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Bibi Aziza Ali: le drame d’une octogénaire

Les médias kinois n’ont pas arrêté de commenter la visite du couple Katumbi à la mère de Salomon Kalonda le week-end dernier après la perquisition de sa maison par des militaires. «C’est une femme abattue, blessée dans son amour de mère et ressentant une certaine humiliation que Moïse Katumbi et son épouse ont trouvée à son domicile. Elle gardait encore les traces du passage des renseignements militaires, comme l’indique quelque peu l’image montrant un bout de meuble cassé ainsi que des nattes de prière musulmane profanées», a décrit le site «congoguardian.com».

«Je ne sais pas ce qu’ils ont pensé. Peut-être pensaient-ils que Salomon avait caché des choses ici», a-t-elle laissé entendre, le visage ravagé par la terreur de cette fouille militaire, alors que personne ne lui a demandé ce qui s’est passé. Elle a tout de même poursuivi, du haut de ses 85 ans qui semblent peser plus que jamais et cachant très mal un rictus d’indignation face à ce qui, à ses yeux, aura été une suprême abomination pour sa dignité de femme et de mère: «Ils ont insisté pour pénétrer dans la chambre à coucher, et ils sont entrés», a encore rapporté le site. Pour l’octogénaire Aziza Ekanga Binti Ali, de foi musulmane, c’est un vrai choc.

Après le décès de son mari Idi Della Kalonda, ancien fonctionnaire de l’Etat au ministère de la Santé, Bibi Aziza a toujours vécu à l’ombre de ses enfants, qui l’ont même hébergée pendant 15 ans en Belgique pour essayer d’effacer les souvenirs de la perte de leur géniteur. Elle a toujours vécu loin de la politique, même si deux de ses garçons -la fratrie compte neuf enfants en vie- ont choisi d’évoluer dans ce domaine très souvent impitoyable. Moïse Moni Della, le deuxième, a évolué à l’UDPS, aux débuts de cette formation politique, suivant tous les mouvements des pères fondateurs. Un activisme qui lui a coûté des années de brimades et d’exil. Contraint de fuir la dictature de Mobutu, il a dû traverser le fleuve pour gagner Brazzaville, débutant ainsi une longue expatriation en Europe. A son retour à Kinshasa, il est passé par le RCD/N de son vieux compagnon Roger Lumbala, le même, avant d’entrer dans le gouvernement 1+4 en qualité de vice-ministre à l’Information en 2006. Après un passage dans «Soutien à Etienne Tshisekedi» -SET. Il a été de tous les combats de l’opposition jusqu’à la création du Rassemblement.

Ça fait des années que Salomon Kalonda, le cinquième, est le bras droit de l’opposant Moïse Katumbi, allié puis aujourd’hui adversaire politique du président de la République Félix Tshisekedi. Comme son mentor, Kalonda a fait trois ans d’exil à Bruxelles peu après leur départ du PPRD en 2015. Mais quand Katumbi obtient son passeport et rentre au pays en mai 2019 avec dans sa suite Olivier Kamitatu et Francis Kalombo, lui n’est pas du voyage. Il n’a pas immédiatement droit à son passeport. Après plusieurs mois de négociations avec les nouvelles autorités du pays, il l’acquiert finalement début octobre 2019, en marge d’une visite de Félix Tshisekedi à Bruxelles.

Ces dernières semaines, l’Opposition a le vent en poupe mais sa marche programmée le 20 mai a été réprimée dans le sang. Dix jours après, Salomon Kalonda est violemment interpellé à l’aéroport international de Ndjili par les Renseignements militaires. Les images ont fait le tour du monde. Après la perquisition simultanée de la résidence kinoise de Katumbi et de la résidence lushoise de son fils Kalonda le 8 juin, la mère, Aziza ne sera pas épargnée. Le 9 juin, la vieille est restée enfermée dans sa maison de Lubumbashi, perquisitionnée, à son tour, saccagée et fouillée de fond en comble par les Renseignements militaires. «Elle a vécu l’horreur, elle qui n’a jamais fait la politique. Elle a même été privée de sa prière par les soldats venus opérer dans sa maison saccagée, fouillée de fond en comble et sa natte de prière profanée», a raconté Moni Della révolté, demandant si «Maman Marthe Kasalu, la mère du président Félix Tshisekedi, est au courant du traitement réservé à la pauvre vieille dame, qui a presque son âge».

Selon Moni Della, le drame imposé à Aziza Ekanga, après ces perquisitions irrégulières, également dénoncées par l’ONG ACAJ et une vingtaine d’autres structures de la Société civile, a pris davantage d’ampleur quand elle a appris que les Renseignements militaires ont eu un autre rendez-vous de perquisition samedi 10 juin à la résidence de l’aînée de la fratrie, Mariamu Owanga. Moni Della a protesté contre ces tortures morales et physiques infligées aux membres de sa famille. Entre l’interpellation de son jeune frère et son transfert à la prison militaire de Ndolo, Moni a personnellement été assailli à son propre domicile, sur les hauteurs de Binza, par une horde de motards, «pro-Pouvoir» selon lui-même, qui voulaient en découdre avec lui à cause de ses critiques contre le régime.

Natine K.

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