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RDC : 19 députés saisissent la Haute cour en inconstitutionnalité de l’arrêt RCE 1522

Le Collectif des députés nationaux proclamés définitivement élus par la Cour constitutionnelle par l’arrêt RCE1389/DN-CR du 12 mars 2023 sont déterminés à défendre leurs sièges après rétropédalage de la même Cour qui s’est «dédit» en prononçant un autre arrêt le 22 avril pour les invalider. Jeudi 2 mai, ce collectif composé de 19 députés concernés par l’arrêt RCE1522/DN-CR ont annoncé, au cours d’une conférence de presse, avoir saisi la Cour constitutionnelle, sous R.Const 2232 et R.Const 2235, en «inconstitutionnalité» de ce deuxième arrêt.

Leur démarche, ils ont dit la fonder sur une jurisprudence de la Haute cour qui, en 2022, a «cassé» un arrêt du Conseil d’État, pourtant juridiction suprême de l’ordre administratif, pour «inconstitutionnalité». «Nous estimons que bien qu’étant une même Cour, il y a lieu de distinguer le juge électoral du juge constitutionnel», a argumenté le député national Michel Omba, porte-parole du collectif. Pour respecter la forme, ces députés nationaux, «offusqués», ont saisi «individuellement» la Haute cour qui, selon un expert, «va les joindre».

«Dichotomie» et «superposition d’arrêts»

Ces recours ont surtout un effet suspensif de l’arrêt attaqué. Pour faire respecter ce principe, le collectif de 19 députés a saisi l’Assemblée nationale pour bloquer la validation des pouvoirs des 19 bénéficiaires de l’arrêt. «Nous avons saisi le bureau provisoire pour que cet arrêt ne soit pas exécuté, nous espérons également que le bureau définitif ne va pas l’exécuter», a annoncé Michel Omba, non sans brandir, en plus de l’action en cours, le caractère «illégal» et «irrégulière» de l’arrêt attaqué.

Sur ce deuxième aspect, le groupe de 19 députés s’appuie notamment sur l’article 28 de la Constitution qui délie tout citoyen de l’obligation «d’exécuter un ordre manifestement illégal». Pour sous-tendre cette illégalité, ce collectif a mis en avant l’article 168 de la Constitution qui dispose que «les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers».

L’alinéa 2 du même article explique cependant que «tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit». Un argument qui plaide pour ce groupe, déterminé à démontrer l’inconstitutionnalité de ce deuxième arrêt qui est «en réalité une forme d’appel». Ce qui crée une «dichotomie» et une «superposition d’arrêts», plongeant ainsi le pays dans une «impasse». «Les requêtes n’étaient pas en rectification mais s’attaquaient à la décision au nom de l’État de droit», a poursuivi Michel Omba, reprenant pour la circonstance son costume d’avocat. Alors qu’ils sont revêtus, depuis le 5 avril, de tous les pouvoirs et immunités parlementaires, ces députés ont affirmé leur détermination à «siéger» normalement lors de la prochaine audience.

La «contestation» et la «désapprobation» de ces députés se justifient également par la circulation, bien avant l’arrêt en rectification d’erreurs matérielles, d’une liste attribuée à un service de la présidence reprenant les «députés à réhabiliter à l’occasion de l’examen des requêtes en rectification des erreurs matérielles». Sur les 19 noms repris sur cette liste, 18 ont bien été réhabilités. Preuve, selon le collectif, des «injonctions» de l’Exécutif sur le Judiciaire.

«Cette liste est une preuve des injonctions du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, une violation flagrante de la Constitution. C’est suffisant pour anéantir ces arrêts», a tonné Michel Omba, face à ce qui s’apparente à un «dol manifeste».

Refusant toute «intimidation», fusse-t-elle des membres de la présidence qui «ne sont pas au-dessus de la Loi». «Si un membre de la présidence de la République induit le président en erreur, il est appelé à prendre ses responsabilités», a rappelé ce juriste. Professeur de Droit et comptant parmi les victimes de l’arrêt contesté, Claude Nyamugabo est revenu sur ces pressions de l’Exécutif sur les autorités judiciaires, révélant que «8 des 9 juges de la Haute cour ont été longuement auditionnés par des services de sécurité nationale», quelques jours avant la publication de l’arrêt.

De plus, Nyamugabo n’a pas caché son étonnement face au silence des services de la présidence face au document en circulation. «Aucun responsable de la présidence n’a contredit ce document», a regretté l’ancien ministre de l’Environnement.

Risque de désagrégation de l’Union sacrée

En plus de l’action devant la justice, Ibrahim Nasibu et les autres victimes de l’arrêt RCE 1522 s’en sont également remis au Président de la République, magistrat suprême, afin de «bloquer l’exécution de cet arrêt» qui est, selon eux, un «coup qui assomme une justice déjà malade». La décision de la Haute cour n’est pas non plus sans implication politique alors que le rapport de l’informateur transmis au Président de la République a été élaboré sur base des résultats définitifs des législatives.

En plus «de jeter le discrédit» sur une justice déjà «malade», l’arrêt attaqué a également redistribué les cartes au sein de l’Union sacrée avec un sérieux risque de créer des frustrés dans la famille politique du Chef de l’État. «Nous sommes tous de l’Union sacrée de la nation et normalement les loups ne devraient pas se manger», a soutenu, pour sa part, Jean-Marie Kabengela, autre victime de l’arrêt attaqué. Pour rentrer dans leurs droits, les députés victimes de l’arrêt en rectification d’erreurs matérielles ont dit compter sur un sursaut d’orgueil des juges constitutionnels. Faisant chorus face à l’injustice, Samy Badibanga, Michel Omba, Claude Nyamugabo, Jean-Marie Kabengela, Frédéric Assani et leurs compairs ont dit refuser de vivre dans un pays qui n’a d’État de droit que le nom.

Matthieu Kitanga, Aruna Ndarabu, Freddy Tshibangu, Gilbert Tutu et Nazem Nazembe sont également parmi les députés victimes de l’arrêt objet de la saisine en inconstitutionnalité. Si pour les scrutins de 2006, 2011 et 2018, la Cour constitutionnelle est revenue en «rectification d’erreurs matérielles», la révision de la Loi électorale de 2022 a visiblement régler définitivement la question, précisant explicitement dans son article 74 quinquies que «les arrêts de la Cour constitutionnelle en matière électorale ne sont susceptibles d’aucun recours». L’alinéa suivant du même article laisse cependant ouvert la voie à ce type de recours devant les autres juridictions qui «peuvent, à la requête des parties ou du Ministère public, rectifier les erreurs matérielles de leurs décisions ou en donner interprétation, toutes les parties entendues». Toutefois, précise le législateur, l’erreur matérielle ne doit avoir «aucune incidence sur le dispositif, sauf en cas d’inexactitude avérée des chiffres mentionnés dans la décision attaquée ou de vices de transcription».

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