Sous prétexte de la pauvreté, un mouvement subversif a vu le jour au Katanga. Après plusieurs appels lancés sans succès par des leaders locaux soucieux de promouvoir le dialogue et la paix, cette sorte de chienlit va peut-être connaitre un dénouement tragique… armé. Militaires ou politiques, tous les ingrédients sont réunis pour déloger les Bakata Katanga et consorts par la force
Depuis quelques années, le Nord-Katanga est entré dans une spirale de chaos. Les miliciens Maï-Maï y persécutent la population civile. Pauvre par rapport à la partie Sud gâtée par la nature, le Nord-Katanga est devenu une contrée de villages incendiés, de razzias et de tueries crapuleuses. Même des scènes de cannibalisme y sont désormais signalées. On y compte plus des déplacés que ceux provoqués par la dernière rébellion du M23. Plus de 400.000 déplacés internes, soit près de 8 fois qu’en 2011, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU -OCHA.
Dramatique. Les chances de développement sont hypothétiques. Chaque jour qui passe, le conflit prend les allures indépendantistes… Peu à peu, le Katanga, pourtant promis à un bel avenir avec à sa tête l’un des gouverneurs les plus dynamiques du Régime Kabila et le boom minier, s’enfonçait dans l’anarchie. Mais la MONUSCO a pris la décision de s’y déployer en soutien aux FARDC… au grand bonheur de la population et de ses leaders.
Le Katanga, province riche du Sud-Est de la RD-Congo, risque de s’enliser avec des attaques et sabotages perpétrés par des miliciens Maï-Maï et leurs conséquences terribles sur la vie de centaines de milliers de personnes, femmes et enfants en particulier. Les miliciens Bakata Katanga insécurisent plusieurs localités du Nord de la province. Ils attaquent les villages qui ont reçu l’aide alimentaire, du reste, difficilement acheminée sur place.
Ces Bakata Katanga ont tenté plusieurs fois de s’emparer de Lubumbashi, le chef-lieu de la province. Mais chaque fois, ils ont été stoppés par les troupes loyalistes. Sous prétexte de la pauvreté, le climat est devenu insupportable. Une sorte de chienlit a pris place dans presque toute la province avec le risque d’enrhumer tous les coins fragiles du pays.
Le 29 janvier dernier, Martin Kobler, patron de la MONUSCO et représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, avait estimé que la situation au Katanga virait à la catastrophe humanitaire. Le nombre de déplacés internes a été multiplié en deux ans par huit, de 55.000 en janvier 2012 à 410.000 en janvier 2014! La zone la plus touchée est celle située entre Manono, Mitwaba et Pweto, où plus de 600 maisons réparties dans 11 villages ont été brûlées depuis octobre 2013. Dans un rapport transmis au Conseil de sécurité début janvier 2014, des experts de l’ONU ont évoqué des soutiens politiques internes.
De son côté, l’Eglise catholique soupçonne une main noire derrière ces violences. Cette force invisible qui manipule et transforme les jeunes katangais en tueurs sans cœur et facilite leur approvisionnement en armes et minutions. L’Eglise fustige également l’attentisme du gouvernement central face à ce drame. Dans une lettre pastorale intitulée Pleurons avec ceux qui pleurent rendue publique le 18 février, les évêques déplorent notamment les incursions des Maï-Maï Bakata Katanga en pleine ville de Lubumbashi et dans les autres localités de la province.
Ils recommandent au gouvernement de publier les résultats de l’enquête sur l’évasion du seigneur de guerre Gédéon Kyungu. Ils demandent aussi à l’Etat d’entamer une procédure pour le déférer, ainsi que Ferdinand Ntanda Imena, présumé chef du mouvement Bakata Katanga, devant les juridictions internationales. Les évêques ont également demandé à la MONUSCO de prêter main forte aux FARDC pour neutraliser les miliciens et favoriser l’organisation de secours aux personnes sinistrées. Un message robuste.
Les raisons de l’intervention armée
Un appel pressant à la neutralisation, ça y est! Sans nul doute, l’option bâton l’a finalement emporté sur la carotte appliquée jusque-là sans succès aux insurgés. Une intervention musclée va être lancée contre les milices au Katanga.
Mardi 17 février, Kobler avait annoncé que la décision avait été prise pour envoyer des renforts des Casques bleus à Pweto, un des points chauds du Triangle de la mort, nom donné par l’ONU à un territoire de dizaines de milliers de Km2 livré aux violences des milices Maï-Maï, qui réclament une répartition équitable des richesses entre le Nord et le Sud et des miliciens Bakata Katanga, qui prônent, pour leur part, l’indépendance de la province. Le Triangle de la mort c’est cette zone qui couvre Pweto-Manono-Mitwaba. Un autre va de Pweto-Manono-Moba. Le territoire de Malemba Nkulu, également en proie aux violences des groupes armés, est désormais associé à ce triangle de la mort par des humanitaires.
La MONUSCO va «immédiatement procéder au déploiement d’une unité à Pweto pour prendre en compte la sécurité», a indiqué, à son tour, le général Carlos Alberto dos Santos Cruz, chef militaire de la MONUSCO. «C’est ce qu’il est possible de faire à l’heure actuelle», a-t-il ajouté le 18 février lors d’une vidéoconférence depuis Goma, précisant que ce déploiement prendra en compte la menace sécuritaire qui prévaut dans certaines parties du Triangle de la mort.
Selon certains observateurs, la MONUSCO cherche surtout, par cette intervention au Nord-Katanga, à éviter un procès en inaction. La force onusienne compte plus de 20.000 soldats essentiellement déployés au Nord et au Sud-Kivu, où diminue sensiblement l’impact des dizaines de groupes armés qu’elle a mission de mettre hors d’état de nuire. Elle va maintenant se concentrer sur le Nord-Katanga, en coalition avec les FARDC. L’ambiance est dorénavant au quitte ou double. Au Katanga, la population et ses leaders saluent cette mesure. Parmi ces derniers, un politique averti et expérimenté, un des notables de la province réputé pour son penchant pour la paix et sa loyauté au Président Kabila, Charles Mwando Nsimba.
Plusieurs fois député et ministre, ancien cadre de la territoriale, ancien gouverneur de province, Mwando, l’un des rares à avoir ouvertement appelé à déloger les Bakata Katanga par la force, soutient et justifie cette intervention. «Si on laisse le Nord-Katanga basculer impunément dans l’anarchie sous prétexte de la pauvreté qui touche presque tous les coins du pays et contre laquelle les institutions rangées derrière le Président Kabila se battent, il y aurait impossibilité pour le gouvernement de contrôler et maitriser éventuellement des situations similaires dans le reste du pays», explique le patriarche.
Incontestablement, le Nord-Katanga dans une sempiternelle tourmente, on pouvait penser que les autres territoires pauvres du pays auraient aussi été au bord de l’embrasement. Si tel avait été le cas, dans ces conditions, la RD-Congo, à peine débarrassée du M23 et en train d’être sauvée du fléau ADF, devenait ingouvernable et basculait dans la balkanisation tant redoutée! Les conséquences auraient été extrêmement graves! Il y aurait nécessairement des conséquences négatives dans l’ensemble des pays de la sous-région.
C’est l’élément principal du contexte sur le plan militaire. Il faut aussi préciser que ce déploiement va se faire dans le cadre des Résolutions 1925 et 2098 du Conseil de sécurité de l’ONU qui modifie le mandat de la MONUSCO et de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. En termes de légitimité internationale et de légalité par rapport à la Constitution de la RD-Congo, ces trois éléments sont respectés.
Sur le plan politique, la campagne de la MONUSCO au Katanga est une réponse aux attentes de la population, relayée par ses leaders tant religieux que politiques. Outre l’appel des évêques catholiques, cette confidence de Mwando en dit long sur le souci des populations katangaises d’en finir avec les milices armées: «à Moba comme à Mitwaba, à Pweto comme à Manono, à Malemba Nkulu comme à Kasongo Mwana, toute la population du Nord-Katanga, blasée des effets néfastes de la subversion, réclame unanimement la neutralisation des groupes armés». Et d’ajouter: «On ne doit pas donner raison à ceux qui commençaient à avoir l’impression qu’on ferme les yeux parce qu’il s’agit du Katanga, la province d’origine du Président de la République». Constant dans ses thèses, le patriarche recommande même l’arrestation des meneurs identifiés pour décourager leurs légions et éventuellement espérer d’identifier des complices et ou des mentors.
En troisième lieu, cette intervention se fait aussi pour permettre de poursuivre les initiatives de développement entravées par les mouvements armés. Sur la Route de Moba, les Chinois commis à la construction d’une nouvelle route, étaient sur le point de jeter l’éponge. Intervenir au Nord-Katanga participe donc aussi de la volonté d’y restaurer la paix et l’autorité de l’Etat pour pouvoir enfin envisager le développement. Les jours s’annoncent chauds pour les Bakata Katanga.
AKM
Depuis quelques années, le Nord-Katanga est entré dans une spirale de chaos. Les miliciens Maï-Maï y persécutent la population civile. Pauvre par rapport à la partie Sud gâtée par la nature, le Nord-Katanga est devenu une contrée de villages incendiés, de razzias et de tueries crapuleuses. Même des scènes de cannibalisme y sont désormais signalées. On y compte plus des déplacés que ceux provoqués par la dernière rébellion du M23. Plus de 400.000 déplacés internes, soit près de 8 fois qu’en 2011, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU -OCHA.
Dramatique. Les chances de développement sont hypothétiques. Chaque jour qui passe, le conflit prend les allures indépendantistes… Peu à peu, le Katanga, pourtant promis à un bel avenir avec à sa tête l’un des gouverneurs les plus dynamiques du Régime Kabila et le boom minier, s’enfonçait dans l’anarchie. Mais la MONUSCO a pris la décision de s’y déployer en soutien aux FARDC… au grand bonheur de la population et de ses leaders.
Le Katanga, province riche du Sud-Est de la RD-Congo, risque de s’enliser avec des attaques et sabotages perpétrés par des miliciens Maï-Maï et leurs conséquences terribles sur la vie de centaines de milliers de personnes, femmes et enfants en particulier. Les miliciens Bakata Katanga insécurisent plusieurs localités du Nord de la province. Ils attaquent les villages qui ont reçu l’aide alimentaire, du reste, difficilement acheminée sur place.
Ces Bakata Katanga ont tenté plusieurs fois de s’emparer de Lubumbashi, le chef-lieu de la province. Mais chaque fois, ils ont été stoppés par les troupes loyalistes. Sous prétexte de la pauvreté, le climat est devenu insupportable. Une sorte de chienlit a pris place dans presque toute la province avec le risque d’enrhumer tous les coins fragiles du pays.
Le 29 janvier dernier, Martin Kobler, patron de la MONUSCO et représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, avait estimé que la situation au Katanga virait à la catastrophe humanitaire. Le nombre de déplacés internes a été multiplié en deux ans par huit, de 55.000 en janvier 2012 à 410.000 en janvier 2014! La zone la plus touchée est celle située entre Manono, Mitwaba et Pweto, où plus de 600 maisons réparties dans 11 villages ont été brûlées depuis octobre 2013. Dans un rapport transmis au Conseil de sécurité début janvier 2014, des experts de l’ONU ont évoqué des soutiens politiques internes.
De son côté, l’Eglise catholique soupçonne une main noire derrière ces violences. Cette force invisible qui manipule et transforme les jeunes katangais en tueurs sans cœur et facilite leur approvisionnement en armes et minutions. L’Eglise fustige également l’attentisme du gouvernement central face à ce drame. Dans une lettre pastorale intitulée Pleurons avec ceux qui pleurent rendue publique le 18 février, les évêques déplorent notamment les incursions des Maï-Maï Bakata Katanga en pleine ville de Lubumbashi et dans les autres localités de la province.
Ils recommandent au gouvernement de publier les résultats de l’enquête sur l’évasion du seigneur de guerre Gédéon Kyungu. Ils demandent aussi à l’Etat d’entamer une procédure pour le déférer, ainsi que Ferdinand Ntanda Imena, présumé chef du mouvement Bakata Katanga, devant les juridictions internationales. Les évêques ont également demandé à la MONUSCO de prêter main forte aux FARDC pour neutraliser les miliciens et favoriser l’organisation de secours aux personnes sinistrées. Un message robuste.
Les raisons de l’intervention armée
Un appel pressant à la neutralisation, ça y est! Sans nul doute, l’option bâton l’a finalement emporté sur la carotte appliquée jusque-là sans succès aux insurgés. Une intervention musclée va être lancée contre les milices au Katanga.
Mardi 17 février, Kobler avait annoncé que la décision avait été prise pour envoyer des renforts des Casques bleus à Pweto, un des points chauds du Triangle de la mort, nom donné par l’ONU à un territoire de dizaines de milliers de Km2 livré aux violences des milices Maï-Maï, qui réclament une répartition équitable des richesses entre le Nord et le Sud et des miliciens Bakata Katanga, qui prônent, pour leur part, l’indépendance de la province. Le Triangle de la mort c’est cette zone qui couvre Pweto-Manono-Mitwaba. Un autre va de Pweto-Manono-Moba. Le territoire de Malemba Nkulu, également en proie aux violences des groupes armés, est désormais associé à ce triangle de la mort par des humanitaires.
La MONUSCO va «immédiatement procéder au déploiement d’une unité à Pweto pour prendre en compte la sécurité», a indiqué, à son tour, le général Carlos Alberto dos Santos Cruz, chef militaire de la MONUSCO. «C’est ce qu’il est possible de faire à l’heure actuelle», a-t-il ajouté le 18 février lors d’une vidéoconférence depuis Goma, précisant que ce déploiement prendra en compte la menace sécuritaire qui prévaut dans certaines parties du Triangle de la mort.
Selon certains observateurs, la MONUSCO cherche surtout, par cette intervention au Nord-Katanga, à éviter un procès en inaction. La force onusienne compte plus de 20.000 soldats essentiellement déployés au Nord et au Sud-Kivu, où diminue sensiblement l’impact des dizaines de groupes armés qu’elle a mission de mettre hors d’état de nuire. Elle va maintenant se concentrer sur le Nord-Katanga, en coalition avec les FARDC. L’ambiance est dorénavant au quitte ou double. Au Katanga, la population et ses leaders saluent cette mesure. Parmi ces derniers, un politique averti et expérimenté, un des notables de la province réputé pour son penchant pour la paix et sa loyauté au Président Kabila, Charles Mwando Nsimba.
Plusieurs fois député et ministre, ancien cadre de la territoriale, ancien gouverneur de province, Mwando, l’un des rares à avoir ouvertement appelé à déloger les Bakata Katanga par la force, soutient et justifie cette intervention. «Si on laisse le Nord-Katanga basculer impunément dans l’anarchie sous prétexte de la pauvreté qui touche presque tous les coins du pays et contre laquelle les institutions rangées derrière le Président Kabila se battent, il y aurait impossibilité pour le gouvernement de contrôler et maitriser éventuellement des situations similaires dans le reste du pays», explique le patriarche.
Incontestablement, le Nord-Katanga dans une sempiternelle tourmente, on pouvait penser que les autres territoires pauvres du pays auraient aussi été au bord de l’embrasement. Si tel avait été le cas, dans ces conditions, la RD-Congo, à peine débarrassée du M23 et en train d’être sauvée du fléau ADF, devenait ingouvernable et basculait dans la balkanisation tant redoutée! Les conséquences auraient été extrêmement graves! Il y aurait nécessairement des conséquences négatives dans l’ensemble des pays de la sous-région.
C’est l’élément principal du contexte sur le plan militaire. Il faut aussi préciser que ce déploiement va se faire dans le cadre des Résolutions 1925 et 2098 du Conseil de sécurité de l’ONU qui modifie le mandat de la MONUSCO et de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. En termes de légitimité internationale et de légalité par rapport à la Constitution de la RD-Congo, ces trois éléments sont respectés.
Sur le plan politique, la campagne de la MONUSCO au Katanga est une réponse aux attentes de la population, relayée par ses leaders tant religieux que politiques. Outre l’appel des évêques catholiques, cette confidence de Mwando en dit long sur le souci des populations katangaises d’en finir avec les milices armées: «à Moba comme à Mitwaba, à Pweto comme à Manono, à Malemba Nkulu comme à Kasongo Mwana, toute la population du Nord-Katanga, blasée des effets néfastes de la subversion, réclame unanimement la neutralisation des groupes armés». Et d’ajouter: «On ne doit pas donner raison à ceux qui commençaient à avoir l’impression qu’on ferme les yeux parce qu’il s’agit du Katanga, la province d’origine du Président de la République». Constant dans ses thèses, le patriarche recommande même l’arrestation des meneurs identifiés pour décourager leurs légions et éventuellement espérer d’identifier des complices et ou des mentors.
En troisième lieu, cette intervention se fait aussi pour permettre de poursuivre les initiatives de développement entravées par les mouvements armés. Sur la Route de Moba, les Chinois commis à la construction d’une nouvelle route, étaient sur le point de jeter l’éponge. Intervenir au Nord-Katanga participe donc aussi de la volonté d’y restaurer la paix et l’autorité de l’Etat pour pouvoir enfin envisager le développement. Les jours s’annoncent chauds pour les Bakata Katanga.
AKM