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Katumbi vs Katebe: ces taupes identifiées au Rassemblement

«Alors que le Régime tente honteusement de nous déstabiliser en manipulant et en achetant certains de nos membres, l’unité et l’engagement du Rassemblement doivent être particulièrement salués. Ceux qui cèdent doivent savoir qu’ils jouent le jeu d’un Régime cynique qui va à l’encontre de l’aspiration du peuple. Le poids de ces dissidents du Rassemblement est marginal, tout comme leur rayonnement au sein de la population», assène l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga
Lecture indispensable pour tous ceux qui veulent en savoir sur la situation explosive au sein du Rassemblement des forces politiques et sociales, la plateforme de l’Opposition qui négocie les arrangements particuliers avec les signataires de l’Accord du 18 octobre 2016 dans le cadre des discussions directes dont la médiation est assurée par la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO.

Le Rassemblement connait une scission, juste un mois après le décès le 1er février à Bruxelles de son icône et président du Comité des sages, Etienne Tshisekedi wa Mulumba. L’effet est saisissant. Et inquiétant, il faut bien en convenir. Qu’ils soient coupables de s’être précipités d’organiser la succession de Tshisekedi avant le rapatriement de sa dépouille et sa mise en terre à Kinshasa ou accusés de rallier à leur tour la mangeoire, les opposants embarqués dans ce scénario ont donné au public, sans le vouloir ni l’avouer, l’occasion de découvrir qui est qui. Dans ce feuilleton, trois dates, au cours desquelles la jeune histoire du Rassemblement a basculé, retiennent l’attention.
Contestation mutuelle
Jeudi 2 mars: une frange du Rassemblement composée essentiellement de l’UDPS, G7, Alternance pour la République et G14 se réunit à Limete et élit l’UDPS Félix Tshisekedi à la présidence politique et le G7 Pierre Lumbi aux commandes du Comité des sages. Jusque-là fidèle et loyal à Etienne Tshisekedi, Bruno Tshibala claque la porte.
Vendredi 3 mars: une autre aile convoquée au siège des FONUS à Kasa-Vubu autour de certaines figures de la Dynamique de l’Opposition et des Alliés de Tshisekedi porte par consensus le FONUS Olenghankoy à la présidence du Comité des sages. L’homme se targue de ses 36 ans dans l’Opposition, 42 emprisonnements, 214 journées villes-mortes et 119 sit-in et marches. Bruno Tshibala, compagnon de lutte de Tshisekedi, secrétaire général adjoint de l’UDPS et porte-parole du Rassemblement, se charge de donner lecture de la décision. Remettant en cause la présence Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi à la direction du regroupement, il affirme que leur élection viole l’Acte de Genval.
Ce vendredi-là, Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi se font recevoir au Centre Interdiocésain, où les évêques catholiques, les médiateurs leur remettent sous pli fermé la fameuse lettre de Tshisekedi portant désignation du Premier ministre issu du Rassemblement. Jean-Pierre Lisanga du groupe des Alliés de Tshisekedi et l’UDPS Valentin Mubake contestent le nouveau leadership et s’en prennent violemment à Pierre Lumbi, qu’ils jugent peu habilité à succéder à Tshisekedi au Comité des sages.
Samedi 4 mars: dans une communication officielle, l’UDPS annonce l’auto-exclusion de Bruno Tshibala, accusé de haute trahison. Dans une interview à Top Congo FM, Tshibala conteste au secrétaire général Jean-Marc Kabund les pouvoirs de le radier du parti, qu’il dit «avoir créé avec Tshisekedi», fustigeant au passage «l’attitude de corruption et l’attitude de saper la lutte menée ensemble sous la direction de Tshisekedi».
Tshibala affirme qu’ils ont tenu des réunions à l’UDPS et décidé «qu’il n’était pas question de faire quoi que ce soit». Et d’ajouter: «Monsieur Kabund et les autres sont allés négocier en coulisse avec le G7 et Monsieur Katumbi pour organiser une restructuration qui n’était pas à l’ordre du jour. Donc, ce qu’ils ont fait, ils ont simplement trahi le combat de l’UDPS et trahi l’acte de Genval, du Rassemblement, raison pour laquelle toute décision qu’ils peuvent prendre est une aberration».
Puis encore: «Il faut savoir que Tshisekedi mort, aucune décision ne peut être prise sauf le Congrès du parti qui doit se réunir quelques jours. Et donc, je considère que ceux qui disent qu’il y a auto-exclusion sont auto-exclus eux-mêmes, par le fait d’aliéner, de trafiquer un poste qui revenait et le confier à quelqu’un qui n’est même pas opposant».
Le jour même, on apprend que Joseph Olenghankoy, président du Comité des sages d’une autre aile, et des membres de son groupe sont éconduits au Centre Interdiocésain, où ils ont tenté de solliciter une rencontre avec la médiation. Mais Olenghankoy et la CENCO démentent.
L’équipée de Katebe
A la fin de la journée, Raphaël Katebe Katoto, le frère ainé de Moise Katumbi, réunit une conférence de presse et jette davantage de confusion. Dans son équipée de défi, il qualifie la désignation de Félix et Lumbi d’arrangement entre copains. Il indique que les deux chefs contestés du Rassemblement ne sont pas membres du Comité des sages. Il insiste sur le fait que c’est lui et lui seul que Tshisekedi avait choisi pour occuper le poste de Premier ministre et ne s’oppose pas à la demande de la Majorité présidentielle de proposer une liste des trois noms.
Les commentaires fusent sur la toile et dans les médias. La production du site Afrik.com s’illustre à travers un titre évocateur: «RDC: l’Opposition rassemblée, malgré des ‘taupes’ dans ses rangs»!
«Ce n’est donc ni un hasard, ni une surprise de voir certains contester aujourd’hui, à grands bruits, la désignation de Pierre Lumbi et de Félix Tshisekedi», développe ce média. Et de citer un, deux, trois voire quatre noms… et un montant précis: «Parmi ces ‘taupes’, figure tout d’abord Joseph Olenghankoy. Le président des FONUS, qui s’est autoproclamé héritier d’Etienne Tshisekedi, est lourdement soupçonné d’avoir perçu une très forte somme d’argent -des sources concordantes parlent de 100.000 dollars- de la part de Raphaël Katebe Katoto afin de soutenir la candidature de ce dernier au poste de Premier ministre et torpiller, par la même occasion, celle de Félix Thisekedi, pourtant choix officiel du Rassemblement et -surtout- de son frère cadet Moise Katumbi».

Les accusations de Katumbi

Jean-Pierre Lisanga et Martin Fayulu sont également sur cette liste mais le premier, dans le dos de ses amis, se rattrape à la faveur d’une visite d’allégeance à la Nicodème à Félix Tshisekedi. Presqu’au même moment, le G14 et MPCR de Jean-Claude Vuemba font autant. «A Limete on est dans la logique selon laquelle ceux qui ne sont pas avec Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi sont des taupes à la solde du Pouvoir», explique un cadre de l’UDPS.
Aperçus à la manif d’intronisation de Joseph Olenghankoy à Kasavubu et donc fichés comme lui et Katebe, Freddy Matungulu, Gilbert Kiakwama, Roger Lumbala, Oscar Lughendo, Me Tshibangu Kalala, Jean Marie Ingele Ifoto, Emery Okundji, Dr Beya… ou Bruno Tshibala, y compris Martin Fayulu jugé tiède, ne bronchent pas encore et s’exposent à la bronca, tel un bouquet de mauvaises herbes à arracher et à brûler par ceux qui ne sont pas disposés à se laisser surprendre par un effet contagion…
Guêpes ou abeilles, réalité ou fiction, tout ça est bien éprouvant pour les nerfs. Le Rassemblement est-il réellement infiltré? Moise Katumbi en parle et tire sur à boulets rouges la dissidence. Clôturant dans la soirée la série de sorties enregistrées ce samedi-là, Katumbi pointe le Régime du doigt. «Alors que le Régime tente honteusement de nous déstabiliser en manipulant et en achetant certains de nos membres, l’unité et l’engagement du Rassemblement doivent être particulièrement salués. Ceux qui cèdent doivent savoir qu’ils jouent le jeu d’un Régime cynique qui va à l’encontre de l’aspiration du peuple. Le poids de ces dissidents du Rassemblement est marginal, tout comme leur rayonnement au sein de la population», assène Katumbi dans sa déclaration datée du 4 mars, dans laquelle il demande à ceux qui ne sont pas d’accord avec Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi de quitter le mouvement. Pas besoin d’un dessin pour comprendre que la demande s’adresse à Katebe et au camp de Kasavubu rangé derrière Olenghankoy.
AKM

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