Piégé par le rusé opposant, le Premier ministre a ouvert un chapitre inédit dans l’usage des réseaux sociaux en y traitant une affaire d’Etat: la proposition de loi sur le référendum. Un intervenant est allé jusqu’à l’accuser d’amateurisme
Vital Kamerhe ne laisse rien au hasard. Dans son laboratoire, il a minutieusement préparé un piège contre le Premier ministre Matata Ponyo. Apparemment, l’opposant et ses stratèges avaient identifié une faiblesse psychologique majeure chez le chef du gouvernement: l’hypersensibilité.
Toute la manoeuvre de Kamerhe, opposant si futé, si engagé, contre le Régime, a consisté à se mobiliser en interpellant le Premier ministre sur une question sensible, sur les réseaux sociaux. Et Matata s’est fait avoir. Il a réagi et entrepris de responsabiliser une autre institution, l’Assemblée nationale, désignée comme le coupable, et le monde entier a suivi en direct. Ahurissant!
Est-ce que le Premier ministre était obligé de répondre aux sollicitations indues de Kamerhe? Est-il en droit d’émettre un avis informel ou faire une suggestion publique quand les députés ont exercé leur droit constitutionnel? Ces questions taraudent les esprits. A en croire leurs comptes Twitter respectifs, le Premier ministre Matata Ponyo et l’opposant Vital Kamerhe ont engagé une guerre à propos d’un éventuel projet de loi sur le référendum. Kamerhe a senti le coup et provoqué le Premier ministre, en réaction à une correspondance officielle adressée au vice- Premier ministre en charge de l’Intérieur, lui demandant d’examiner la proposition de loi sur le référendum, initiée par deux députés nationaux, donc en conformité avec les textes légaux.
Question sur question, avec une bonne dose de provocation, Kamerhe a réussi à arracher les réactions du Premier ministre à ce sujet. Sans tact, Matata est entré dans le jeu. Juste deux tweets ont suffi pour lancer les hostilités. «… Et si c’est un ballon d’essai, cette lettre -NDLR: la correspondance du Premier ministre au VPM en charge de l’Intérieur- est un pétard mouillé. Attendons la clarification du PM», a posté Kamerhe. Puis d’ajouter: «en homme d’Etat, j’ai tenu à rappeler le prescrit de la Constitution et ai demandé la clarification du Premier ministre». Et le piège a bien fonctionné quelques minutes plus tard quand la riposte de Matata est tombée.
«C’est mieux d’adresser la requête à l’Assemblée nationale d’où est venu le projet de texte». Pourtant l’article 5 de la Constitution stipule: «La souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou d’élections et indirectement par ses représentants». Alors que tout le monde s’accorde sur le fait qu’une élection requiert un régime juridique organisé via la loi électorale, le pays n’a pas un régime juridique en matière de référendum. Il y a donc nécessité de combler ce vide juridique. Voici qu’interpelé sur Twitter par un opposant astucieux, engagé contre le Régime, le Premier ministre a entrepris de responsabiliser une autre institution, l’Assemblée nationale, désignée comme coupable. Et le monde entier a suivi en direct. L’harmonie qui doit exister entre les institutions fait désormais défaut et les intérêts suprêmes du Régime sont mis en danger. Incontestablement, Kamerhe a poussé Matata à la gaffe.
Mise en boîte réussie
Convaincu d’avoir attiré le Premier ministre dans la nasse, Kamerhe a poursuivi sur sa lancée. «Monsieur le Premier ministre, merci pour votre réaction rapide. Vous auriez dû à votre niveau demander au président de l’Assemblée nationale d’être précis», a-t-il relancé. Et de poursuivre: «Monsieur le PM, vous allez alors expliquer aux Congolais qui ne sont pas dupes. Comment avez-vous pu envoyer au ministre de l’Intérieur une proposition sans objet». Puis, Kamerhe a carrément décidé de sommer le Premier ministre: «Monsieur le PM, pourriez-vous tout au moins dans un tweet précis, dire aux Congolais déjà debout de se calmer parce qu’il ne s’agit pas du référendum constitutionnel?». Kamerhe a pris plaisir à enquiquiner Matata. Dans un autre post, il lui a écrit en ces termes: «Monsieur le PM, le peuple debout attend votre tweet de clarification parce qu’une proposition aux contours flous devrait être envoyée à l’Assemblée nationale». Devant cette pression, le Premier ministre a craqué et s’est lancé dans une longue série d’explications. Au total, une vingtaine de tweets en quelques heures. Un record! Dans l’esprit de Kamerhe, la mise en boite du Premier ministre devait passer par des détours plus subtils. Son objectif atteint, il s’est même permis de mettre un terme au débat. «Après la réponse du PM, je me permets de conclure qu’il attend aussi complément d’objet de l’Assemblée nationale. Demeurons vigilants». Voilà comment Matata a perdu son sang-froid, créé un héros et ouvert un chapitre inédit dans l’usage des réseaux sociaux en y traitant les affaires d’Etat. Soudain, la toile s’est enflammée. Un intervenant ahuri est allé jusqu’à accuser le Premier ministre d’amateurisme. Au message «Mapon Matata c’est une honte pour la RDC. Vous êtes quand même le Premier ministre de ce pays et vous agissez en amateur», posté par une certaine Mme Harmony, à l’instar de plusieurs comptes Twitter mêlés à l’étrange discussion, Matata Ponyo s’est contenté de répondre: «Mme Harmony, merci». S’exprimant sur la question sur la radio «Top Congo», l’un des auteurs de la proposition de loi, le député Lucain Kasongo a affirmé qu’il s’agit d’une proposition de loi sur le référendum et non une proposition de loi portant organisation du référendum, comme Kamerhe l’a insinué dans ces échanges avec Matata, qui n’aurait pas dû se faire avoir sur les réseaux sociaux tueurs et y hypothéquer son droit de réserve.
AKM
HMK
4 minutes de lecture