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RDC : Delly Sesanga quitte l’Union sacrée et envoie un message clair à Tshisekedi

De ses passages au RCD-Goma et RCD/K-ML à la création d’Envol, passant par ses détours aux Forces du futur et MLC, la carrière politique de l’élu de Luiza est caractérisée par ses principes. Il l’a encore démontré en inaugurant les départs de la plateforme du Président…

Delly Sesanga et son Envol quittent la barque Union sacrée de la nation. Ce départ annoncé dans la soirée du lundi 1 novembre a été confirmé 48 heures plus tard par son parti politique. Plusieurs écarts entre ses convictions et les lignes directrices de la majorité parlementaire motivent cette volte-face. «La politique telle que menée par l’Union sacrée ne correspond plus à mes convictions», justifie Sesanga. Comptant parmi ceux qui ont milité pour la Loi portant statut de l’Opposition, il ne comprend pas le retour en force des méthodes décriées hier.

Il déplore un «gangstérisme parlementaire» caractérisé par le viol du droit d’initiative des parlementaires et la volonté manifeste de museler le débat démocratique au Parlement. «Aujourd’hui, les débats démocratiques parlementaires sont étouffés par des motions incidentielles. Les flatteurs induisent le Chef de l’Etat en erreur, lui faisant penser qu’empêcher le débat c’est soutenir son action», regrette-t-il. Tout en saluant le travail abattu par l’Inspection générale des finances -IGF-, Sesanga note la prise en otage des prérogatives de contrôle dévolues au Parlement.

Autant de griefs qui font craindre à Sesanga la résurgence des pratiques de la 2ème République. Il dit également regretter l’adoption de la Loi organique de la CENI à l’Assemblée nationale ainsi que la désignation de ses animateurs dans un contexte curieusement semblable aux réalités de 2006, 2011 et 2018. «Ce manque criant de consensus autour de ce processus est de nature à créer plus de contestations avant et pendant les élections», prévient le patron d’Envol. Toutefois, Sesanga ne s’avoue pas vaincu et compte obtenir pour le peuple une revanche. Son prochain combat sera celui d’obtenir une Loi électorale raisonnable, acceptée par tous. Dans cette mission, il compte sur les autres déçus de la majorité. «L’Union sacrée est pleine d’hypocrites», fait-il savoir. Derrière cette démarche, Envol et son leader entendent obtenir la hiérarchisation des priorités en mettant l’intérêt de la population au premier plan.

La constance de Sesanga éprouvée

A 51 ans, Sesanga voit donc une nouvelle page de sa carrière politique s’ouvrir avec son parti politique désormais affranchi de tout protectorat. Passé tour à tour par le RCD-Goma et le RCD/K-ML, ce brillant avocat et tribun a débuté véritablement sa carrière politique aux Forces du futur sous les ailes de Z’ahidi Ngoma avant de rejoindre le Mouvement de libération du Cogo -MLC- de Jean-Pierre Bemba avec qui il bat campagne en 2006. En 2010, il crée Ensemble des volontaires pour le redressement de la RD-Congo -ENVOL- et rallie Etienne Tshisekedi. Un parcours atypique frisant la versatilité pour certains.

Une accusation que Sesanga balaie d’un revers de la main: «Ma conception de constance n’est pas attachée aux personnes, ce qui conduirait à un fanatisme, mais plutôt aux idéologies et aux principes». Depuis le début de sa carrière, Sesanga ne s’est jamais écarté de ses principes presque sacrosaints: la liberté, la justice, la souveraineté nationale, l’indépendance économique et l’Etat de Droit. «Dire que Sesanga est inconstant, c’est sous-entendre qu’Etienne Tshisekedi l’était aussi. Lui qui a milité tour à tour au MNC, MNC/Kalonji, CONACO, MPR et UDPS», tempête-t-il. Sur les ondes de «Top Congo», un autre recadrage de taille a été fait.

«En 2018, j’ai dit à Moïse Katumbi que je n’adhérais pas au choix de Genève. Et quand Tshisekedi a affirmé que Fayulu incarnait le changement, je l’ai appelé pour dire que ce n’était pas mon avis», dévoile Sesanga. Puis: «ce n’est pas moi qui suis allé vers Tshisekedi. Après Nairobi, ils sont venus, lui et Vital Kamerhe, pour solliciter mon soutien».

Sesanga est aussi en quelque sorte un des précurseurs de l’Union sacrée. Le 11 juillet 2020, ensemble avec 12 autres personnalités, il a signé l’Appel autour du consensus sur les réformes électorales. «Le résultat de leur travail combien élogieux a fini par donner naissance à une réalité appelée en ce jour Union sacré», rappelle Envol, quand Sesanga confirme: «Le G13 est l’Union sacrée avant la lettre». Dans l’opinion, cette défection, la première de l’ère Union sacrée, est diversement perçue.

A ceux qui soupçonnent une colère de Sesanga pour n’avoir pas été servi, ce dernier est catégorique: «J’ai toujours préféré le Parlement pour être gendarme des réformes plutôt que le gouvernement». La réponse est encore plus tranchante envers ceux qui recherchent des raccordements entre sa démission de l’Union sacrée et la déchéance de son père, Patrice Aimé Sesanga, du perchoir de l’Assemblée provinciale du Kasaï central. «Bien que né dans une famille très politique, je ne me suis pas jamais servi de mon père comme tremplin, contrairement aux autres. Depuis le début, j’ai clairement affiché ma position: mon père est de la gauche, moi non», cogne-t-il.

RAM et confusion autour de la mise en œuvre gratuité de l’enseignement, autres points de discorde!

Au sujet du fameux Front civique contre le glissement qu’il aurait entrepris avec Fayulu, Delly Sesanga explique qu’il n’a jamais été question d’une organisation. «J’ai proposé le Front, Fayulu a dit soutenir et ça s’est arrêté là», fait-il savoir, regrettant la volonté manifeste de tordre la réalité face au «danger qui nous guette». Par ailleurs, Envol dénonce «l’instrumentalisation des clivages religieux, ethno-tribal, régionaux et racial à des fins politiques». Une démarche qui pourrait entamer l’unité et la cohésion nationales de l’avis du parti de Sesanga.

Le RAM et la confusion autour de la gratuité de l’enseignement sont également mal perçus à Envol. «La population déjà meurtrie par des conditions sociales difficiles est saignée par les ponctions financières de RAM», note amèrement le parti de Sesanga. Envol regrette également «la morosité de la situation sociale», accentuée par la «confusion entretenue autour de la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement». Au sujet du RAM, Envol demande à voir clair sur l’utilisation et la destination des fonds prélevés sans «fondement légal».

Après avoir annoncé clairement son renoncement, Envol entend voir ses élus et délégués dans les institutions en tirer les conséquences. «Le sort de ceux qui ne s’aligneront pas sur la ligne du parti sera scellé par les structures spécialisées», promet Sesanga. Désormais autonome, Envol compte sur ses 23 coordinations provinciales ainsi que ses 23 fédérations installées dans un élan permanent d’expansion du parti avec en ligne de mire une lutte: «sensibiliser et mobiliser pour une loi électorale garante de l’intégrité du droit de vote à travers l’organisation des élections crédibles, transparentes et démocratiques, avec la publication des vrais résultats».

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