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Comment Access a roulé BCECO

Access bank
Le cas de l’ancien DG d’Access Bank qui a pompé des fonds publics sur base d’un simple accord de principe en dit long sur les mauvaises pratiques et les graves abus dans nos banques commerciales  
Kengo et Mongulu ont cru balancer un scoop et dénoncer un scandale d’Etat en adressant une question orale au ministre délégué aux Finances Patrice Kitebi sur un prétendu accord confidentiel entre BCECO et Access Bank relatif à la perception des intérêts. Alors que la presse locale a pu démontrer que le speaker du Sénat a été le premier à fuiter les documents dans les médias internationaux, notamment RFI, son collègue auteur de la question orale a attendu la conclusion du ministre affirmant qu’aux indications lui fournies par BCECO, pareil accord n’existait pas pour brandir la copie d’un document paraphé par un délégué du BCECO dans le cadre d’une démarche normale dans le circuit des financements des projets. Ils se sont en réalité servis des documents qui ont aidé un ancien haut cadre de la banque à se rémunérer au détriment du BCECO.
Des experts ont passé le fameux accord au crible, fait des recoupements et conclu à une interprétation abusive d’un document rangé dans les placards. La démarche suspectée par le duo Kengo-Mongulu est conforme aux facilités accordées aux grands clients, entre autres celle de bénéficier de la rémunération de leurs dépôts à vue. Les initiés font savoir que même les principaux bailleurs des fonds comme la Banque mondiale, l’Union européenne ou la BAD recommandent aux gestionnaires des projets de solliciter cet avantage auprès de leurs banques. Pour des raisons de bonne gouvernance et de traçabilité, les intérêts produits sont logés dans un compte séparé.
 
L’ombre de François Ngenyi
Normal que le BCECO ait amorcé une démarche de rémunération de ses dépôts en vue auprès d’Access Bank RDC en 2011, des documents faisant foi. Dans leur contenu, il est disposé que, dans l’éventuelle possibilité d’une autorisation du Conseil d’administration d’Access Bank de rémunérer les dépôts à vue du BCECO, la banque s’engage à verser cette rémunération, non pas en numéraire, mais dans un compte à ouvrir au nom du BCECO. Depuis, Access Bank n’a donné aucune suite de la décision de son conseil d’administration. Les dépôts à vue du BCECO n’ont donc jamais bénéficié d’un quelconque intérêt.
C’est plutôt un malin, l’ancien Directeur général d’Access Bank François Ngenyi, qui en a fait son affaire. Il a pris le plaisir de détourner ces fonds en liquide, à l’insu du BCECO et en violation des termes de l’accord du reste jamais appliqué. Officiellement, le bluffeur a fait croire au Conseil d’administration d’Access Bank que ces fonds étaient destinés au paiement des intérêts du BCECO. Rattrapé en 2013 à cause d’une série de malversations avérées, François Ngenyi a été viré après une cavale consécutive à un audit interne et une interpellation du Parquet général.
Journal avant-gardiste, AfricaNews a consacré une enquête sur les abus du DG déchu en août 2013, rien n’y a fait -lire remake en page 3. Ngenyi, lui, a pu narguer toute la République au point de rentrer vivre à Kinshasa à l’issue d’une brève évasion en Europe. Il y a des présomptions que l’ancien DG est assuré d’être à l’abri des inquiétudes et des poursuites après avoir effacé les traces. Piste probable: les gestionnaires actuels d’Access Bank n’auraient pas pu retracer le document du scandale dans leurs archives.
 
Généralisation des pratiques maffieuses dans nos banques!
Si Kengo et Mongulu avaient agi un peu plus tôt, ils auraient pu découvrir le crime. Le contexte n’était peut-être pas propice. Il n’y avait pas un gouvernement de cohésion nationale en perspective. Un peu de lucidité de leur part aurait suffi pour s’apercevoir que les reçus cités sont tirés d’un compte interne d’Access Bank et acquittés par un des cadres récemment mis à la porte. La respectable chambre haute a versé dans l’hystérie. Elle s’est déconsidérée en endossant une action politicienne et politisée, évoquant avec pompe un cas de malversation au sein d’une banque et insistant effarement sur le caractère confidentiel d’un accord de principe.
Etonnant que ces éminentes personnalités oublient que la relation entre une banque et son client a obligatoirement un caractère confidentiel. Rien de suspect donc. Etrange est plutôt le fait pour Mongulu de s’interdire de mettre toutes les pièces de sa question orale à la disposition de Kitebi. On a pensé donner une image hideuse d’un clan qui monte en puissance et empêche de tourner en rond.
La question orale de Mongulu a cependant l’avantage d’étaler sur la place publique la généralisation des pratiques maffieuses et les dysfonctionnements qui minent nos banques commerciales. Sans conteste, l’affaire Access Bank-BCECO est l’arbre qui cache la forêt. Ces dernières années, beaucoup des détenteurs des comptes bancaires ont assisté impuissant à des manipulations irrégulières de leurs comptes, naturellement à leur insu et en leur défaveur. Les cas sont légion.
Les victimes se comptent par milliers, indiquent des sources, précisant que la pieuvre a même sévi parmi les personnalités politiques. Les 400 dollars payés mensuellement aux jeunes employés de banques contrastent avec leur enrichissement rapide et le train de vie qu’ils affichent quotidiennement.
Des signes indéniables de la gangrène qui ronge le système bancaire. Quelques cas sont sanctionnés par les banques mais leur discrétion quant à ce fléau peut, croit-on, expliquer la persistance de ces prévarications. La question orale de Mongulu serait plus intéressante si elle avait tablé sur ce mal avec l’objectif final de pousser les ministères des Finances et du Budget à assurer un suivi régulier et méticuleux des comptes des institutions publiques, réputées négligées et à la merci des prédateurs. Une suggestion de taille pour les membres de la Commission d’enquête sénatoriale.
Initiateur de la bancarisation de la paie des agents de l’Etat, le gouvernement travaille certes à la consolidation des banques commerciales. Mais rien que les avantages que ces dernières tirent de ces opérations doivent les soumettre à sa rigueur de l’Exécutif et au contrôle régulier de la Banque centrale du Congo.
KISUNGU KAS

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