L’homme annonce pour bientôt le lancement un «courant» politique baptisé «Les Progressistes» et destiné à rassembler divers partis et personnalités sous la bannière d’une nouvelle vision pour la conquête du pouvoir aux prochaines élections et la concrétisation de l’alternance démocratique
C’est l’interview annonciatrice du grand retour. Après quatre mois passés à la Primature, Samy Badibanga, qui a démissionné le 7 avril dernier, a commencé par un moment de break à Bruxelles. Mais le repos n’aura été que de courte durée. Pour qui connaît l’ex-Premier, l’homme des réseaux féru de diplomatie qui sommeille en lui s’est réveillé très vite. Il a ainsi rejoint Washington où il a rencontré notamment le sénateur républicain Jim Inhofe, ainsi que Stephanie Sullivan, ex-ambassadrice au Congo-Brazza et qui, au sein du Département d’Etat, est secrétaire adjointe au Bureau des affaires africaines.
L’histoire retiendra sans doute que la nomination de Samy Badibanga à la Primature est intervenue à un moment crucial et particulièrement difficile de l’histoire du Congo-Kinshasa. Les élections, qui devaient être organisées fin décembre 2016 n’avaient pas eu lieu; certains leaders de l’Opposition, qui ruminaient une folle envie -légitime certes- d’être nommé Premier ministre mais sans avoir le courage de le dire ouvertement sont sortis du bois pour exiger le même poste estimant qu’il leur revenait de droit; la situation économique était désastreuse avec la dilapidation de toutes les réserves de change par le gouvernement précédent qui a entraîné une spirale infernale d’inflation; l’héritage d’un déficit des finances publiques de l’ordre de 515 milliards de francs -plus de 500 millions de dollars- comblé par la planche à billets, empirant l’inflation… On ne pouvait rêver pire moment pour faire son entrée à la tête du gouvernement.
L’homme s’est quand même attelé à la tâche. Dans une interview à «Jeune Afrique», il explique que dès son premier mois d’exercice, c’est-à-dire janvier 2017 et pendant les trois premiers mois, il a réussi à équilibrer les finances publiques avec une rigoureuse règle de dépense sur base caisse, réalisant trois mois d’excédents. Mais, dans cette situation difficile, la hauteur de ces excédents ne permit pas de contenir l’inflation, d’autant que le pays manquait de réserves de change. Mais le principal haut fait d’arme de Samy Badibanga aura été de donner à la CENI les moyens nécessaires à son travail. Ayant trouvé seulement 805 000 enrôlés, il a laissé plus de 22 millions de personnes enregistrées sur les listes électorales. Et pour cause: «sur la question des élections, nous avons trouvé un versement de 18 milliards de francs qui était fait par le gouvernement précédent en faveur de la CENI. Nous sommes passés à 28 milliards mensuels, ce qui fait 60 millions de dollars américains versés en trois mois pour l’organisation des élections», répond Samy Badibanga à nos confrères de «Jeune Afrique».
Selon l’ancien président du groupe parlementaire UDPS et Alliés estime que la crise politique est toujours en cours en RD-Congo, car elle est née de la non-organisation des élections et ne prendra donc fin qu’avec l’organisation de celles-ci. Cependant, il reste critique sur l’engagement à tenir les délais. «Nous espérons avoir des élections conformément à l’Accord du 31 décembre, c’est-à-dire en décembre 2017. Mais malheureusement, c’est encore mal parti. Avec cette situation du Kasaï, je ne pense pas que l’enrôlement sera fini au 31 juillet. Et je ne pense pas qu’on peut organiser les élections sans le Kasaï, une grande région qui a beaucoup de sièges à l’Assemblée nationale. En plus, c’est le bastion de l’Opposition», s’inquiète Samy Badibanga. Une sévère mise en garde!
L’homme nourrit également des appréhensions sur l’enrôlement des électeurs dans son fief de la capitale. «Aujourd’hui, nous sommes en train de regarder avec beaucoup de lucidité l’enrôlement qui est en train de se faire à Kinshasa. J’espère, je ne suis pas très sûr, qu’on puisse terminer cet enrôlement d’ici le 31 juillet», déclare-t-il.
Concernant son avenir politique, Samy Badibanga se place toujours dans l’Opposition, même s’il a accepté de conduire un gouvernement d’union nationale consécutif à un accord politique -celui du 18 octobre- et destiné à conduire le pays vers les élections. «Très clairement, je suis toujours dans l’Opposition. Mais une Opposition que je fais peut être différemment des autres. Ce n’est pas une Opposition systématique, où je m’oppose à tout, partout et contre tout. C’est une Opposition qui veut arriver à ces élections, une Opposition qui estime que la ligne rouge pour restaurer la paix dans le pays demeure l’organisation des élections», assure Samy Badibanga.
Par ailleurs, l’homme annonce pour bientôt le lancement d’un «courant» politique baptisé «Les Progressistes» et destiné à rassembler divers partis et personnalités sous la bannière d’une nouvelle vision pour la conquête du pouvoir aux prochaines élections et la concrétisation de l’alternance démocratique.
Tino MABADA
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