En République démocratique du Congo, un accord a été trouvé ce samedi soir à Kinshasa, après des négociations laborieuses sous l’égide de l’Eglise catholique. L’opposition et la majorité étaient entrées dans la salle de cérémonie vers 22h40 et ont finalement signé cet accord qui va gérer la transition de douze mois jusqu’aux élections prévues en décembre 2017.
D’après les termes de cet accord, le Premier ministre sera choisi par le Rassemblement de l’opposition. Le président Joseph Kabila reste en fonction jusqu’à l’élection de son successeur qui doit intervenir avant la fin 2017.
« Après un accouchement dans la douleur, le bébé est là, s’est félicité l’abbé Donatien Nsholé, secrétaire général de la Cenco, au micro de RFI. J’espère qu’il sera vraiment entretenu pour qu’au bout d’une année, nous soyions vraiment assis sur une démocratie forte. Au début de la semaine, il y aura une annexe qui précisera quelques détails, comme le chronogramme que vous ne trouverez pas dans ce grand accord, c’est-à-dire tout ce qui doit être fait pour que cet accord soit effectif et l’échéance. »
Entre satisfaction et inquiétudes
« C’est le peuple qui gagne. On est satisfait à 80%, on ne peut jamais l’être à 100% mais je crois qu’on a l’essentiel », a lancé Félix Tshisekedi, chef de la délégation du Rassemblement aux négociations directes. « On a l’engagement du président Kabila à ne pas se représenter, on a l’engagement du camp Kabila à ne pas toucher à la Constitution, ni à la révision ni aller à un référendum. Nous avons un chronogramme pour aller à des élections en 2017 », a ajouté le secrétaire général de l’UDPS.
« L’accord ne sera pas la fin de tous les problèmes, il faut préparer les élections », a alerté le nonce apostolique venu prêter main-forte aux évêques. « Mais on aura un cadre juridique qui n’existe pas en ce moment. La Constitution dit clairement que le président a fini son deuxième mandat. Quelle est la légalité de ce gouvernement s’il n’y a pas un consensus élargit ? », a conclu l’émissaire du Vatican.
Un accord qui « n’a pas été inclusif »
« Il nous semble qu’il n’a pas été inclusif du fait qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas signé l’accord. Ils ont commencé avec les travaux, mais vers la fin, qui ne sont pas satisfaits. Je cite ici le MLC qui est un grand parti politique dans ce pays qui a plus de 20 députés », a commenté Emmanuel Ramazani Shadary, nouveau vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur. « Nous demandons que dans les jours plus proches, qui est des personnalités peut-être de la Cenco ou d’autres composantes (…) fournissent des efforts importants pour ramener nos frères et sœurs a signé cet accord. C’est pour cette raison que nous, la majorité, avons signé cet accord avec réserve », a-t-il justifié.
Pour Emmanuel Ramazani Shadary, l’accord « n’a pas été inclusif »
« Nous nous inquiétons parce que les signataires de l’accord seront à la fois juges et partis parce que les uns et les autres signataires sont en train de cogérer la chose publique en même temps que ce qui concerne le monitoring de l’exécution de cet accord et c’est difficile pour eux de s’autocontrôler », a argué Eve Bazaiba, secrétaire générale du MLC, le parti de Jean-Pierre Bemba. « Nous craignons qu’ils se complaisent à rester au pouvoir et de ne pas se préoccuper de l’alternance politique », a-t-elle poursuivi avant de conclure : « Il faut encore que monsieur Kabila puisse se conformer à l’engagement de cet accord. »
Eve Bazaiba craint que les signataires de l’accord ne respectent pas leurs engagements.
« Arrangement particulier »
Toutefois, tout n’est pas réglé: certaines questions doivent faire l’objet d’un « arrangement particulier » qui devra être discuté à partir du début de la semaine prochaine. Ces questions portent entre autres sur le calendrier de l’application de l’accord, la composition du gouvernement d’union nationale et celle des gouvernements provinciaux.
Autre disposition de l’accord mis en doute : l’organisation des trois scrutins (présidentiel, législatif et provincial) d’ici la fin 2017. « Nous avons laissé dans l’accord cette possibilité parce que c’était une ligne rouge à ne pas franchir pour la majorité présidentielle. Mais techniquement, la Céni, qui est sous leur contrôle jusqu’à présent, a démontré qu’on n’aurait beaucoup de problèmes », a expliqué Christopher Ngoyi, fer de lance de la lutte contre le troisième mandat. « Si ce n’est pas faisable, nous allons tous nous en rendre compte et s’il faut les décaler, nous allons les décaler de trois mois. Notre ligne rouge est qu’en 2017, les présidentielles et législatives nationales doivent être tenues, c’est en respect de toutes les dispositions au niveau international avec les bailleurs de fonds et tout le reste », a ajouté le membre du Rassemblement.
En attendant, ce samedi soir, la conférence épiscopale pousse donc un « ouf » de soulagement avant de prendre son bâton de pèlerin pour faire accepter l’accord à la population. Il faudra le soutien de tous, dit la Cenco, pour que cet accord puisse véritablement sortir le pays de la crise.
Avec RFI
4 minutes de lecture