Politique

Discours guerrier de François Hollande

kabila et hollande
Fini l’engagement pris à Dakar. Le Président français a menacé la souveraineté des pays africains tentés de réviser la Constitution. Une vision unilatérale de la démocratie que l’Afrique refuse de cautionner tant il est évident que d’autres pays, sur d’autres continents autres que l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord, ont enregistré d’énormes progrès sans s’inspirer de l’Occident
Le président français, François Hollande a remis, le 21 novembre au Musée du quai Branly, le prix de la Fondation Chirac pour la prévention des conflits à la blogueuse et militante tunisienne des droits de l’homme, Amira Yahyaoui. Au plus bas dans les sondages dans son pays, seulement 13% d’intentions favorables, François Hollande s’est illustré par un coup de gueule sur les révisions constitutionnelles en Afrique. Un discours sur le ton de la Françafrique que François Hollande avait dénoncée pendant la campagne présidentielle et au début de son mandat.
En visite à Dakar en octobre 2012, François Hollande avait pompeusement annoncé la fin de la Françafrique devant le pupitre de l’Assemblée nationale du Sénégal. «Le temps de la Françafrique est révolu: il y a la France, il y a l’Afrique, il y a le partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité», avait-il expliqué. Deux ans jour pour jour, il est difficile, dans les faits, les actes et les discours, de constater cette fin. L’engagement pris à Dakar tarde à être tenu. L’ingérence continue. Place au discours guerrier. Analyse. 
Le 21 novembre, à la faveur de la remise du prix de la Fondation Chirac, François Hollande a embrayé sur les révisions constitutionnelles en ces termes: «L’Afrique, ce grand continent, qui est à la fois plein de jeunesse, plein de richesses et plein de promesses. Mais également plein de détresse. L’Afrique a besoin de nous pour lutter contre le terrorisme…Besoin de nous pour endiguer le fondamentalisme barbare. C’est le sens de l’appui de la France à la lutte contre Boko-Haram au Nigeria, au Cameroun, cette organisation qui enlève des jeunes filles et qui détruit des écoles».
Puis: «L’Afrique a besoin de nous pour prévenir les massacres. Et c’est ce que nous faisons avec les Africains eux-mêmes en RCA. Et c’est maintenant l’ONU qui assure cette essentielle mission. Et qu’aurait été ce pays si nous n’étions pas venus une fois encore à son aide. L’Afrique a également besoin de nous pour son développement, pour l’accès aux biens publics fondamentaux, à l’eau, à l’alimentation. L’Afrique a besoin de solidarité».
Puis encore, et tout le problème est là: «L’Afrique a aussi besoin que l’on promeuve partout les valeurs démocratiques. Et encore ces derniers jours la population du Burkina Faso a fait une belle démonstration, qui doit, à mon avis, faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir au-delà du temps nécessaire à la tête de leurs pays en violant l’ordre constitutionnel. Parce que ce qu’a fait la population du Burkina Faso, c’est tout simplement de faire respecter les droits et de permettre qu’on empêche de réviser une Constitution, une Loi fondamentale pour une convenance personnelle…»
La Françafrique est de retour si elle n’est jamais morte! La Françafrique a la peau dure! Pourtant, à en octobre 2012 à Dakar, devant la Représentation nationale du Sénégal, Hollande a personnellement décrié cette vision de la Françafrique qui ne tenait pas compte de la souveraineté des pays. Aujourd’hui, sans tenir compte de la situation en République Centrafricaine -où Paris a fait et défait les Rois- et en Lybie -où la France a joué un rôle clé dans la déchéance de Kadhafi-, devenues des quasi non Etats, Hollande semble jouer à ouvrir d’autres fronts, des nouveaux marchés, sous le fallacieux prétexte que la France contribue à sauver l’Afrique! C’est bien de prétendre appuyer la lutte contre Boko-Haram. Mais c’est plutôt mieux d’identifier et démanteler le réseau qui approvisionne ce groupe fondamentaliste en armes, en tenant compte du fait que l’Afrique ne dispose pas d’usines de fabrication d’armements. C’est davantage intéressant de reconnaitre que l’instabilité et l’insécurité aujourd’hui déplorées au Nord du Mali, au Niger, au Nord du Tchad et dans une partie du Cameroun tirent leur origine du climat pourri dans le Maghreb. Même la Tunisie citée comme modèle a envoyé un signal à travers le taux de participation faible -11%- à la présidentielle de ce dimanche 23 novembre. Des spécialistes ont expliqué que c’est une manière pour les Tunisiens de sanctionner ceux qui leur ont volé la Révolution.
Hollande s’est vanté de lutter contre le fondamentalisme sans évoquer le trafic illicite des substances naturelles sur le continent. Où vont les minerais de sang exploités à l’Est de la RD-Congo dont les grandes capitales occidentales feignent de critiquer le trafic illicite sans en saisir ne serait-ce qu’une seule tonne ni punir les auteurs facilement identifiables? Un documentaire sur l’origine du Cacao n’a-t-il pas dénoncé clairement l’exploitation des enfants ivoiriens par des multinationales européennes? Il est aberrant de faire croire que ces commerces de la honte profitent à l’Afrique.
L’expérience du Japon et de l’Amérique Latine
Il est aussi déraisonnable de vouloir imposer un modèle à l’Afrique tant il est vrai que l’Afrique elle-même est consciente que sans démocratie et développement, la faim et la pauvreté y séviront toujours. Mais ce que l’Afrique refuse c’est la vision unilatérale de la démocratie à l’européenne tant il est évident que d’autres pays, sur d’autres continents autre que l’Europe et l’Amérique du Nord, ont enregistré d’énormes progrès sans s’inspirer de l’Occident.
L’expérience du Japon, de la Chine, de la Corée du Sud et de certains pays de l’Amérique Latine méritent aussi d’être tentée. C’est le droit de chacun de lever ses options. Depuis la Révolution française, la limitation des mandats du Président de la République n’est devenue effective qu’en 2008. La question avait suscité un débat fou dans la société française. Elle n’avait pas fait l’unanimité au Sénat.
Certes aucun Africain digne de ce nom ne défendrait aujourd’hui l’idée d’une présidence à vie car, on n’a plus besoin d’hommes providentiels. Mais ne pas tenir compte du parcours historique de chaque pays et, particulièrement, des Etats post-conflit, ce serait une généralisation abusive. Les réalités du Burkina Faso diffèrent sans nul doute de celles de la RD-Congo.
L’Afrique aujourd’hui a besoin de la stabilité. Celle-ci n’autorise pas de chercher à remuer dans les plaies qui peinent à se cicatriser. L’Afrique a besoin des capitaux frais pour mettre en place un programme social en vue d’améliorer l’habitat, l’accès aux soins médicaux, le niveau de l’éducation, les infrastructures de base, préalables au décollage du continent.
Il est curieux que François Hollande, présumé défenseur du bonheur de l’Afrique et des Africains se contente des discours guerriers pour imposer sa vision de la démocratie, sans se soucier du fait que le premier droit démocratique pour un homme c’est celui de manger et de s’instruire. Combien d’investissements Hollande a-t-il assurés aux Africains dans ce domaine depuis son avènement à l’Elysée pour se croire fondé de donner des leçons à l’Afrique? Difficile de songer efficacement et utilement à l’Afrique quand l’on est contraint de soigner son image chaque jour écornée dans l’opinion française à cause d’une politique intérieure jugée incohérente. Avec seulement 13% d’opinions favorables dans les derniers sondages, Hollande a plus du travail en France que nulle part ailleurs.
Le bilan dressé de l’Afrique cinquantenaire n’a pas été positif parce que l’indépendance prétendument octroyée aura été récupérée par d’autres voies. Entre autres la dette qui n’a pas servie à financer le développement de l’Afrique mais, au contraire, à soutenir les économies d’ailleurs.
Aujourd’hui plus que jamais, l’appel pathétique doit être lancé à tous les Africains afin qu’ils aient le discernement nécessaire pour que l’Afrique centenaire des indépendances de demain se démarque de celle d’aujourd’hui. Pour ce faire, les pièges dans lesquels étaient tombés les ainés d’hier doivent être évités en adoptant, dans chaque cas, l’attitude de savoir de quel côté se trouvent les intérêts de l’Afrique. Dans tous les cas, ce ne sera pas du côté des donneurs des leçons.
AKM
 

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