les opérateurs aériens privés qui investissent énormément pour doter le pays d’une flotte performante, autant il convient également d’apporter des solutions musclées à la demande des nationaux et des étrangers qui doivent voyager de bonnes conditions de sûreté et de sécurité à bord des aéronefs répondant aux critères exigés par la loi ainsi que dans des délais raisonnables.
Tino MABADA

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