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Entretien avec RFI décrypté : Katumbi taille en pièces le mandat de Tshisekedi

Bien avant de reprendre jeudi son safari électoral, arrivé à l’étape du Grand Katanga, le candidat n°3 à la présidentielle, Moïse Katumbi Chapwe, a accordé une interview choc à Christophe Boisbouvier de la RFI. A la faveur de cette sortie médiatique, organisée peu avant de s’offrir un bain de foule à Kolwezi, Katumbi a taillé en pièces le bilan du président sortant, Félix Tshisekedi, soutenant qu’il a été rejeté par la population, non sans tordre le cou aux mensonges de ce dernier et présenter son offre politique.

Renforcement des capacités de l’Armée, réduction du train de vie des institutions, amélioration de la solde des militaires et des policiers, augmentation des salaires des fonctionnaires, desserte en eau potable et électricité, construction des infrastructures de base, reconstruction du Nord-Kivu et de l’Ituri, stabilisation de la monnaie nationale…

Alors qu’il a tout prévu ou presque pour relancer l’économie et améliorer le social de la population, Katumbi insiste sur l’organisation de bonnes élections, gage de la paix et de la cohésion nationale. Il a assuré avoir «un programme pour redresser la situation militaire» et «avoir une efficacité» sur la ligne des fronts. «Il faut passer à l’action. L’armée doit agir. On a tellement pleuré que l’on ne nous respecte plus», a-t-il cogné. Interview.

Moïse Katumbi, bonjour

Bonjour!

Vous promettez de mettre fin à la guerre qui sévit à l’Est depuis 30 ans. Mais si vous êtes élu, qu’est-ce que vous ferez de mieux que Félix Tshisekedi pour redresser la situation militaire?

J’ai d’abord un programme pour redresser la situation militaire parce que Monsieur Tshisekedi a oublié l’armée qui est d’abord très mal payée. Nos militaires ne sont pas motivés. Un militaire touche moins de 100 dollars. Pour moi, on doit d’abord résoudre ce problème de solde, on doit équiper l’armée. Nous avons de très bons militaires mais très mal payés.

Si vous êtes élu, vous allez augmenter la solde des militaires de combien?

Si je suis élu, je vais augmenter leur salaire et les fonctionnaires de l’Etat parce que l’argent est là. Nos députés touchent plus ou moins 25.000 dollars par mois mais nos militaires moins de 100 dollars. Ça démotive même nos militaires. Au lieu d’aller chercher des mercenaires qui nous coûtent plus de 9.000 dollars et nos militaires touchent moins de 100 dollars, c’est un problème. Je n’ai pas des chiffres en tête mais les militaires seront bien rémunérés.

Le président Tshisekedi compare son homologue rwandais Paul Kagame à Hitler et l’expansionnisme du Rwanda à celui de l’Allemagne nazie. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette comparaison?

Je crois que le plus important pour nous, c’est d’avoir une très bonne armée. Si nous avons une très bonne armée et si notre armée est respectée, les pays voisins vont aussi nous respecter. Pour le moment, nous avons un président qui pleure chaque jour. Ce n’est pas en pleurant ou en attaquant qui que ce soit, Kagame ou autres, il faut passer à l’action. Si quelqu’un me provoque, je dois me défendre. Donc pour moi ce qui est important, c’est avoir une efficacité. L’armée doit agir, on ne doit pas pleurer et dire que la faute est à l’autre, non! On a tellement pleuré qu’on ne nous respecte plus.

Si vous êtes élu, vous promettez la fin de la pauvreté mais justement, Moïse Katumbi, la gratuité de l’école primaire, est-ce que ce n’est pas à mettre à l’actif de Félix Tshisekedi sur le chemin de la lutte contre la pauvreté?

La gratuité n’existe pas! Je vous donne l’exemple de la ville de Kinshasa, où le salaire d’un enseignant est de 247.000 francs, plus ou moins 85 dollars. Le loyer d’un enseignant est de 80 dollars, donc il lui reste 5 dollars. Cette gratuité n’existe pas. Les enfants sont chassés de l’école et on est encore en train de rançonner les parents. Partout où je suis passé pendant la campagne, j’ai posé la question sur la gratuité, elle n’existe pas. Elle existe dans le discours de Monsieur Tshisekedi mais en réalité sur le terrain, il n’y a pas de gratuité.

Quelles seront les premières mesures sociales que vous prendrez si vous êtes élu.

D’abord, je vais diminuer le train de vie de l’État, je vais augmenter les salaires des fonctionnaires, des enseignants et des militaires. Et surtout, je vais lutter contre l’impunité parce que pour le moment l’état de droit n’existe plus dans le pays. Pour le social, j’ai un plan ainsi que pour l’Est du Congo parce que les provinces de l’Ituri et du Nord ont beaucoup souffert. J’ai un plan de 5 milliards de dollars que je vais introduire dans les deux provinces et vous allez voir que je vais augmenter les recettes de l’État pour stabiliser la monnaie nationale, diminuer le taux du dollar. Aujourd’hui, le dollar est à 2800 francs congolais alors qu’il était à 1400 francs congolais quand Monsieur Tshisekedi a pris le pouvoir. Aujourd’hui, c’est le double. C’est très difficile pour le pauvre fonctionnaire de l’État, pour la population congolaise de continuer comme ça. Donc Tshisekedi n’a pas de bilan. Moi quand je serai président de la République, je vais donner de l’électricité à la population pour avoir une économie forte. Nous avons le barrage d’Inga, nous avons plusieurs centrales hydroélectriques. On ne peut pas développer le pays s’il n’y a pas d’électricité avec une population qui n’a pas d’eau potable. Je vais donner de l’eau potable à la population, j’ai tout un programme.

Vous dites que vous êtes un gestionnaire expérimenté. Mais que répondez-vous à Félix Tshisekedi qui a déclaré il y a un mois, c’était sur RFI et France 24, que quand vous étiez le gouverneur du Katanga et bien vous n’avez jamais pensé à construire un aéroport international à Kolwezi, la capitale mondiale du cobalt?

Monsieur Tshisekedi ne connaît pas son pays. Qu’il aille dans les archives. J’ai trouvé la piste de Kolwezi avec une longueur 1,3 Km. J’ai moi-même agrandi cette piste à 2500 mètres, les images existent. J’ai fait la piste, j’ai fait la route de Kolwezi jusqu’à Kasumbalesa, j’ai jeté plus de 29 ponts. Il y avait des avions qui atterrissaient directement de l’Afrique du Sud. Donc il ne connaît pas le pays, c’est un mensonge!

Depuis votre entrée en lice, Moïse Katumbi, vous avez bénéficié du désistement de quatre candidats dont Matata Ponyo et Delly Sesanga, mais il en reste plus de 20 candidats. Du coup, dans cette élection à un seul tour, est-ce que le sortant Félix Tshisekedi ne part pas favori?

Le candidat le plus faible aujourd’hui, c’est Félix Tshisekedi. Regardez mes images et comparez aux images de Félix Tshisekedi. J’ai des candidats qui m’ont rejoint, des candidats très valables qui sont venus parce qu’ils savent que nous devons reconstruire ensemble le Congo. Quand on était parti en 2018 à Genève, Tshisekedi était parti avec Kamerhe. Martin Fayulu était resté avec nous. Kabila était avec d’autres. Donc, dans notre camp, nous sommes les gagnants et nous allons gagner ces élections parce que dans la population, il y a un rejet vis-à-vis de monsieur Tshisekedi. Le vrai opposant de Monsieur Tshisekedi aujourd’hui, c’est la population congolaise parce qu’il n’a pas de bilan, il n’a rien fait. Aujourd’hui, il continue à s’attaquer à moi, soit disant que j’étais le candidat de l’étranger parce qu’il n’a pas un bilan à présenter à la population. Quand il dit, je l’avais suivi sur RFI, qu’il a augmenté la desserte en électricité de 20%, c’est très faux, les chiffres de la Banque mondiale existent. En 2018, quand il prend le pouvoir, on était à 17,8% et on est à 20% donc il a augmenté la desserte en électricité de 2%.

Mais tout de même, Moïse Katumbi, le refus du docteur Mukwege de se désister pour vous, est-ce que ce n’est pas un motif de déception?

Non, ce n’est pas un motif de déception. Le docteur Mukwege est candidat et je respecte tous les candidats. Moi, je sais que je suis en train de faire ma campagne, il est en train de faire sa campagne, les images ne trompent pas. Donc, je suis sûr et certain que je vais gagner les élections avec mon équipe.

Selon plusieurs sources, à l’époque où vous étiez privé de votre passeport congolais, vous avez utilisé un passeport zambien pour voyager. Est-ce que vous ne risquez pas d’apparaître, comme disent Félix Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba, comme un candidat de l’étranger?

C’est un débat de caniveau. Je n’ai jamais pris le passeport zambien. J’ai la lettre du ministre de l’Intérieur de la Zambie qui est sur Internet et qui a été même réceptionnée à la Cour constitutionnelle. Est-ce que le passeport de Katumbi, c’est ça le bilan de monsieur Tshisekedi? C’est un débat de caniveau. Je n’ai jamais eu le passeport zambien, je n’ai jamais voyagé avec le passeport zambien. Donc, cette histoire c’est un mensonge. Monsieur Bemba lui-même, son père était portugais, il a la famille portugaise. Moi je ne veux pas renier mon père à cause de la politique.

Alors le 20 décembre, le président de la CENI, la commission électorale, Denis Kadima promet que les élections seront transparentes. Est-ce que vous lui faites confiance?

Nous espérons que Monsieur Kadima va respecter sa parole. Pour avoir la paix dans ce pays, il faut avoir de très bonnes élections. Si ce sont de mauvaises élections, ça va diviser le pays et partout où je passe, je demande à tous nos partisans et à toute la population congolaise de dormir dans les bureaux de vote, jusqu’à la fin du dépouillement et de compter les voix bureau de vote par bureau de vote. On n’acceptera pas d’autres résultats que les résultats qui seront affichés devant chaque bureau de vote.

Avec RFI

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