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Denis Kadima: Business élections, les chiffres de l’ODEP en disent long sur son système opaque

Le ciel des élections s’obscurcit. C’est le constat de l’Observatoire de la dépense publique. Dans un communiqué dont copie est parvenue à «AfricaNews», cette structure de la Société civile spécialisée dans le «contrôle citoyen des finances publiques de la RD-Congo» affiche son scepticisme sur le dénoué du processus électoral en cours. Cette position se justifie par des craintes sur la destination «des fonds décaissés pour les opérations électorales». Pour l’ODEP, il n’est fait l’ombre d’aucun doute: «le financement du processus électoral est en danger».

Dans son communiqué, l’ODEP fait remarquer une «course à l’enrichissement illicite» dans le chef des animateurs de la CENI entre autres. Il dénonce également le retour de «mauvaises pratiques décriées sous Corneille Naanga». Ces accusations interviennent à un moment où l’actualité est marquée par l’escalade verbale entre le bureau actuel de la CENI et Corneille Nangaa, prédécesseur de Denis Kadima à la tête de la CENI. La sortie de l’ODEP vient en remettre une couche: Nangaa et Kadima, c’est bonnet blanc, blanc bonnet. L’ODEP l’argumente mieux: «le pays n’est pas sorti du vieux démon des élections business».

Surfacturation et détournements

Dans cette quête à l’enrichissement illicite, l’ODEP soupçonne ouvertement l’actuel patron de la Centrale électorale qui se plaint «de n’avoir reçu aucun décaissement depuis octobre 2022». Une déclaration qui ne passe pas à l’ODEP. L’ONG révèle, pour botter en touche ce prétexte, des chiffres qui crucifient Denis Kadima. «Depuis l’entrée en fonction du nouveau bureau de la CENI, le Trésor public a décaissé 212 milliards de FC, soit 104,2 millions de dollars, dont 90% couvrant les dépenses de fonctionnement», révèle l’ODEP. L’ONG a pu retracer ces décaissements à travers les services du ministère de Budget. «Pourtant le ministre des finances a annoncé le 15 février 2022 une mise à disposition de fonds d’USD 37 millions», poursuit l’ODEP. Tout calcul fait, un écart d’USD 67,2 millions est constaté entre les versements annoncé et effectif, lequel écart aurait pris une destination inconnue et dont seuls les acteurs du circuit de la dépense peuvent répondre. Denis Kadima est ainsi accusée d’entretenir un flou autour de la gestion des finances des opérations électorales en cours. L’ODEP plaint ainsi «l’absence d’un plan de décaissement et d’un débat public au parlement».

Autre sujet qui énerve, le dossier de l’achat des véhicules des membres de la CENI dont le processus a violé «l’article 6 de la loi relative aux marchés publics» en plus d’avoir été sujet à des «surfacturations», conséquence de l’absence de «planification et de contrôle a priori». L’affaire remonte en fait à février 2022. A l’époque, Denis Kadima avait présenté un état de besoin d’USD 1,6 million pour les véhicules du bureau. Premier couac entre la CENI Kadima et le gouvernement, cette affaire avait soulevé un débat autour de l’autonomie de gestion de la Centrale électorale. L’ODEP estime que ce premier fléau non traité a dressé le lit de plusieurs autres «retro commissions, surfacturations, conflit d’intérêt dans le processus d’acquisition du matériel électoral».

Denis Kadima et la pluie de scandales

Autre chose, l’ODEP dit ne pas comprendre la facture électorale dressée par la CENI et chiffrée à USD 642 millions. «L’ODEP se dit surpris par cette demande, irrationnelle, d’autant plus que la RD-Congo est à son quatrième cycle électoral. En 2018, 52%, du budget des opérations électorales couvraient l’acquisition des matériels et la quincaillerie électorale. Ce qui existe déjà, d’après le rapport du processus électoral 2012 à 2019», lit-on dans ce communiqué.

Au final, les élections générales devraient coûter près d’un milliard d’USD au lieu d’un peu moins d’USD 600 millions, regrette l’ODEP. Sur les fonds demandés, plus d’USD 480 millions ont d’ailleurs déjà été alloués en violation de Loi des finances 2022 et de la Loi des finances publiques -LOFIP et tout cela, dans une situation de sinistre générale et de guerre atroce. «Le coût exagéré des besoins non vérifiés et approuvés par les institutions supérieures de contrôle vise des objectifs de détournements, des retrocommissions et autres pratiques d’enrichissements illicites que les besoins d’organiser un processus électoral transparent, crédible et apaisé», dénonce l’ODEP qui fustige le système mis en place par Denis Kadima et ses complices pour «favoriser le manque de transparence préjudiciable à la crédibilité même du processus électoral».

Avec un financement opaque, tempête-t-il, la transparence est mise à rude épreuve et un «nouvel hold-up électoral se profile à l’horizon». Par ces révélations, l’ODEP attend la CENI la publication «d’un budget détaillé des opérations électorales assorties d’un plan de décaissement et d’utilisation des fonds reçus pour faciliter le gouvernement à financer le processus électoral». Denis Kadima cité dans un dossier sale, l’on semble s’habituer à ce refrain.

En 18 mois, le patron de la centrale a vu son nom être impliqué dans plusieurs affaires pas toujours catholiques. Le mois passé, un message audio de 59 secondes largement partagé sur les réseaux sociaux l’accusait d’avoir «détourné des arriérés de salaires des agents de la CENI». En septembre dernier, un autre scandale financier éclaboussait le chef des opérations électorales en RD-Congo, soupçonné d’avoir acquis deux appartements dans le centre des affaires de Kinshasa pour près d’USD 4 millions. Denis Kadima avait alors parlé de «fakenews».

Suspecté d’être «affairiste» plutôt qu’expert comme vanté à son arrivée, Denis Kadima n’est pas non plus clean dans la conduite des opérations électorales dont la crédibilité pâtit avec les découvertes récentes de fiches d’inscriptions et kits électoraux auprès des privés dans le Kasaï ainsi que des cartes d’électeurs vierges dans le Kwilu. Dans l’opinion, la confiance placée en l’équipe Kadima s’effrite. Chaque pas menant vers le 20 décembre rapproche vraisemblablement le pays à un «chaos programmé». La CENI, de son côté, tente désespérément de dramatiser la situation, arguant un sabotage du processus électoral.

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