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Complot contre la Constitution, branle bas de combat dans les états majors politiques

À Conakry, Alpha Condé, ancien opposant aux dictateurs guinéens, condamné à mort par contumace en 1970 par Sékou Touré puis emprisonné vingt-huit mois par son successeur, Lansana Conté, premier président élu à l’issue des élections libres et démocratiques de l’histoire du pays a été évincé en septembre 2021, par un coup d’État militaire, après 11 ans de règne.

Vieille figure de l’opposition guinéenne aveuglée par le pouvoir, Condé avait fait adopter par référendum en mars 2020 une nouvelle Constitution et invoqué ce changement de loi fondamentale pour se représenter après deux mandats, malgré des mois de contestation réprimée dans le sang. Sa réélection en octobre 2020, vigoureusement contestée par l’opposition, a finalement conduit à sa chute honteuse.

À Kinshasa, en République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, fils de la figure emblématique de l’opposition Étienne Tshisekedi, est arrivé au pouvoir en janvier 2019, à la faveur de la première alternance pacifique et civilisée du pouvoir, succédant à Joseph Kabila. En pleine troisième année de son règne, des états-majors politiques l’accusent de vouloir changer la Constitution et virer au présidentialisme, avec un mandat de sept ans renouvelable une fois.

Diplômé de l’Université de Florence en Sciences politiques et détenteur d’un master en Politique internationale à l’Université Libre de Bruxelles spécialisé dans les politiques de l’UE pour la prévention et la gestion des conflits, Federico Santopinto a expliqué dans l’une de ses réflexions que «les systèmes présidentiels ne se caractérisent pas uniquement par l’élection directe du chef de l’État, ni par le rôle prédominant de celui-ci sur le pouvoir exécutif. Le principal élément constitutif de ce type de régime réside dans une stricte séparation des pouvoirs, notamment et surtout entre les branches législative et exécutive».

Et dans ce contexte, «le terme  présidentialisme est utilisé le plus souvent avec une connotation péjorative. Il désigne une variante, voire une dégénérescence du régime présidentiel, dans la mesure où les équilibres institutionnels sont rompus au profit du chef de l’État. Celui-ci domine les pouvoirs législatifs et judiciaires, ainsi que l’administration de l’État, les forces de sécurité -armée et police- et les structures préposées à l’organisation des élections. Ces dernières deviennent dès lors une simple formalité devant conférer une légitimité démocratique fictive au pouvoir préexistant. Ainsi, le terme de démocrature est souvent associé au concept de présidentialisme, dans le but de dénoncer la nature dictatoriale d’un régime camouflé sous les habits d’une démocratie».

Le pacte scellé à Sun City menacé!

Jamais consacré en République démocratique du Congo, un tel projet viendrait à renier le pacte scellé à Sun City en Afrique du Sud. Sa simple évocation a déjà suscité un branle-bas de combat dans les états-majors politiques et de la Société civile, prêts à entonner en chœur la chanson «Touche pas à ma Constitution»!

Samedi, lors de meeting de son parti dans la capitale, le président du parti Envol et député national de Luiza, Delly Sesanga, a évoqué et dénoncé, pour la première fois en public, ce projet controversé porté, selon lui, par le président de la commission PAJ de l’Assemblée nationale, l’UDPS André Mbata.

«Malheureusement, la démocratie «made in UDPS» veut balayer la Constitution pour un texte qui va sceller le putsch. Les tenants de cette honteuse thèse arguent que pour permettre au pays de se développer, il faut donner plus de pouvoirs au président», a fustigé Sesanga, martelant que cette dérive de réforme ne passera pas.

Dimanche, dans un entretien collectif à la presse, le député national Daniel Nsafu, le député provincial Mike Mukebayi et le député honoraire Francis Kalombo, tous cadres du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, ont parlé d’un «complot contre la Constitution», mettant en garde les auteurs et promettant de bouger la rue si l’Union sacrée, au pouvoir, venait à officialiser sa démarche.

Mike Mukebayi a dit regretter qu’une idée vienne de la formation politique du président Félix Tshisekedi, le même qui avait investi la rue, ensemble avec les forces politiques et sociales d’alors, pour s’opposer à un pareil projet sous Kabila.

Le même week-end, Maître Hervé Diakiese, cadre du Comité laïc de coordination -CLC-, une structure de la Société civile très proche de l’Eglise catholique, est lui aussi monté au créneau, lançant un ultimatum contre les «braconniers du droit» et «les pyromanes juridiques». «Cette Constitution est l’aboutissement d’un long processus qui a permis la réunification du pays et un compromis entre les fédéralistes et les unitaristes mais elle a surtout des verrous, des boucliers pour éviter la tricherie dans la gestion des mandats de l’État. C’est un bouclier pour l’exercice de la souveraineté nationale», a dit le bouillant activiste au micro de Pero Luwara, à la faveur d’un échange proposé par la chaîne Youtube CPL Télévision.

Tino MABADA

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