Dans son adresse à la Nation devant les deux chambres du Parlement RD-congolais, réunis en Congrès jeudi 5 avril, le Président de la République, Joseph Kabila a laissé entendre que les crimes perpétrés dans le Kasaï sur les populations civiles ne resteront pas impunis et que leurs auteurs seront traduits en justice. Dans cette perspective, a en croire Kabila, sept officiers des Forces armées de la RD-Congo impliqués dans les tueries sont déjà aux arrêts. Le Chef de l’Etat a affirmé avoir signé une ordonnance établissant un secteur opérationnel au Kasaï pour combattre les miliciens Kamuina Nsapu et rétablir l’autorité de l’Etat. 24 heures avant le discours du Président Kabila, soit mercredi 4 avril, Claudel-André Lubaya, député national élu de la ville de Kananga et président de l’Union démocratique africaine-Originelle -UDA-Originelle-, a animé un point de presse pour fustiger les massacres qui se commettent dans le Grand Kasaï.
«Ces actes de barbarie ne devront pas rester impunis et ceux qui s’engagent dans cette voie devront répondre, tôt ou tard, de leurs actes, car le sang de nos compatriotes crie justice», a-t-il dénoncé. Tout en appelant «à la cessation immédiate des violences contre les civils et, par voie de conséquence, invitant le gouvernement à rappeler sa légion mortifère envoyée en opération funeste au Kasaï», Lubaya condamne également «toute insurrection armée des miliciens d’où qu’elle vienne et les invite à cesser immédiatement toute provocation». Selon lui, leurs revendications, quelle qu’en soit la raison, ne sauraient justifier le recours à la violence. «Toutes les milices nécessitent d’être urgemment démantelées. Ce désarmement devrait être surveillé par des acteurs nationaux et internationaux», propose l’élu de Kananga.
Claudel-André Lubaya, élu de la ville de Kananga, chef-lieu de la province démembrée du Kasaï Central, appelle à la mobilisation tous azimuts pour arrêter ce qu’il qualifie de génocide qui se perpètre dans l’espace Grand Kasaï, à savoir les provinces issues du démembrement de deux anciens Kasaï Oriental et Occidental. Au cours d’un point de presse à Kinshasa, le président de l’Union démocratique africaine-Originelle -UDA-Originelle- rend les forces loyalistes et les miliciens responsables de tueries des populations civiles, sans défense.
Sa description des faits est interpellatrice. «Je dénonce et condamne à haute voix les exécutions sommaires et enlèvements extrajudiciaires encore en cours et mets au défi leurs auteurs de brandir à la face de la Communauté nationale et internationale les mandats judiciaires et/ou jugements ayant autorisé toutes ces privations des vies, des libertés et des biens imposées à mes concitoyens», clame l’ancien gouverneur de l’ex-Kassaï Occidental.
Appel à la cessation immédiate des violences
Ce député national ne se limite pas seulement à dénoncer mais il propose des pistes de solution pour ramener la paix durable dans l’espace Grand Kasaï. Il en appelle à la cessation immédiate des violences contre les civils et, par voie de conséquence, invite le gouvernement à rappeler sa légion mortifère envoyée en opération funeste au Kasaï. «Le destin du Kasaï nous interpelle tous. Il y a péril en la demeure. Il faut agir vite. Et très vite. Le gouvernement devra s’engager à assurer la protection des civils, en garantissant efficacement leur sûreté et leur sécurité et en établissant une nette distinction entre les objectifs civils et les objectifs militaires, en s’abstenant de toute attaque aveugle et disproportionnée», déclare-t-il.
Il condamne ainsi «toute insurrection armée des miliciens d’où qu’elle vienne et les invite à cesser immédiatement toute provocation. Leurs revendications, quelle qu’en soit la raison, ne sauraient justifier le recours à la violence. Toutes les milices nécessitent d’être urgemment démantelées. Ce désarmement devrait être surveillé par des acteurs nationaux et internationaux. Pendant sa réalisation, le gouvernement et les milices devraient renoncer à la violence ou aux menaces de poursuivre la violence».
Règlement politique global de la crise
Lubaya en appelle également à la paix, à la concorde et au règlement politique global de la crise. Il estime que l’option militaire du gouvernement et le recours à la violence par les insurgés sont inappropriés. Selon lui, ces méthodes sont dangereuses autant pour le gouvernement que pour les miliciens qui y résistent. Il n’y a pas de voie de sortie de crise sans un règlement politique global. «Le gouvernement devrait démontrer, en parole et en action, son engagement pour un règlement politique, y compris à travers la mise en place d’un mécanisme de résolution de la crise qui intègre la dimension coutumière, politique, économique et sociale de celle-ci», propose-t-il.
A cet effet, l’ancien gouverneur du Kasaï Occidental en appelle à l’organisation urgente d’une conférence sur la paix, la réconciliation et la reconstruction du Kasaï afin de permettre un débat approfondi entre les composantes du Kasaï sur les causes lointaines et immédiates du conflit en vue d’y apporter, de manière globale, les réponses idoines. «Elle sera l’occasion d’évaluer la situation de crise et de pauvreté généralisée qui frappe durement cette partie du pays. Il faut rétablir la paix et la paix est la condition essentielle pour qu’une communauté puisse vivre, travailler et prospérer. La situation qui prévaut aujourd’hui au Kasaï a porté un coup sérieux à la paix», précise-t-il. Il ajoute que la crise a affecté profondément la population.
Ses conséquences ont occasionné de graves préjudices physiques et moraux chez des centaines de milliers de citoyens. «Le rétablissent de la paix et de la sécurité est donc une exigence fondamentale. La construction d’une paix durable est une œuvre qui comporte divers paramètres liés à la sécurité, à la distribution saine de la justice qui renforce la confiance des citoyens dans les institutions et de l’Etat, à la satisfaction des besoins essentiels des populations à travers une meilleure offre de service public et la création des conditions favorables aux activités économiques», pense-t-il.
Diligenter une enquête internationale indépendante
Sur cette lancée, Lubaya en appelle également à une enquête internationale indépendante urgente pour établir les responsabilités des violences et sévir contre les auteurs, coauteurs et commanditaires. «En effet, compte tenu de la gravité des faits allégués, une commission d’enquête devrait être établie immédiatement pour déterminer les responsabilités individuelles et partager ses résultats avec le Conseil de sécurité des Nations unies pour des sanctions ciblées et avec des procédures judiciaires, une fois mises en place», propose-t-il.
Ce n’est pas tout, il invite les organisations internationales partenaires de la RD-Congo, notamment les Nations unies, l’Union européenne ainsi que l’Union africaine à faire pression sur le pouvoir de Kinshasa afin qu’il cesse de tuer ses propres citoyens, son salut n’étant pas dans un quelconque génocide mais plutôt dans la mise en œuvre d’une gouvernance locale saine et qui tienne comptes des aspirations légitimes des populations.
«J’en appelle à la solidarité nationale et internationale pour venir en aide aux victimes qui se comptent par milliers ainsi qu’aux populations déplacées. Les enfants orphelins, témoins de l’assassinat de leurs parents ont besoin d’un accompagnement, les filles et femmes violées ont besoin d’assistance et d’aide psychologique pour sortir du traumatisme; les hôpitaux ont besoin des médicaments pour soigner les blessés et les fracturés; les déplacés ont besoin d’aide alimentaire, médicale, de couvertures et d’abri pour se protéger», demande Lubaya. Il lance enfin un vibrant appel à la jeunesse RD-congolaise dans son ensemble et à celle du Kasaï en particulier, d’être vigilante et d’éviter toute manipulation d’où qu’elle vienne.
Des fosses communes passées de 7 à 23, puis à 27
Lubaya n’a pas sa langue en poche. Il pointe du doigt accusateur les forces loyalistes: «à l’intérieur de la province, les forces gouvernementales ont renforcé le siège de certaines localités, en adoptant des tactiques de plus en plus brutales contre quiconque est perçu comme étant une menace. Elles ont exécuté des personnes qui voulaient fuir.
A Kananga, Bilomba, Tshimbulu, Masuika, Lunyeka, Ngwema, Kalunga et Tulume, les forces gouvernementales ont pris pour cible même des personnes malades ou blessées, en particulier des hommes qui sollicitaient un traitement médical, en considérant leurs blessures comme un indice de participation aux activités des milices». Selon lui, «la ville martyrisée compte ses fosses communes et ses cadavres en nombre toujours croissant et dont les corps en putréfaction jonchent ses rues ensanglantées de Nganza, Katoka, Kananga, Lukonga et Ndesha, Dibaya, Kazumba et Luiza». A Lubaya de se demander: «combien sont-ils?» Sa réponse ne donne aucune précision: «Dieu seul le sait tant le bilan définitif n’est pas encore connu.
Toujours est-il que, beaucoup de morts il y en a et des disparus et des orphelins, des veufs et veuves abandonnés, des cases pillées de fond en comble et vidées. Que dire des nombreux rescapés qui ont fui en brousse pour échapper à la furie… D’autres, tous, des jeunes, se sont noyés avec leur pirogue sur la rivière Luluwa durant la traversée à la recherche d’un refuge inespéré… Il y a eu des morts, par centaines et par milliers. Il y a des fosses communes, passées de 7 à 23, puis à 27 et qui sait, peut-être plus. Il y a inflation des fosses communes. Les filles et femmes violées, on en dénombre par centaine».
Sept officiers des FARDC déjà aux arrêts
Dans son adresse à la Nation devant deux chambres du Parlement RD-congolais, réunis en Congrès jeudi 5 avril, le Président de la République Joseph Kabila a laissé entendre que les crimes perpétrés dans les Kasaï sur les populations civiles ne resteront pas impunis et que leurs auteurs seront traduits en justice. Dans cette perspective, à en croire Kabila, sept officiers des Forces armées de la RD-Congo impliqués dans les tueries sont déjà aux arrêts. Le Chef de l’Etat a affirmé avoir signé une ordonnance établissant un secteur opérationnel au Kasaï pour combattre les miliciens Kamuina Nsapu et rétablir l’autorité de l’Etat.
Octave MUKENDI
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