Dans une vidéo projetée par la vice-primature en charge de l’Intérieur et Sécurité à l’attention des notables
et officiels Ne Kongo, le leader de Bundu dia Mayala -BDM- déclare que «si les Baluba, les Bangala et
les Swahiliphones veulent vivre au Kongo Central, ils devraient l’aider à chasser Kabila du pouvoir
Les affrontements entre les adeptes de Bundu dia Mayala -BDM-, mouvement politico-religieux présidé par le député national et chef politico-spirituel Ne Muanda Nsemi et la Police nationale, ont causé la mort de plus de 20 personnes à Kimpese, Songololo et Lukala, dans la province du Kongo Central.
Les autorités du pays ayant saisi la gravité du problème, ont convoqué les notables Ne Kongo pour réfléchir sur la question. Les déclarations faites par l’un des leurs, Ne Muanda Nsemi, dans une vidéo projetée à leur attention, ont créé un vrai malaise. Le chef spirituel de BDM incite la population à s’attaquer aux non originaires du Kongo Central et exige le départ du président Kabila. «En 2006, on a tué les BDK, les Baluba et les Bangala n’ont rien dit. Quelle est leur solidarité pour soutenir les Bakongo? Si on ne voit pas cette solidarité, nous allons tirer toutes les conséquences. Le mot d’ordre, c’est Kabila dehors. Nous devons le chasser», recommande-t-il à la population. Des propos qualifiés de xénophobes que les notables Ne Kongo condamnent énergiquement, appelant la population au calme et au respect de l’autorité établie.
Sur cette vidéo, on aperçoit Ne Muanda Nsemi habillé en toge blanche, arborant une écharpe rouge sur ses épaules et une autre nouée à la tête. Il est assis et s’adresse aux adeptes de son mouvement politico-religieux. Il parle avec un ton colérique. Ses propos sont troublants. «S’il y a des morts, c’est la faute à Papy Matezolo», dit-il, avant d’ajouter: «Je l’ai envoyé au dialogue et voici ce qu’il fait. Il est allé au dialogue pour qu’il y ait la paix. On a donné un vice-ministère ridicule à Matezolo. Je lui ai demandé de démissionner du gouvernement. Au lieu de démissionner du gouvernement, il démissionne du parti».
La chasse aux postes ministériels, le pot aux roses
Voilà qu’à cause des postes ministériels, Ne Muanda Nsemi se déchaine. Ses invectives embrasent certains coins du Kongo Central où ses adeptes s’attaquent à l’autorité établie et menacent la sécurité des non-originaires, comme à une époque révolue avec l’épuration ethnique de triste mémoire survenue dans l’ancienne province du Katanga. «En 2006, on a tué les BDK, les Baluba et les Bangala n’ont rien dit.
Quelle est leur solidarité pour soutenir les Bakongo? Si on ne voit pas cette solidarité, nous allons tirer toutes les conséquences. Le mot d’ordre, c’est Kabila dehors. Nous devons le chasser», tente-t-il de galvaniser la population. Selon lui, si les Baluba, les Bangala et les Swahiliphones veulent vivre tranquillement au Kongo central, ils devraient l’aider à chasser Kabila du pouvoir. «Nous allons fraterniser avec l’UDPS, le MLC et le BDM quand Kabila va partir», précise-t-il à ces militants. Comment Ne Muanda Nsemi qui a proposé une transition de 3 ans avec Kabila comme président de la République avant la tenue du dialogue, diabolisant en passant l’UDPS qui réclamait à cor et à cri la tenue de ce forum, peut-il se rétracter aujourd’hui après avoir pris part au dialogue de la Cité de l’Union africaine ayant abouti à la signature de l’Accord du 18 octobre? s’interroge un observateur de la classe politique RD-congolaise passée championne en revirements spectaculaires sans cause.
Emmanuel Ramazani Shadary prend le dossier à bras le corps
Face à l’ampleur de cette affaire qui porte les germes d’une épuration ethnique au Kongo Central, comme ce fut le cas en 1993 au Katanga avec l’expulsion des Baluba, Emmanuel Ramazani Shadary, vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et Sécurité, a réuni les notables de cette province et les officiels. Motif: rencontrer le chef de l’Etat et mettre fin à la violence orchestrée par Muanda Nsemi pour une affaire interne de BDM. Tous ces notables se sont désolidarisés de Ne Muanda Nsemi, comme en témoignent leurs propos. Papy Matezolo, vice-ministre des Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction, en conflit ouvert avec Ne Muanda Nsemi, note que ce dernier est le président national de son parti politique avec qui ils ont oeuvré ensemble pendant cinq ans. «Lorsque j’ai eu les charges d’Etat, j’ai dû me conformer à la loi qui n’autorise pas d’assumer concomitamment des responsabilités au sein des partis politiques et au sein du gouvernement. Voilà pourquoi j’ai présenté ma démission du poste de vice-président de notre parti politique», déclare-t-il.
Le ministre Matezolo poursuit en ces termes : «La situation qui sévit actuellement au Kongo Central et plus précisément à Kimpese et Songololo n’est pas politique. Elle est purement interne et a suscité certaines contradictions. Nous déplorons la mort d’homme étant donné que nous ne pouvions pas tolérer que des contradictions entre deux personnes puissent entrainer la mort des vies humaines et surtout des personnes innocentes».
Les lois du pays interdisent tout appel à la xénophobie
Ayant lui-même fait le droit, Ne Muanda Nsemi sait pertinemment bien que les lois de la République interdisent d’appeler les gens à la xénophobie. «Chaque RD-Congolais peut vivre dans n’importe quel coin de la République et personne ne peut se prévaloir la paternité d’une partie de la République. En tant qu’élu national, nous ne pouvons pas faire l’apologie de la xénophobie», martèle-t-il. Pour sa part, Jacques Mbadu, gouverneur du Kongo Central, affirme que la situation à Songololo et Kimpese est calme, même s’il y a eu affrontement entre différentes fractions de Bundu dia Mayala. La population est calme et vaque à ses occupations.
«En tant qu’Africains, quand il y a mort d’homme, on se met sous l’arbre à palabre pour voir comment gérer ce genre de problèmes causés par certains individus. En qualité de gouverneur, je ne peux pas cautionner la xénophobie et l’outrage au chef de l’Etat ainsi que le message de la haine véhiculé par certains leaders de Bundu dia Mayala», dit-il.
Et Clément Nzau, député national du Kongo Central d’abonder dans le même sens. «Nous ne pouvons pas nous permettre aujourd’hui de mettre dehors du Kongo Central nos frères Luba, Swahili -soit dit en passant, la tribu swahili n’existe pas, mais plutôt la langue swahili ndlr- et ceux de l’Equateur parce que certains d’entre eux nous ont formés et ont participé à la reconstruction de cette province. Il est hors de question qu’aujourd’hui que nous puissions nous lever pour chasser ces gens-là», dit-il en précisant que la RD-Congo est une République et non un Royaume et dans la République existent des lois et des institutions. «Il appartient à l’Etat de faire son travail et que la justice puisse établir les responsabilités», souhaite cet élu.
L’interpellation du député Gilbert Kiakwama Kia Kiziki
Même son de cloche du côté d’Yves Kisombe, vice-ministre des Affaires étrangères. «Je vais tout simplement rappeler que la violence est en train de s’installer dans la province du Kongo Central et les causes doivent être examinées. Rappelez-vous qu’il y a 9 ans, le ministre de l’Intérieur à l’époque, le général Kalume, avait été interpellé par un élu du Kongo Central, Gilbert Kiakwama. A l’époque, le débat avait été houleux», rappelle-t-il. Selon lui, les revendications sont une chose et le prétexte des revendications en est une autre. «La sécurité et l’unité nationales et l’intégrité territoriale sont des choses tout autant importantes que les revendications auxquelles nous devons faire face. Cela signifie que la violence doit cesser au Kongo central», souhaite-t-il. Il souligne que comme cette vidéo existe, il n’est pas acceptable que la haute autorité du pays soit de la sorte vilipendée et insultée. «Nous ne pouvons pas accepter la xénophobie ni les velléités de division dans le pays. Ca n’a rien à avoir avec les revendications que l’on peut rencontrer dans chaque partie du pays», déclare-t-il. Pour César Lubamba, ancien ministre de l’Urbanisme et Habitat, Ne Muanda Nsemi utilise ses frustrations pour donner son message, pourtant la population a besoin de la paix.
L’autorité suprême est toujours vilipendée
Selon Mfumu Difima, autorité coutumière, la notabilité Ne Kongo a été saisie des faits qui se sont déroulés à Songololo et Kimpese et des propos tenus par l’un des grands notables, Ne Muanda Nsemi. «Il est vrai qu’il y a des revendications suite aux frustrations. Dans notre culture, nous devons toujours trouver la solution par ce qu’on appelle chez-nous le «Kinzonzi», -traduisez ce mot par le dialogue». Il prévient que dans la culture Kongo, l’autorité du chef est sacrée, il est respecté. «Certains propos ont été tenus que nous considérons comme diffamatoires à l’autorité du pays. Entant qu’autorité coutumière, nous appelons le peuple à l’apaisement. Nous encourageons le chef de l’Etat dans ses efforts de retrouver la paix. Nous aimerions également lui faire comprendre que l’autorité suprême est celle qui est toujours vilipendée et la culture voudrait aussi qu’il comprenne que tous ceux-là constituent aussi ses sujets, sa population. Les réponses viendront, mais la paix est primordiale», conclut-il.
Octave MUKENDI
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