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Le Procureur Pami explique les notions de la liberté provisoire et détention préventive

Les notions de «liberté provisoire» et de «détention préventive» créent très souvent la confusion dans le chef de beaucoup de RD-Congolais. Ces deux concepts du lexique juridique fréquemment utilisés en RD-Congoméritent d’être expliqués. PamiMayala, juriste de formation et 1er substitut du procureur de la République, s’est soumis à cet exercice en s’attelant sur ces deux notions tout en apportant la lumière sur la différence entre la liberté provisoire et la détention préventive, la définition de chaque concept ainsi que leur usage dans la pratique judiciaire. Il a aussi parlé d’autres mots souvent utilisés par les juges, notamment le cautionnement. Pour PamiMayala,il faut comprendre par cautionnement, une somme d’argent destinée à  garantir  la représentation de l’inculpé à tous actes d’instruction et l’exécution par lui des peines privatives de la liberté aussitôt qu’il en sera requis.Il publie, dans les colonnes d’AfricaNews, les réponses aux questions que se pose souvent le public sur les notions de liberté provisoire et détention préventive telles que définies par la loi RD-congolaise.
 
Qu’est-ce que la liberté?
La loi RD-congolaise ne définit pas la liberté provisoire, mais l’analyse des dispositions légales la concernant révèle qu’elle peut être définie comme une faveur consistant en une liberté que le juge ou le ministère public accorde à un inculpé placé en détention préventive. -Voir Article 32 et 33 du code de procédure pénale.
Qu’est-ce que la détention préventive?
Comme pour la liberté provisoire, la loi ne définit pas la détention préventive, la doctrine la définit comme une sûreté destinée à éviter la fuite du coupable, à assurer sa mise hors d’état de nuire s’il est présumé dangereux pour la sécurité d’autrui en évitant qu’il ne corrompe les témoins, fasse disparaitre les preuves, mettre à l’abri les fruits de ses méfaits.-KengowaDondo,Mercure sur la détention préventive, in RRD, 1970,p.2.
Elle est également définie comme une mesure par laquelle un inculpé est, lors de l’instruction pré-juridictionnelle, privé de sa liberté et placé en prison avant le prononcé du jugement ou de l’arrêt sur le fond de l’action publique. -KisakaKyaNgoy, l’étendue, la limite et procédurede la détention préventive, CRHIDAC, inédit, Kinshasa,1974, p.2.
Elle est enfin définie comme une mesure d’incarcération d’un inculpé ou d’un prévenu, assortie ou non d’une liberté provisoire, ordonnée par le juge en chambre du conseil pendant l’instruction préparatoire ou au moment du prononcé du jugement, dans le but de prévenir sa fuite, d’assurer la sécurité publique ou privée, sa comparution devant le juge de fond, et de garantir l’exécution de la peine par lui quand il en sera requis. -PamiMayala, la détention préventive en procédure pénale ordinaire congolaise, état des lieux et de lege ferenda, à paraitre incessamment.
Elle peut être simplement définie, comme la privation de la liberté d’un individu poursuivi par la justice, avant le prononcé du jugement. Son but est essentiellement de mettre cet individu à l’entière disposition de la justice pour faciliter l’enquête et le procès.
Quelle est  l’autorité judiciaire qui accorde la liberté provisoire?
La liberté provisoire peut être accordée tant par le juge que par l’officier du ministère public pour autant que le dossier se trouve encore en instruction  préparatoire, mais lorsque le dossier est envoyé en fixation devant le juge de fond, c’est lui seul qui peut accorder la liberté provisoire.
Quelles sont les conditions pour obtenir la liberté provisoire?
Ces conditions sont les suivantes:
-une requête de l’inculpé car la liberté provisoire ne s’octroie pas d’office, elle doit être demandée. -Articles 32 et 33 du code de procédure  pénale-;
-le paiement du cautionnement fixé par le juge ou le ministère public;
-garantir que ladite liberté ne va pas entraver l’instruction et qu’on ne va pas occasionner un scandale par sa conduite.
A part ces conditions, l’ordonnance peut imposer en outre l’exigence de:
-habiter la localité où l’officier du ministère public a son siège, ne pas s’écarter  au-delà d’un certain rayon de la localité sans l’autorisation du magistrat instructeur ou son délégué;
– ne pas se rendre dans tels endroits déterminés, tels que gare, port, etc. Ou de ne pas s’y trouver  à des moments déterminés;
– de se présenter périodiquement devant le magistrat instructeur ou devant tel fonctionnaire ou agent déterminé par lui;
-de comparaitre devant le magistrat instructeur ou devant le juge dès qu’on est requis.
Est-ce que le juge ou le ministère public doit assortir la liberté provisoire de toutes ces conditions?
Non, mis à part la requête de l’inculpé et le paiement du cautionnement qui sont des conditions obligatoires, l’ordonnance de mise en liberté  provisoire ne peut la soumettre qu’à l’une ou l’autre de ces conditions.
Quelle est la durée de la liberté provisoire?
La loi n’a pas répondu clairement à cette question, certains auteurs pensent que la durée de la liberté provisoire est la même que celle de différentes ordonnances de détention préventive qui sont de 15 à 30 jours selon qu’il s’agit de la 1ère ordonnance de mise en détention  préventive ou de ses différentes prolongations, après ces délais, le libéré doit se présenter devant le juge ou le magistrat qui a accordé cette liberté pour soit être réincarcéré ou pour réintroduire une nouvelle demande de mise en liberté provisoire. -Le procureur général PungweNemba, les fonctions du ministre public en République Démocratique du Congo, t I En matière répressive, édition du  service de documentation du Ministère de la justice, kin, 2006, p.110.
Nous ne partageons pas ce point de vue, car non seulement que la loi n’a pas donné de délai pour  la liberté provisoire, mais aussi que dans la pratique n’avons jamais rencontré un cas de réincarcération dû à l’expiration du délai, les réincarcérations sont plutôt dues à la non observation des conditions dont la mise en liberté provisoire est assortie.
Qu’est-ce que le cautionnement?
La loi définit le cautionnement comme une somme d’argent destinée à garantir la représentation de l’inculpé à tous actes d’instruction et l’exécution par lui des peines privatives de la liberté aussitôt qu’il en sera requis. -Article 32 du code de procédure pénale-, il s’agit donc d’une garantie financière qui rassure la justice que la personne ainsi libérée comparaitra à des actes subséquents et ne tentera pas de se soustraire à la justice.
Quel est le montant du cautionnement pour obtenir la liberté provisoire?
La loi congolaise n’a pas déterminé le montant du cautionnement, ce montant est fixé discrétionnairement par le juge ou par l’OMP instructeur et dépend de chaque inculpé. En principe, le montant du cautionnement doit être important pour être sûr que l’inculpé ne va pas l’abandonneret n’est pas discutable, c’est à prendre ou à laisser. Le cautionnement est différent de l’amende transactionnelle qui, elle, est discutable. A titre d’exemple, Dominique Strauss-Kahn avait payé un montant d’USD 1.000.000 pour sa mise en liberté provisoire dans le dossier de Nafisatou Diallo.
Cependant en RD-Congo, la pratique judiciaire renseigne que le cautionnement est moins important et discutable, sans doute à cause du niveau de vie du RD-Congolais qui est précaire.
Quel est le sort du cautionnement à l’issue de l’instruction?
La loi prévoit que le cautionnement est remboursable à l’issue de l’instruction sauf prélèvement des sommes dues aux violations éventuelles des conditions de la mise en liberté provisoire.
Est-ce que un inculpé en liberté provisoire peut-il se rendre à l’étranger pendant l’instruction préparatoire?
En principe non, en raison de la nécessité de ne pas entraver le cours de l’instruction ou d’échapper aux poursuites.Cependant, il y a eu une jurisprudence dans le cas du dossier de l’ancien gouverneur Katumbi Chapwe, autorisé à se rendre à l’étranger pour des raisons humanitaires et celui du président de la FECOFA Constant Omari dont nous avons appris par voie de presse la sortie. Mais en principe, un libéré provisoire doit remettre son passeport à la justice pour qu’elle se rassure de sa non sortie du territoire national et de sa disponibilité à comparaitre chaque fois qu’il en sera requis.
 
Est-ce que la liberté provisoire est une détention préventive?
Certains auteurs pensent effectivement que la liberté provisoire est une forme de la détention préventive car l’inculpé n’est pas totalement libre d’aller ou de venir. -PungweNemba, op cit. 110. Mais, nous pensons que le concept même de la détention s’oppose intrinsèquement à la liberté, on ne peut être à la fois en détention et en liberté, soit on est en détention soit en liberté. En plus, le chapitre III du code de procédure pénale qui traite de la question est intitulé: De la détention préventive et de la liberté provisoire; or on sait que la conjonction de coordination «ET» a pour fonction de lier ou de mettre ensemble deux propositions de nature différente. Ainsi donc, ce chapitre III, traite de la détention préventive et de la liberté provisoire, qui sont deux institutions de nature différente en procédure pénale congolaise, mais qui sont traitées dans ce même chapitre III. Si le législateur assimilait la liberté provisoire à la détention préventive, il aurait utilisé la conjonction alternative «OU», on parlerait alors de la détention préventive ou de la liberté provisoire.
Est-ce qu’un inculpé libéré provisoirement peut-il être réincarcéré, si oui, pour quelle raison?
Oui, il peut être réincarné s’il manque aux conditions et charges qui lui ont été imposées lors de l’obtention. Il est donc important d’observer scrupuleusement ces conditions. Cependant, dans la pratique, les libérés provisoires n’hésitent pas à disparaitre dans la nature ou même entraver le cours de l’enquête, et les réincarcérations sont assez rares, très souvent pour les infractions pour lesquelles les plaignants sont efficaces et réclament justice.
Quelles sont les dispositions légales qui traitent de la liberté provisoire et de la détention préventive pendant l’instruction préparatoire?
Ces dispositions légales partent de l’article 27 à 47 du code de procédure pénale.

Par PAMI MAYALA

1er Substitut du Procureur de la République

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