Dossier à la UneEcofinNation

RDC : La FEC crie haro sur les comportements nuisibles à l’Economie nationale, elle tance Bussa

La Fédération des entreprises du Congo -FEC- a effectué sa rentrée jeudi à Kinshasa. Par la bouche de leur président, Albert Yuma, les patrons ont dressé un diagnostic sévère de l’économie de la République démocratique du Congo et tiré la sonnette d’alarme, invitant les autorités du pays à promouvoir des politiques cohérentes pour accompagner les opérateurs économiques et booster l’économie nationale.

Les patrons ont surtout crié haro sur les comportements du gouvernement et de certaines administrations nuisibles à l’économie et l’industrie nationales. Ils ont pointé leurs canons sur la récente mesure du ministre d’État en charge du Commerce extérieur accordant la dérogation au ciment en provenance de la République du Congo, au détriment des cimentiers locaux, privés du reste des exonérations leur accordées par le même gouvernement de la République dans le cadre du partenariat stratégique.

De l’avis du patronat, cette mesure de Jean Lucien Bussa visant l’importation de 100.000 tonnes de ciment gris de Brazzaville déstabilise la cimenterie locale, qui a pourtant une capacité installée de production annuelle de 3,2 millions de tonnes, accroît la pauvreté et le chômage. Au chapitre des mesures incohérentes du gouvernement préjudiciable aux opérateurs économiques du pays, la FEC a également fustigé l’annulation des exonérations accordées aux entreprises éligibles au partenariat stratégique, la tendance fâcheuse à chercher le monopole à la Société nationale d’assurance -SONAS- dans un secteur libéralisé ainsi que les tracasseries à l’endroit de certains investisseurs.

Ce décor vient exacerber la crise déjà caractérisée par le déficit constant des finances publiques, le rythme élevé de l’inflation, l’amenuisement du pouvoir d’achat de la population, la diminution des réserves de change à moins de 800 millions de dollars, la baisse de 75% des activités des entreprises, un budget irréaliste, le manque de soutien du gouvernement pendant cette période de Covid-19 alors que les politiques ne sont pas disposés à réduire le train de vie des institutions. Plutôt optimiste pour l’avenir, Albert Yuma a appelé le Parlement, représenté à cette cérémonie par ses deux speakers, Alexis Thambwe et Jeanine Mabunda, à voter cette fois-ci “un budget réaliste”, qui n’entraînera pas la souffrance de la population.

Le patron des patrons a enfin invité le gouvernement de la République à promouvoir un «protectionnisme intelligent» pour favoriser l’essor de l’industrie locale. Yuma est convaincu qu’avec un marché intérieur de 100 millions de consommateurs, la République démocratique du Congo doit cesser de tout importer et n’exporter que les minerais, dans le souci d’accroître la richesse, créer la valeur ajoutée et réduire la pauvreté.

YA KAKESA


Mot du président national à l’occasion de la rentrée de la FEC
Jeudi 24 septembre 2020

Honorable Madame la Présidente de l’Assemblée Nationale,
Honorable Monsieur le Président du Sénat,
Excellence Monsieur le Premier Ministre, ici représenté,
Excellence Monsieur le Président du Conseil Economique et Social,
Honorables 1ers Vice Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat,
Excellence Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle,
Excellences Mesdames et Messieurs les Vice Premier Ministres,
Excellences Mesdames, Messieurs les Ministres,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Missions Diplomatiques,
Monsieur le Gouverneur de la Ville de Kinshasa,
Madame et Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’Administration de la FEC,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités et tout protocole observé,

A chacun de vous, ici présent, je tiens à vous saluer et à vous remercier sincèrement au nom du Conseil d’Administration de la Fédération des Entreprises du Congo et au mien propre, pour avoir accepté de rehausser de votre présence cette troisième édition de la Rentrée de la FEC.

Celle-ci constitue désormais, à l’instar de la cérémonie de présentation des vœux aux corps constitués, un des temps forts de la vie de notre Fédération par l’opportunité unique qu’elle nous donne de communiquer sur les attentes de nos membres vis-à-vis notamment des pouvoirs publics.

Cette rentrée, qui marque la reprise des activités de la Fédération des Entreprises du Congo se tient au moment même où nous sortons petit à petit de l’angoisse que nous avons tous connue pendant la période de confinement de la commune de la Gombe, centre de la vie économique de la capitale de notre pays et alors épicentre de la pandémie à coronavirus.

Cette pandémie, qui semble-t-il est désormais maitrisée par notre équipe de riposte, doit aujourd’hui faire la place à la relance de l’activité économique, et ce, malgré les inquiétudes légitimes que nous pouvons encore avoir quant à la circulation de ce virus contre lequel nous devons continuer à maintenir notre vigilance et observer avec responsabilité les gestes barrières.

Je vous prie donc, en mémoire de toutes les personnes qui nous ont quittés depuis le début de cette année, victimes de cette pandémie, ou encore de barbarie de groupes armés dans certaines provinces, ou d’autres maladies comme Ebola, d’observer une minute de silence.

Merci.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Nous avons vécu depuis notre dernière rencontre, lors de la cérémonie des vœux, des moments difficiles. En effet, deux semaines seulement après notre rencontre se déclaraient les premiers cas de contamination à la maladie à coronavirus dans notre pays, puis s’en est suivi l’état d’urgence qui a mis un coup d’arrêt à l’activité économique, accentuée par le confinement de la commune de la Gombe.

En ce qui concerne les activités de la Fédération, celles-ci ont été fortement perturbées par les mesures de lutte contre la COVID-19, notamment, le confinement, mesures qui n’ont pas permis à certains organes statutaires de fonctionner normalement et de se réunir comme à l’accoutumée.

Néanmoins, la Fédération a assumé ses missions consulaires. Elle a recouru aux outils de travail à distance, afin de faciliter l’accès des membres à l’information utile à la bonne marche des entreprises. Quant aux fonctions syndicales, les animateurs des organes ont eu, au risque d’être contaminés par la COVID-19, à participer à des rencontres avec divers partenaires et particulièrement, les pouvoirs publics pour défendre le point de vue du monde des affaires.

C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’un mémorandum comportant des mesures d’accompagnement et de maintien d’un certain niveau d’activités a été soumis au Gouvernement qui avait répondu positivement à plusieurs de propositions faites par la Fédération, ce dont nous nous félicitons.

Plus spécifiquement, la Fédération, en partenariat avec ELAN-RDC a réalisé et continue à réaliser des études sur les conséquences de la pandémie sur la vie des entreprises dont certaines, vous le savez tous, étaient interdites d’activité.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Tenant compte de cette situation extraordinaire qui pèse sur l’économie nationale et sur les activités de nos entreprises, j’ai jugé nécessaire de faire le point sur un certain nombre de sujets majeurs qui nous préoccupent au plus haut point et qui, je le crois, ont besoin d’être fortement relayés auprès des autorités.

Je reste plus que convaincu que les thèmes que j’avais évoqués à l’occasion de la présentation des vœux sont encore plus que d’actualité en cette période. A cette occasion, j’avais dit et je me cite : « De quoi le secteur privé de notre pays a-t-il besoin, avant toute chose, pour développer ce pays ?».Fin de citation.

A cette question, j’avais répondu que le secteur privé avait avant toute chose, besoin d’une politique économique cohérente dans les paroles et les actes, cohérente dans la durée pour donner confiance et assurer les opérateurs économiques du soutien de l’Etat pour lancer ou relancer l’investissement dans nos entreprises, faire accéder le plus grand nombre à l’activité afin de dynamiser l’économie toute entière.

On ne le dira jamais assez, mais cette cohérence qui est synonyme de confiance, est vitale pour nos entreprises. Elle est le socle sans lequel nous ne déciderons jamais à prendre des risques, c’est-à-dire investir, et de faire ainsi contribuer notre économie à la hauteur du potentiel de notre pays. Il n’y a pas d’autres solutions pour développer une économie. Sans investissement, pas de croissance et nous le constatons amèrement tous les jours.

Certes, certaines avancées ont été notées cet été dans nos discussions avec le Gouvernement, que ce soit en matière d’accès aux PME à la sous-traitance, d’application du troisième palier du SMIG, de prise en compte des revendications des sociétés minières en matière de TVA ou d’accord avec les pétroliers. Mais c’est soit trop peu, soit des avancées qui succèdent à un blocage. Plus fondamentalement ces avancées, masquent mal le manque de perspective dans la politique du Gouvernement vis-à-vis de ses opérateurs économiques.

Je sais que les temps sont durs et les contraintes fortes mais malheureusement, j’ai l’impression, que comme cela était déjà arrivé par le passé et que j’avais toujours dénoncé, quel que soit le Gouvernement ; j’ai l’impression qu’en temps de crise la puissance publique continue de scier la branche sur laquelle elle est assise en sacrifiant le développement économique durable de notre pays sur l’autel des pressions du court terme.

Nous observons, à regret, un rétrécissement continu de la base de nos entreprises ou de leur activité sous les coups répétés d’une certaine Administration qui ne semble pas se rendre compte des effets délétères que ses actions peuvent avoir sur l’activité économique en général et au final de nos populations.

A la Fédération des Entreprises du Congo, nous ne cesserons jamais de dénoncer le décalage que nous observons entre les ambitions fortes qui sont affichées pour le développement économique de notre pays et les actes de tel ou tel département ministériel qui sont en contradiction patentes avec les discours tenus ou en indépendance totale par rapport à la ligne affichée du Gouvernement.

Nous remarquons d’ailleurs aujourd’hui, que nous sommes encore une des seules institutions de ce pays à publiquement nous insurger contre certains comportements nuisibles à nos entreprises et notre économie. Vous me direz que c’est notre mission de syndicat patronal, c’est vrai. Mais il est nécessaire que la FEC soit également accompagnée par toutes les couches d’acteurs de la société civile.

La FEC, et j’insiste là-dessus, n’est pas dans l’émotion d’un camp contre un autre contrairement à l’affirmation de ceux qui voudraient réduire nos prises de parole publique et notre engagement à des considérations extra-économiques. La FEC est apolitique et n’a pas de camp ! Avec les autres organisations patronales nous représentons les forces économiques de notre pays et continuerons donc, en tant que partenaire naturel du Gouvernement et des pouvoirs publics, à défendre nos membres et nos convictions. C’est je pense, dans l’intérêt du pays et de son développement.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Si on doit regarder les statistiques, la situation économique globale de notre pays est hélas très difficile.

Avant même l’apparition de la pandémie du coronavirus, nous avions avec d’autres émis des réserves, compte tenu des paramètres structurels de notre économie, sur la capacité de l’Etat à mobiliser les recettes de 11 milliards de dollars américains prévus dans la Loi des finances 2020. Certains partenaires étrangers, notamment ceux du FMI, dans un écart peu courant à la réserve à laquelle ils nous avaient habitués, avaient jugé « peu crédibles » les projections financières de l’Etat.

Malheureusement, la réalité nous a rattrapés, en étant accentuée par les effets terribles de la COVID-19 sur l’activité économique.

En effet, la dépendance connue de notre économie à l’offre des produits de première nécessité de pays fortement touchés par la pandémie du coronavirus a fait subir davantage à la République Démocratique du Congo les effets néfastes de la COVID-19.

La seule exception est liée à nos exportations minières où nous n’avons pas noté de baisse de production, ni des flux, mais au contraire parfois une augmentation de la production, renforcée par l’évolution à la hausse des cours du minerais. En fait en matière de mobilisation de recettes, c’est donc plus l’activité intérieure – et ses recettes fiscales – qui a eu à souffrir de la baisse d’activité de la COVID-19.

A ce sujet, les chiffres publiés par la Banque Centrale du Congo renseignent qu’en 2020, l’économie de la RDC connaitra un taux de croissance négatif de 1,7%, si pas plus, soit un recul de 6,1% par rapport à son niveau de 2019.

Les enquêtes réalisées par la Fédération des Entreprises du Congo auprès de ses membres en vue d’évaluer l’impact de la COVID-19 sur leurs activités et les chiffres obtenus au niveau de la Banque Centrale renseignent ce qui suit :

  1. Les opérations financières se clôturent, depuis le mois de janvier 2020 par des déficits, et ce malgré les ressources provenant de l’appui budgétaire du FMI.
    Face à un amenuisement criant des recettes publiques pour faire face aux dépenses publiques, le solde du compte général du Trésor affiche un déficit budgétaire cumulé provisoire de l’ordre de CDF 891,23 milliards au 20 septembre 2020.
  2. Le niveau de recettes qui serait mobilisé à fin décembre 2020 se situerait à moins de 4 milliards de dollars américains contre 11 milliards de prévus.
  3. Sur le marché des biens et services, il est observé un rythme élevé de l’inflation avec l’accélération du niveau général des prix depuis l’apparition de la COVID-19 en RDC et de ses effets négatifs sur l’activité économique. A ce rythme, le taux d’inflation se situerait à 21% à la fin de l’année alors qu’il était de 4,6% l’année passée. Ce qui ne peut, in fine, qu’avoir comme conséquence l’amenuisement du pouvoir d’achat de la population dont plus de la moitié vit déjà en deçà du seuil de la pauvreté.
  4. Sur le marché de change, la monnaie nationale a perdu 16% de sa valeur face au dollar américain entre le mois de mars et août 2020. A ce jour, 1 dollar américain se négocie contre 1 962 CDF sur le marché interbancaire pendant qu’il s’échange à plus de 2 010 CDF sur le marché parallèle.
  5. Quant aux réserves de change, elles poursuivent leur baisse dans un contexte d’instabilité macroéconomique. Les réserves internationales de change se chiffrent en effet, au 20 septembre 2020 à 730,78 millions USD correspondant à 2,9 semaines d’importations des biens et services sur ressources propres.
  6. Que plus 80% des entreprises ont connu une baisse 75% de leurs revenus ;
  7. Que toutes les entreprises directement concernées par les mesures prises le Gouvernement en vue de lutter contre la propagation de la COVID-19 ont été en cessation de paiement pendant toute la durée de ces mesures enregistrant ainsi une perte sèche d’au moins 75% de leurs revenus annuels ;
  8. Que seul 1% d’entreprises reconnaisse avoir bénéficié d’un soutien du Gouvernement pendant cette période pour faire face aux effets négatifs de la COVID-19.

Entretemps, l’Etat ne semble pas vouloir réduire son train de vie en continuant à accroitre ses dépenses par la création de services dont il conviendrait sincèrement de se poser la question de leur opportunité et leur nécessité en ces temps particuliers. Cette augmentation des dépenses a pour effet de contribuer à renforcer le déséquilibre récurrent des opérations financières de l’Etat, de surcroit dans le contexte actuel.

C’est ici le lieu de dire, puisque nous avons l’honneur d’accueillir les Présidents des deux Chambres du Parlement de préciser que leur rôle en cette matière est fondamental. Les deux Chambres viennent de faire leur rentrée pour une Session qui sera principalement consacrée à l’examen du projet de budget du Gouvernement. J’en appelle à ce que les Honorables Députés et Sénateurs analysent avec objectivité les prévisions financières qui seront présentées par le Gouvernement de sorte à adopter un budget réaliste, qui n’entrainera pas de déception inutile au moment de son exécution.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Face à cette situation financière difficile qui est celle de notre pays, nous constatons malheureusement que l’Etat cède à la solution de facilité qui est de penser qu’on peut continuer à pressurer les opérateurs économiques privés via certaines de ses administrations au mépris de toute logique économique, renforçant le sentiment de défiance du secteur privé dans la capacité de l’Etat à lui proposer une politique intelligible et cohérente.

Et pour y arriver, nous avons hélas fait le constat amer qu’il y a de manière intempestive des ouvertures d’informations judiciaires et enclenchement de la procédure de détentions préventives à l’encontre des certains dirigeants des entreprises, dans des manœuvres qui s’apparentent, il faut bien le dire, plus à des moyens de pression sur certains secteurs qu’au strict besoin des enquêtes.

Ceci est une remise en cause des libertés individuelles auquel chacun a droit, les opérateurs économiques comme tous les autres citoyens. Il est essentiel que nos magistrats comprennent que la garantie de l’accès au droit et à une justice de qualité pour tous, constitue un maillon essentiel de la chaine de confiance que les acteurs de la vie économique ont à l’égard du système étatique et qui détermine leur attraction à y investir.

Il est certes vrai que le Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa Gombe, parce que c’est de cet office qu’il s’agit, en tant qu’organe d’investigation judiciaire, a la mission légale de constater, rechercher les faits infractionnels ainsi que de poursuivre leurs auteurs.

Et en le disant, j’assume pleinement ma déclaration qu’il est hors de question pour la FEC de protéger les entreprises indélicates qui fraudent ou ne respectent pas les lois de notre pays. J’ai toujours dénoncé les opérateurs économiques qui profitent de la faiblesse de notre Administration pour détruire ou même piller notre économie.

C’est pourquoi j’insiste pour que les actes d’ouverture d’information judiciaire et de détention préventive posés par les magistrats, se conforment scrupuleusement à la légalité.

La justice doit jouer son rôle et les magistrats ne peuvent être soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à la seule autorité de la Loi, ce qui permet à chaque opérateur de développer ses affaires sans craindre l’injustice, s’il a toute sa comptabilité en ordre.

Il sera toujours possible à certains de justifier ces arrestations par tel ou tel motif supérieur d’intérêt général. Mais que croyez-vous vraiment que certaines de ces détentions préventives, servent les causes qu’elles sont censées défendre ? Il ne faudrait pas que l’Etat dépasse les limites qu’il s’est lui-même fixées, notamment en matière de libertés individuelles.

De la même manière, l’Administration fiscale ne peut pas se comporter vis-à-vis des opérateurs économiques comme un instrument de contrainte au mépris de toute rationalité.

Nous connaissons la situation des finances publiques du pays, mais je ne pense pas sérieusement que l’acharnement dont nous sommes actuellement l’objet contribuera à élargir durablement les ressources de l’Etat et l’assiette imposable globale. Je le répète, l’Etat doit contrôler la véracité des déclarations fiscales de tous, car parfois certains se croient au-dessus de la Loi.

Bien que la fiscalité soit la principale source de financement des états modernes, elle n’a pas uniquement pour vocation de financer les dépenses publiques. Elle contribue aussi à la réalisation d’autres objectifs, comme la régulation de l’économie et la redistribution sociale.

Mais malheureusement, tel n’est pas cas de notre système fiscal.

En effet, il n’est pas normal que le Gouvernement, en cette période de basse conjoncture économique, tombe dans l’erreur d’acculer les entreprises par des contrôles fiscaux et parafiscaux intempestifs parfois par des services non habilités, aux motifs de maximisation des recettes.

L’intervention, devenue permanente, de toutes ces administrations auprès des entreprises est source de tracasseries et d’harcèlement dans le chef des dirigeants d’entreprises qui consacrent plus de temps dans des discussions avec ces administrations que pour le développement de leurs activités.

La conséquence de ces comportements, c’est le développement du secteur informel dans notre pays et pas seulement dans le cadre du paiement des droits, redevances, taxes dus au Trésor public mais aussi dans la capture des recettes réalisées par certaines grandes entreprises par les banques commerciales installées dans ce pays.

Pourquoi voulez-vous qu’une entreprise puisse mettre son argent dans une banque quand elle sait qu’à tout moment un Avis à Tiers Détenteur « ATD » peut être émis par une Régie Financière sur simple dénonciation d’un « aviseur » et bloquer son compte, l’empêchant tout simplement de fonctionner ?

Voilà pourquoi, au niveau de la Fédération des Entreprises du Congo, nous soutenons la proposition du Chef de l’Etat consistant à la création d’une Autorité nationale des revenus, une forme de Guichet unique permettant le prélèvement d’impôts, droits et taxes de toutes nos régies financières comme cela est le cas dans plusieurs pays notamment africains comme le Togo, la Zambie et le Rwanda.

Notre vœu le plus ardent est de voir s’engager des réflexions en vue de matérialiser très rapidement cette réforme que nous estimons primordiale. En effet, il est temps que tout le monde dans notre pays paie l’impôt, mais uniquement l’impôt juste.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Au-delà de ces problèmes que connaissent nos membres dans l’exercice de leur fonction dans le chef de certaines administrations, mais qui en cette période connaissent une accélération importante, nous notons également des incohérences préjudiciables dans certaines des décisions de l’Etat, qui à notre sens, vont à rebours de ce qu’il conviendrait de faire pour développer cette classe d’entrepreneurs nationaux que nous appelons tous unanimement de nos vœux.

Je voudrais par exemple évoquer ce qu’à la FEC nous avons appelé le scandale de la dérogation d’importation de 100.000 tonnes de ciment de la République du Congo accordée par le Ministère du Commerce Extérieur et qui transiteront par Kinshasa aux fins d’approvisionner, en particulier, le Grand Equateur, le Grand Kasaï et la Grande Province Orientale.

Cette décision a été prise au motif que les industries locales du ciment n’ont pas réalisé les promesses qu’elles avaient faites au moment de la prise de l’Arrêté ministériel suspendant les importations sur la partie ouest du pays notamment assurer la tendance baissière des prix tant au niveau de Kinshasa que dans les provinces de l’Ouest du pays et en n’ayant pas su faire une forte pénétration au niveau des provinces visées plus haut.

Une telle mesure n’aboutira qu’à tuer les industries locales et les emplois de nos compatriotes et à entretenir et rémunérer les facteurs de production dans les pays fournisseurs, ce que nous ne cessons de dénoncer depuis des années désormais.

La FEC constate la simultanéité des correspondances du Ministère du Commerce Extérieur de la RDC sur la dérogation des importations de 100.000 tonnes par an du ciment du Congo Brazzaville et celle de l’IGF à la DGDA visant à annuler les exonérations accordées en violation des dispositions légales du Décret n°013/049 du 6 octobre 2013 portant régime fiscal applicable aux entreprises éligibles au partenariat stratégique sur les chaînes de valeur en affirmant que « les bénéficiaires de ce régime sont inéligibles au bénéfice de la clause transitoire prévue notamment dans les dispositions préliminaires du tarif douanier ».

Ce n’est pas juste pour notre économie quand on sait que les cimentiers du Congo Brazzaville bénéficient eux, d’avantages fiscaux énormes et sont en surcapacité de production. Nous ne pouvons que les inviter à venir investir dans notre pays pour entrer en concurrence avec notre propre industrie du ciment.

Toujours à propos du commerce frontalier, j’ai récemment eu l’occasion de discuter avec un Honorable Sénateur et opérateur économique basé à la frontière de la RDC avec un pays voisin et je peux vous dire que ce qu’il m’a dit m’a interpellé et hélas confirmé mes craintes.

Les opérateurs économiques de ce coin de la République ne peuvent plus faire des affaires parce que leurs homologues du pays voisin se sont accaparés tous les marchés, mettant en place des entrepôts qui vendent des produits qui ne font même pas partie du commerce transfrontalier, parce qu’importés de l’Asie du Sud-est.

C’est donc ici le moment pour moi d’élargir le débat et de vous poser cette question, qui je le rappelle est un débat que nous avons eu plus d’une fois à la FEC depuis de nombreuses années sur la politique industrielle de l’Etat et le protectionnisme intelligent que nous appelions de nos vœux, et qui aujourd’hui, prend une acuité particulière dans le cadre de la ZLECAF.

Est-ce que nos industries sont prêtes ou seront prêtes à entrer en compétition sur le plan continental à partir de janvier 2021 au moment de l’ouverture de nos frontières dans le cadre de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine « ZLECAF » en sigle ? Est-ce que nous survivrons aux produits importés à bas coûts via des zones franches de nos partenaires africains.

Et si la réponse est non, ce que je crois, nous pouvons tous nous demander si la RDC ne devrait pas se retirer de ces accords jusqu’à ce que ses industries se soient mises à niveau ?

Le faire ne serait pas à mon avis un crime. Il le serait d’autant moins que des pays comme les Etats-Unis, en dépit de la multiplication des accords commerciaux conclus dans le cadre de l’OMC et d’autres encore avec certains Etats, ou la Chine, continuent encore aujourd’hui, alors que ce sont les deux premières puissances économiques mondiales, de protéger leurs industries. Le Président TRUMP ne cesse de répéter : « America First » et je salue son nationalisme. »RDC First ».
Je serais d’avis que la préoccupation première de nos gouvernants, avant toute signature d’un accord de libre-échange, serait la mise en place des mécanismes qui permettent à nos entreprises d’être compétitives et de créer des conditions favorables à l’investissement, d’autant que nous sommes quand même dans un pays de près de 100 millions d’habitants qui constitue un marché intérieur à lui tout seul. Les populations cumulées de neuf pays voisins de la RDC n’atteignent pas 50% de ce chiffre.

Je rappelle que lors des négociations des Accords de Partenariat Economiques entre l’Union Européenne et différents acteurs politiques du continent africain, seule la Côte d’Ivoire, si ma mémoire ne me fait pas défaut, avait franchi le pas, sûre de sa force et de sa capacité à rentrer dans un partenariat fructueux avec ses partenaires européens. Combien d’autres pays ou zones économiques régionales lui avaient emboité le pas, même malgré les promesses d’aides à la convergence pour faire monter en gamme les industries africaines avec un moratoire de dix années.

Je vous pose la question, la situation serait-elle devenue si différente au motif que cette zone continentale ne serait composée que de nos Frères africains. Je ne le crois pas car il y aussi de grandes disparités entre les différentes économies du continent et je ne pense pas que notre pays au vu de sa structure économique actuelle tirera un quelconque bénéfice en finissant d’ouvrir aux quatre vents ses frontières déjà bien poreuses.

On m’objectera que les Européens l’ont fait avec leur marché commun malgré les différences qui pré existaient entre leurs économies. Je répondrais que les Européens avaient des outils financiers puissants de convergence qui ont permis à un certain nombre de pays de rattraper leur retard et de bénéficier du marché unique, ce qui à ma connaissance n’est pas le cas au sein de la zone continentale.

Nous devons tous comprendre que nous ne pourrons pas commercer avec les autres, et donc bénéficier de cette zone, si nous-mêmes ne produisons pas des biens d’exportation compétitifs. Notre pays continuera à être ce qu’il a toujours été ; un pays d’importation d’à peu près tout et d’exportations de matières premières non transformées. Ceci ne créera pas de valeur ajoutée locale et donc pas de diffusion de richesse, et pas de réduction de la pauvreté.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

La construction d’une économie forte tient aussi à la cohérence entre les options prises et les actes mis en œuvre.

A titre d’exemple, nous avons été informé que la SONAS a adressé à Son Excellence, le Chef de l’Etat en date du 05 août 2020, un mémorandum sollicitant la mise en place d’une commission interinstitutionnelle en vue de réfléchir sur le protocole d’accord signé entre la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) et l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA) qui a pour objectif de mettre en application l’obligation de souscription de l’assurance des facultés à l’importation ainsi que la souscription de l’assurance des responsabilités civiles des véhicules à moteur en circulation internationale, tels que prévu par le Code des Assurances.

La SONAS qui a reçu une autorisation d’opérer par l’ARCA, désire que certaines assurances obligatoires, notamment l’assurance des Facultés à l’importation, prévues par le Code des Assurances lui soient exclusivement réservées, comme c’est le cas de toute nouvelle immatriculation de véhicules par la Direction Générale des Impôts (DGI) qui est préalablement conditionnée à la souscription d’une assurance automobile auprès, uniquement, de la SONAS.

Ces pratiques contraires à la Loi qui confèrent un monopole de fait à la SONAS dans un secteur légalement libéralisé ne sont tout simplement pas acceptables. En effet, cette situation crée de la distorsion sur le marché en mettant en mal les règles de la libre concurrence consacrées pourtant par les Lois du pays qui avaient justifié des investissements importants de la part d’acteurs privés.

Il convient, donc, de mettre fin à cette situation préjudiciable au climat des affaires.

Faut-il rappeler que depuis la libéralisation effective dudit secteur, le 28 mars 2019, l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA) a octroyé 7 agréments à des sociétés d’assurances et a autorisé à sept sociétés de courtage d’assurance à exercer en RDC, pour un marché réel estimé entre 800 millions et un milliard de dollars américains, alors que 120 millions de dollars à peine sont captés pour le moment.

Ces agréments sont intervenus quatre ans après l’entrée en vigueur du Code des assurances, le 17 mars 2015, et trois ans après le Décret n°16/001 portant création, organisation et fonctionnement de l’ARCA en tant qu’Etablissement public devant réguler le secteur des assurances, le 26 janvier 2016.

La FEC qui a toujours prôné la mise en place des sociétés d’assurance à capitaux congolais ne peut comprendre que l’on puisse, sans avoir fait au préalable un audit sérieux de la SONAS, d’ores et déjà revenir sur la Loi libéralisant le secteur des assurances en accordant de tels avantages à une société qui, au vu de l’énorme dette sociale qu’elle a, n’est pas viable en l’état.

Bien sûr, l’ARCA doit déployer des efforts pour que les capitaux captés pour le moment par les sociétés d’assurances en activité puissent rester en RDC et ne pas servir à financer les économies d’autres pays.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Je viens d’évoquer ici certains points importants qui préoccupent la FEC de manière non exhaustive. Nous aurions aussi pu parler plus en détail de notre action récente vis-à-vis des pétroliers dans le cadre de la fixation de la structure des prix par le Ministère de l’économie nationale qui ne prenait pas en compte les préoccupations des pétroliers nationaux. Heureusement nous sommes arrivés à un accord satisfaisant pour les parties, mais il est regrettable qu’il ait fallu en arriver à de telles extrémités pour pouvoir faire entendre la voix de nos membres.

Pareillement nous avons eu des discussions franches avec le Gouvernement sur la fiscalité et la parafiscalité des sociétés minières. Nous attendons encore des conclusions harmonisées.

Après ce tour d’horizon, comment peut-on envisager les actions que nous estimons nécessaires à court terme pour relancer l’économie ?

Comme je l’ai dit précédemment, notre économie est en pleine récession. Dans les jours qui suivent, les indicateurs macroéconomiques évolueront en bien ou en mal en fonction de l’évolution de la conjoncture économique internationale, de la durée de la COVID-19 et de l’intensité de ses effets sur les économies ainsi que des mesures prises et à prendre par le Gouvernement pour atténuer les chocs de la pandémie et relancer les activités économiques.

Et ce sujet, comme je ne l’ai cessé de le dire, il faut absolument prendre des mesures pour renforcer la résilience de notre économie peu diversifiée et dépendante de la demande extérieure en matières premières et de l’offre des produits de première nécessité des pays étrangers.

Aujourd’hui plus que jamais, nous devrons tous prendre conscience que l’avant COVID ne doit jamais être comme l’après COVID. Nous devrons nous engager à changer le paradigme. Sans chercher à se replier sur soi-même, nous avons tous les atouts pour construire une offre diversifiée des produits de première nécessité qui répond aux besoins de nos compatriotes.

Et pour ce faire, nous ne cessons de presser le Gouvernement à prendre des mesures fortes et courageuses pour la relance des secteurs agricole et industriel qui ont des potentiels énormes en termes de création des richesses et d’emplois. Il n’est pas normal qu’aujourd’hui plus de vingt millions de congolais soient dans un état de précarité sur le plan alimentaire alors que leur pays dispose d’un réel potentiel en ressources pour les nourrir.

Je tiens à ce sujet à saluer, les annonces faites par le Président de la République il y a une année devant l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2019 et devant les Chambres réunies en décembre 2019, concernant la création de richesse locale pour ne plus dépendre de l’étranger pour nos biens essentiels, ainsi que celles plus récentes du Premier Ministre quant aux priorités du Gouvernement en matière « d’avancement de l’agriculture africaine, la résolutions des problèmes posés par le manque d’infrastructures de qualité, la faible exploitation des sources énergétiques renouvelables, et l’industrie d’une industrie manufacturière diversifiée « ainsi que « le recours au partenariat public privé ».

Mais malheureusement, on constate les difficultés à l’exécution de telles politiques sur lesquelles tous s’accordent. C’est pourquoi la Fédération, en partenaire privilégié des pouvoirs publics, voudrait voir s’instaurer un espace de dialogue permanent, qui permette de trouver des solutions concertées aux problèmes qui se posent dans l’exercice de l’activité économique et ne pas souffrir d’une forme d’arbitraire réglementaire ou législatif qui s’éloigne tant des directions pourtant claires tracées par nos plus hautes autorités.

Nous avons certes des cadres ponctuels de rencontres, comme lors des concertations que nous avons eues avec le Ministre de la Classe Moyenne et PMEA qui ont abouti à la signature d’un protocole d’accord, en date du 03 juin 2020, et à l’élaboration concertée des Décrets portant mesures d’application de la loi n°17/001 du 08 février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé en République Démocratique du Congo.

Ces concertations ont permis de lever l’équivoque sur plusieurs problématiques notamment sur le champ d’application de la Loi sus citée, l’agrément des sociétés de sous-traitance par l’Autorité de Régulation de la Sous-traitance ainsi que le taux du prélèvement, à verser à la même Autorité, à l’occasion de la conclusion des contrats de sous-traitance.

Nous espérons que, après les avoir adoptés en Conseil des Ministres, les nouveaux Décrets portant mesures d’application de la Loi sur la sous-traitance seront le reflet univoque des résolutions des concertations coulées dans le protocole d’accord et permettre enfin que le but du législateur soit atteint, celui de l’émergence d’une classe moyenne nationale et une croissance économique inclusive.

Ce fut également le cas, sur la problématique de la tension salariale en vue d’une solution idoine pour une application aisée du troisième palier du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti « SMIG » en sigle ou cours des travaux de la 36ème session ordinaire du Conseil National du Travail, du 05 au 13 août 2020, il a été adopté la recommandation qu’à la deuxième quinzaine du mois de septembre 2020 le traitement approfondi de la question pour une solution idoine à pouvoir adopter à la prochaine session du Conseil National du Travail.

Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’un cadre permanent de concertation permettant en amont d’informer le Gouvernement des conséquences des politiques qu’il souhaite mettre en œuvre afin d’éviter, comme nous le faisons trop souvent de courir derrière certaines initiatives malheureuses pour nos membres.

A ce sujet, je voudrais mentionner ici tout spécialement l’implication de Son Excellence, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, qui a récemment accordé au patronat congolais une audience dans le cadre des Rencontres avec la Cellule Climat des Affaires, afin d’initier un dialogue public-privé constructif et je l’en remercie tout particulièrement.

Ce dialogue public privé a en effet fait ses preuves dans les pays où il a été vraiment mis en œuvre, dans un cadre permanent, de haut niveau et institutionnalisé. Mais pour cela, il est nécessaire que l’Etat joue réellement le jeu et dans un pays comme le nôtre où toutes les conditions systémiques de ce dialogue ne sont pas encore réunies, que l’Etat, à travers la volonté de ses leaders, puisse par sa capacité d’incitation créer les conditions d’un dialogue public-privé efficace.

J’en appelle donc aux plus hautes Autorités pour que la dynamique enclenchée lors de ces rencontres et en leur présence, se renforce et aboutisse à des initiatives concrètes où ces Autorités pèseront de tout leur poids politique pour que leurs Administrations acceptent l’apport du secteur privé.

Si c’est le cas et que des signaux forts ou des mesures fortes en faveur du secteur privé sont engagés, la dynamique ainsi créée ne manquera pas de susciter ce climat de confiance que nous appelons de nos vœux en renforçant la crédibilité de l’engagement public vis-à-vis de ses acteurs économiques.

Un dernier sujet qui me parait essentiel pour contribuer au redémarrage de l’activité économique sur lequel je voudrais vous entretenir est celui de notre secteur minier.

Il est vrai que nous n’avons jamais cessé de demander que les conditions de la diversification de notre économie soit mise en œuvre par le Gouvernement pour justement ne plus dépendre uniquement de ce secteur.

Néanmoins, il constitue sans aucun doute une chance, à la condition que nous sachions la saisir dans le sens des intérêts de notre pays. Nos mines doivent bénéficier à notre pays et constituer un des poumons financiers pour la diversification de son économie et de son développement.

Deux actions importantes me semblent à ce titre devoir être mises en exergue.

La première, et il faut en rendre grâce tant au Président de la République qu’au Gouvernement, est celle d’avoir pris à bras le corps la question du cobalt artisanal en RDC.

En créant l’Entreprise Générale du Cobalt, qui disposera du monopole d’achat, de la transformation et de l’exportation de l’ensemble du cobalt artisanal produit sur le territoire national et l’Agence de Régulation et de Contrôle des Minerais Stratégiques, qui aura en charge de veiller à la régularité des activités du secteur, notamment en accordant des certificats de conformité permettant l’exportation du cobalt après traitement, l’Etat s’est donné une perspective sur un secteur économiquement et socialement au cœur des enjeux de son développement.

Ce cobalt, qui est extrait dans des conditions souvent indignes, en ayant recours à des populations vulnérables payées à vil prix, ne bénéficie ni aux populations qui l’extraient, ni à notre pays, qui voit de surcroit sa réputation jetée en pâture aux opinions publiques mondiales, alors qu’il constitue un des composants majeurs de l’industrie mondiale liée à la transition énergétique.

Le Gouvernement a décidé de mettre fin à cette situation injuste pour les creuseurs et inique pour notre Etat. Avec le monopole d’achat vis-à-vis des creuseurs dans des zones d’exploitation aux normes, nous sommes convaincus que ceux-ci travailleront enfin dans des conditions dignes et seront rémunérés au juste prix.

Pour l’Etat congolais, cette reprise en main du secteur artisanal, permettra d’exercer un contrôle sur l’ensemble de la chaine de valeur et de bénéficier de la richesse produite à travers la fiscalité applicable qui lui échappe actuellement à travers un réseau de négociants, d’unités de traitement ne disposant même pas de mines et des acheteurs étrangers.

Plus encore, les prix mondiaux du cobalt ne seront plus entrainés à la baisse par cet afflux massif de production à bas prix obtenues dans l’illégalité la plus complète. C’est donc toute la chaine industrielle de production et d’exportation de cobalt et par ricochet l’Etat qui percevra enfin les fruits de ce minerais stratégique.

Permettez-moi cette incise, mais à ce sujet, j’ai entendu beaucoup de choses au sujet du caractère stratégique du cobalt, dont beaucoup ont dit qu’il n’avait été classé comme tel qu’en raison de la hausse des cours de 2018. Il n’y a rien de plus faux. Il a été classé stratégique, parce que notre pays en possède 60 à 70% des réserves mondiales et qu’il est indispensable à un certain nombre d’industries qui ne pourront se développer sans lui. A bien y réfléchir, je ne vois pas sur terre beaucoup d’autres minerais qui méritent autant que lui son qualificatif.

Quand les cours du cobalt ne reflèteront plus les opinions d’un oligopole d’acheteurs et de producteurs, et l’initiative sur le cobalt artisanal devra y contribuer largement, notre pays touchera donc enfin les dividendes de cette ressource et pourra utilement alimenter, ce fonds souverain que nous appelons de nos vœux grâce à la redevance minière de nos minerais stratégiques.

2ème axe, l’application du code minier. De nombreuses dispositions du Code de 2018 révisé, comme les superprofits ou la fin des régimes préférentiels liés aux conventions dérogatoires ne sont pas encore d’application malgré la Loi.

Nous sommes au milieu du gué. Une bataille féroce a déjà eu lieu pour faire adopter ce code, mais ce n’était que la première mi-temps.
La seconde sera de lui faire produire tous ses effets et c’est alors que nous saurons si nous avons gagné le match du rééquilibrage du partage de la richesse entre les investisseurs internationaux présents dans notre pays et la République Démocratique du Congo.

Je sais combien cette question est sensible, mais combien de temps faudra-t-il pour que tous comprennent, qu’il n’y aucune raison que nous nous satisfaisions des revenus actuels de notre mines, quand notre industrie nationale du cuivre et du cobalt contribuait fiscalement à hauteur de 39% de la valeur totale des exportations dans les années 80 pour moins de 10% aujourd’hui. Expliquez-moi qui gagne dans cette situation.

Ce combat est donc un combat légitime, que notre Etat doit mener pour créer les marges de manœuvres dont il a besoin pour financer ses politiques publiques. A ce moment là en effet, on pourra s’attaquer à tirer profit de nos trois autres grands atouts :

• Le majestueux Fleuve Congo.
• Nos dizaines de millions d’hectares de terres arables.
• La puissance écologique de notre forêt équatoriale.

Tout ceci, je dois insister et le rappeler, ne pourra être réalisable que si on s’attaque à une faiblesse majeure de notre pays, l’Administration publique. Il est impératif de rajeunir, de former et de rémunérer décemment les fonctionnaires de l’Etat. C’est à cette condition qu’ils pourront être rendus comptables de leurs performances et qu’ils deviendront une véritable administration de développement dont le secteur privé a tant besoin.

Honorables,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

En terminant ce discours, je voudrais vous rassurer que je reste optimiste pour l’avenir de notre pays. J’ai certes porté un diagnostic sévère, mais que je crois réaliste.
J’ai tiré des sonnettes d’alarme fortes, mais que je crois nécessaires. C’est pour inviter nos dirigeants à appliquer des politiques économiques cohérentes, lisibles et prévisibles. C’est pour que les Pouvoirs Publics et le Secteur Privé jouent chacun leur rôle avec l’objectif commun du développement et du bien-être du peuple congolais. On pourra dans un premier temps mobiliser toutes les énergies internes et attirer ensuite des capitaux étrangers.

Pour cela j’en appelle aussi, car c’est l’intérêt de notre économie, à la concorde et à l’unité nationale dans un pays sans tribalisme. Les Pères de l’Indépendance, nous ont laissé un Congo UNI. Ils nous ont donné l’indépendance politique ; à nous tous maintenant de gagner l’indépendance économique dans la PAIX.

Honorable Madame la Présidente de l’Assemblée Nationale,
Honorable Monsieur le Président du Sénat,
Excellence Monsieur le Premier Ministre, ici représenté,
Excellence Monsieur le Président du Conseil Economique et Social,
Honorables 1ers Vice Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat,
Excellence Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle,
Excellences Mesdames et Messieurs les Vice Premier Ministres,
Excellences Mesdames, Messieurs les Ministres,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Missions Diplomatiques,
Monsieur le Gouverneur de la Ville de Kinshasa,
Madame et Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d’Administration de la FEC,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités et tout protocole observé,

Je voudrais en conclusion saisir cette opportunité pour rappeler à nos membres ici présents, que nous avons librement accepté de mutualiser nos efforts et nos moyens pour la défense et la promotion de nos entreprises. Il ne peut donc pas y avoir des acteurs d’un côté et des spectateurs de l’autre.

Pour notre bataille commune nous devons être solidaires et engagés dans les actions et activités que mène votre Fédération. J’en appelle donc à plus de solidarité et d’engagement.

Je tiens ici à rassurer toutes les autorités du pays de l’accompagnement de la Fédération des Entreprises du Congo pour la réussite de leurs missions qui leur ont été confiées par le peuple congolais au moment de cette transition pacifique du pouvoir dont nous nous réjouissons tous.

Je vous remercie de votre attention.

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