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Rapatriement de corps du Sphinx: Tshisekedi sur les traces de Mobutu et Tshombe!

5 mois après sa mort, le corps d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, décédé le 1er février 2017 à Bruxelles, n’est toujours pas porté en terre. Du moins, officiellement. A la base, des incompréhensions interminables dans les discussions sur le rapatriement de son corps entre le gouvernement d’une part et la famille biologique et le parti UDPS d’autre part. A cette allure, Etienne Tshisekedi n’est pas loin de subir le même sort que Joseph Désiré Mobutu et Moïse Tshombe, respectivement enterrés au Maroc et en Algérie, loin de la terre de leurs ancêtres.
 
Mercredi 1er février 2017. A Kinshasa, il fait doux le soir après que dame la pluie soit tombée. Ce climat ne fait pas long feu. Une triste nouvelle tombant tel un tonnerre le rend délétère. Celle-ci rapporte l’extinction depuis Bruxelles d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, figure de proue de l’opposition politique en République démocratique du Congo ayant forgé sa réputation en résistant farouchement au régime du Maréchal du Zaïre, Mobutu Sese seko, sans recourir à la violence. Son aura et son combat ont traversé les frontières RD-congolaises, faisant de lui une icône et une référence dans la sphère politique du continent noir.
 
Etienne Tshisekedi, en visite médicale dans la capitale belge pour un check-up, en fin janvier, ne parvient pas à résister, comme il sait le faire, à la pathologie d’embolie pulmonaire qui le terrasse et le contraint à s’envoler pour l’au-delà à l’âge de 84 ans. A l’hôpital Sainte Elisabeth de Bruxelles, nul ne croit à ce verdict. Les médias tant nationaux qu’internationaux annoncent d’abord cette triste nouvelle au conditionnel avant finalement de la confirmer. Etienne Tshisekedi n’est plus en vie.
 
Accord du 31 décembre 2016, dernier combat du Sphynx
 
Son envol pour l’au-delà influe négativement sur le climat politique qui, plus que jamais, va de mal en pis. Après avoir obtenu, de suite d’une intense pression sur le régime, un nouveau dialogue sous la médiation de l’Eglise catholique, Tshisekedi, ce bagarreur infatigable malgré le poids de l’âge, amène toute la classe politique quasiment à signer, tard dans la nuit du 31 décembre 2016, un nouvel accord, baptisé «Accord de la Saint Sylvestre».
Il reste, en plus de cette signature, de concilier les vues sur un texte additif à l’accord, appelé «Arrangement particulier». Sa signature tire tellement en longueur qu’Etienne Tshisekedi sur qui se fondent les espoirs de toute la nation toutes tendances confondues, succombe en cours de route et laisse le sujet pendant au Centre interdiocésain où les délégués des différentes parties au dialogue débattent.
 
A son décès le 1er février 2017, des voix concordantes s’élèvent pour demander l’arrêt temporaire des travaux en vue des obsèques à la taille du «Lider maximo». Vital Kamerhe, président national de l’Union pour la nation congolaise -UNC-, est du lot. A la presse, il déclare: «je ne m’imagine pas aller discuter même à l’informel pour le partage des postes pendant que la dépouille de Tshisekedi n’est pas encore sous terre. Ça, ce n’est pas humain. Il faut arrêter ce débat-là». Sans succès.
Le Lider maximo serait enterré à Bruxelles
Certaines langues rapportent que conformément à la loi belge en matière d’inhumation, le vieux baobab repose dans un caveau provisoire à Bruxelles. Officiellement, Tshisekedi n’est pas encore inhumé. L’enterrement du Sphynx de Limete pose problème. Au départ, les violons ne s’accordent pas entre le gouvernement, alors dirigé par un de ses fils politiques -biologique aussi d’une certaine manière, le père de cette personnalité, étant un ami-frère de «Ya Tshitshi»-, Samy Badibanga, et la famille politique et biologique de l’illustre disparu. Son successeur, Bruno Tshibala, Tshikediste de pur-sang, à son investiture, promet: «j’ai pris l’engagement devant le peuple congolais, à travers la représentation nationale, de garantir l’organisation par le gouvernement des obsèques grandioses en mémoire d’Etienne Tshisekedi pour son combat glorieux en vue de l’avènement d’un Etat de droit en RD-Congo».
 
Outre le débat sur le Premier ministre devant organiser les obsèques, un autre surgit: le lieu de la sépulture. Les combattants de l’UDPS se radicalisent dans leur volonté de voir «Ya Tshitshi» reposer dans un mausolée érigé en plein centre-ville dans l’un des sites identifiés par eux-mêmes.
Construction d’un mausolée au siège de l’UDPS par les soins du parti
Le gouvernement provincial propose le «Nécropole, Entre terre et ciel», le plus huppé, croit-on, de la ville de Kinshasa. A défaut de ce cimetière, le gouverneur de la ville de Kinshasa prend un édit accordant l’aménagement d’un espace à la sépulture de la Gombe. Après cette décision du gouv’ Kimbuta, le rapatriement du corps est fixé au 11 mars 2017. A l’approche de cette date, une nouvelle incompréhension surgit et le report est annoncé.
 
D’autres dates sont par la suite arrêtées sans que Tshisekedi ne regagne effectivement la terre de ses ancêtres, qu’il a tant servie, pour s’y reposer éternellement et en paix. La dernière aux cendres encore chaudes est celle du 12 mai 2017. La hiérarchie du parti, via un communiqué signé par Jean-Marc Kabund-a-Kabund, annonce et la famille, par l’entremise de Monseigneur Gérard Mulumba, jeune frère du défunt ne reconnaît pas cela, accusant le parti de faire cavalier solitaire quant à ce.
 
L’UDPS, sans une autorisation préalable des autorités de la ville, initie les travaux de construction d’un mausolée en son siège devant accueillir les restes du Sphynx de Limete. Lancés, ces travaux, menés sous les ordres d’un architecte grec, ne connaissent que difficultés sur difficultés. Au finish, l’UDPS abdique et renonce au rapatriement du corps le 12 mai 2017.
 
Persistance des revirements aux conséquences désastreuses
 
Après ce nouveau report, une commission tripartite -gouvernement, famille et UDPS- est mise en place, mi-mai, pour faciliter enfin l’organisation des obsèques. Le 8 juin 2017, Mgr Mulumba annonce qu’un compromis est trouvé pour des obsèques dignes. «Etienne Tshisekedi sera enterré dans une concession familiale à N’sele», précise le prélat.
 
Revirement. Encore. Le 3 juillet 2017, le magazine Jeune Afrique révèle que les discussions au niveau de la commission tripartite sont au point mort, l’UDPS ayant claqué la porte. «Kabila a décidé de ne plus voir le corps de Tshisekedi être rapatrié au pays, car il sait que cela susciterait une forte mobilisation contre lui», confie Kabund, secrétaire général de l’UDPS, à Jeune Afrique. Voilà que des revirements discontinus bloquent le corps du Sphynx sur les terres de l’ancienne colonie belge. Il repose loin de son Congo natal. De cette manière, Etienne Tshisekedi court le risque de subir le même sort que Mobutu Sese Seko, ancien Président de la République, et Moïse Tshombe, ancien Premier ministre comme lui, respectivement enterrés au Maroc et en Algérie, loin de la terre de leurs ancêtres.
 
Laurent OMBA
 

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