Dossier à la UneEcofinNation

«Aucun sentiment anti chinois mais la défense des intérêts de la RDC», prévient Jules Alingete après un courrier à Félix Tshisekedi des sociétés chinoises membres de l’USMCC accusant la Présidence, le Parlement, les Finances, les Régies financières et l’IGF de contribuer à la détérioration du climat des affaires

«Le climat des affaires ne doit pas se confondre à la prédation. Le climat des affaires n’existe que pour les investisseurs sérieux et respectueux des Lois du pays», réagit l’Inspecteur général chef de service de l’IGF alors que les Sociétés chinoises regroupées au sein d’une certaine USMCC tentent de prétexter la détérioration de l’environnement des affaires pour essayer de justifier la fraude et l’incivisme fiscal dans laquelle elles excellent ainsi que les différents contentieux financiers qu’elles ont avec presque tous les services de l’Etat…

Dans une lettre adressée le 5 mars au président de la République, Félix Tshisekedi, l’Union des sociétés minières aux capitaux chinois -USMCC-, créée en 2017, revendiquant 42 membres dont 25 sociétés minières et 17 sociétés de services miniers, la production en 2022 de 1,850,000 tonnes de cuivre et plus de 85,000 tonnes de cobalt, représentant respectivement 80% et 76% de la production nationale pour 3 milliards de dollars ainsi que la création de 60.000 postes d’emploi, s’insurge à la fois contre la Présidence de la République, le Parlement, le ministre des Finances, les régies financières et l’Inspection générale des finances -IGF-, tous accusés de pourchasser les sociétés chinoises, évoquant particulièrement les cas Tenke Fungurume Mining et Sicomines, et criant à la détérioration du climat des affaires. La lettre accuse aussi les autorités fiscales voire les partenaires et le Parlement de leur imposer des amendes au montant astronomique même s’ils n’ont aucune raison ni aucune preuve d’infraction.

Les sociétés chinoises disent également avoir été choquées par la publication le 15 février 2023 du Rapport de l’IGF sur le Contrat chinois. «Nous avons constaté que ce rapport porte de nombreuses accusations sans fondement contre les entreprises chinoises sans évoquer aucun des avantages que le Contrat chinois a offerts à la partie congolaise tels que l’aide apportée à la RD-Congo pour surmonter ses difficultés financières, la promotion du retour des investisseurs internationaux en RDC, l’augmentation considérable de la capacité congolaise de production minière, l’implantation sur un marché stratégique qu’est la Chine, les importants dividendes payés à la partie congolaise, la création de nombreux emplois locaux et la construction d’une grande quantité d’infrastructures», a décrit le président de cette structure, un certain Gong Qingguo, non autrement identifié.

Puis: «Par ailleurs, la publication de ce rapport a suscité un énorme tapage médiatique, ce qui a non seulement porté atteinte à l’ambiance amicale de la coopération sino-congolaise et gravement terni l’image des entreprises chinoises, mais aussi ébranlé la confiance de nos sociétés membres dans leurs investissements en RDC. Du fait de la publication d’un tel rapport par une institution publique d’un pays ami qu’est la RDC, nous ne saurions nous empêcher de nous inquiéter profondément de la détérioration du climat des affaires en RDC».

Maille à partir avec tous!

Gong Qingguo prie Félix Tshisekedi «de régler adéquatement les divergences et d’aider les entreprises à résoudre leurs problèmes afin de réaliser le développement commun». Mais, en réalité, il ne veut pas avouer que les sociétés chinoises ont maille à partir avec l’ensemble des services cités à cause de leur comportement réfractaire aux Lois du pays.

A titre illustratif, le Directeur de cabinet Guylain Nyembo traque la China Molybdenum Co pour manipulation des finances dans son partenariat avec la Gécamines dans Tenke Fungurume Mining. Les connaisseurs avancent 5 milliards de dollars. Le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, réclame aux entreprises chinoises opérant dans le secteur minier les superprofits. Les régies financières se plaignent de leur incivisme fiscal quand l’Inspection générale des finances -IGF- a publié un rapport accablant les contrats chinois, jugés déséquilibrés et en défaveur de la République Démocratique du Congo, et un autre sur le bradage des parts sociales de la Cominière sous-évaluées au profit de Dathcom Mining, avant de lancer, début mars, un vaste contrôle sur les recettes des péages gérés par les sociétés chinoises SOPECO et SGR.

Aucun sentiment anti chinois et aucune détérioration du climat des affaires mais une lutte pour la défense des intérêts de la RDC!

Premier officiel à réagir à cette missive, l’Inspecteur général chef de service de l’IGF, Jules Alingete Key, réserve une riposte ferme à ces accusations tendancieuses des sociétés chinoises, tout en assurant qu’il n’a pas particulièrement de sentiment anti chinois et balayant la thèse de détérioration du climat des affaires. Il fait plutôt valoir, dans un entretien avec AfricaNews, «le sentiment patriotique, légitime, de défendre, peu importe le Régime, les intérêts de la République Démocratique du Congo devant tous les prédateurs nationaux et internationaux, quelle que soit leur origine».

«Il n’y a aucun sentiment anti chinois. Il n’y a pas non plus aucune détérioration du climat des affaires. Le climat des affaires ne doit pas se confondre avec la prédation. Il n’existe que pour les investisseurs sérieux et non pour les fraudeurs», étrille-t-il, demandant pourquoi ces sociétés chinoises connaissent un enrichissement exponentiel alors que leur contribution au Budget de l’Etat en termes d’impôt est très insignifiante et, pire, va décroissante.

«Pourquoi ces sociétés ne payent pas les droits dus à l’Etat? Selon elles, le climat des affaires c’est la facilité de frauder et de ne pas payer les impôts dans un pays?», interroge-t-il encore, disant ne pas comprendre comment les sociétés chinoises peuvent collecter les recettes issues des droits des péages sur les routes de la République Démocratique du Congo sans rien construire en retour mais pour financer leurs investissements privés dans le secteur minier.

La Sicomines avec un contrat qualifié d’une nouvelle forme de colonisation, les fonds des péages des routes de la République avec les sociétés chinoises SOPECO et SGR ainsi que la société Dathcom, l’IGF jure, pour sa part, de s’engager dans une lutte féroce de défense des intérêts et droits du pays commun. «Le monde des affaires n’a que d’intérêts comme langage. Il faut coûte que coûte défendre la République Démocratique du Congo face à la prédation et pourchasser ses auteurs, peu importe leur origine. C’est le travail de l’IGF», certifie et cogne Alingete. Gong Qingguo et sa légion n’ont qu’à bien se tenir alors qu’à la Présidence, aux Finances, à l’IGF comme à la DGI et à la DGRAD la réaction est unanime: «Les sociétés chinoises doivent cesser de se comporter en fraudeurs patentés et se conformer aux Lois du pays».

Pourquoi l’IGF fait peur aux Chinois pourchassés comme jamais auparavant…

L’IGF semble faire peur aux sociétés chinoises. Depuis l’avènement de Jules Alingete, elle a publié tour à tour deux rapports-choc sur la Cominière et les Contrats chinois à l’origine de la naissance de Sicomines. Le premier conduit à l’arrestation et l’emprisonnement, depuis novembre 2022 à Makala, du Directeur général de la Cominière, Athanase Mwamba Misao, et de son Directeur technique, Célestin Kibeya, deux mandataires accusés par l’IGF et poursuivis par le Procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe pour cession illégale des parts sociales de la Cominière sous-évaluées dans Dathcom Mining et mauvaise gestion des dividendes estimées à 33,5 millions de dollars. Consacré aux Contrats chinois et à la Sicomines, le deuxième rapport de l’IGF accable la partie chinoise, qui n’a pas respecté ses engagements mais a englouti à elle seule plus de 10 milliards de dollars contre moins de 800 millions de dollars pour la République Démocratique du Congo, avant de dénoncer la surfacturation des marchés des infrastructures liées à ce deal.

Grâce à cette pression de l’IGF, la Sicomines, déballée, a accepté de lâcher un morceau, soit 500 millions de dollars payables en deux tranches, rien que pour l’année 2023, alors que l’IGF réclame des négociations devant aboutir au versement de 1 milliard de dollars par les Chinois.

En même temps, la Justice, refusant de rester passive face à pareilles dérives et antivaleurs, décide de traquer les auteurs de la surfacturation des travaux des contrats chinois. Dans le viseur du Procureur général en charge du dossier: l’Agence congolaise des grands travaux -ACGT-, le Bureau de suivi et coordination des travaux, jadis dirigée par Moise Ekanga, présentement en séjour à Bruxelles, et la Sicomines.

Alingete ne croise pas les bras. Poussé par son flair, il entreprend, cette fois-ci, de gratter dans les droits des péages installés sur la Nationale 1 Kinshasa-Matadi-Boma au Kongo Central, la route Lubumbashi-Kasumbalesa dans le Haut-Katanga et la route reliant Lubumbashi à Kolwezi, chef-lieu de la province de Lualaba. Au Kongo Central, la gestion de ces droits revient à la SOPECO et pour le Grand-Katanga cette responsabilité incombe à la SGR. Le 6 mars dans la capitale, Alingete réunit les responsables de ces deux sociétés pour leur annoncer le début de la mission de l’IGF étalée sur les recettes réalisées pendant les 12 dernières années, soit entre 2010 et 2022.

En 2021 au Kongo Central, le président de l’Assemblée provinciale, Jean-Claude Vuemba, fustigeait déjà la mauvaise gestion du staff de la SOPECO et exigeait son départ. «Si rien n’est fait, il y aura des mesures sérieuses contre cette entreprise gérée par les Chinois», tonnait le président de l’organe délibérant de cette province. La même année, l’ONG Congo n’est pas à vendre -CNPAV- alertait sur un conflit d’intérêt majeur dans la gestion du péage Lubumbashi-Kasumbalesa, pointant du doigt un bonze de l’ancienne famille présidentielle. Selon CNPAV, la gestion de ce tronçon stratégique, principale voie d’exportation des minerais de cuivre et de cobalt, a longtemps opposé la Sicomines à l’intéressé. Quelque temps après, la Sicomines s’est retirée au profit de la société de ce dernier, qui continue de bénéficier et de percevoir l’argent de ce péage.

Dathcom Mining, SICOMINES, SOPECO et SGR ont un point commun: le magnat chinois Simon Cong. «Outre ces quatre sociétés, Sieur Cong a des intérêts dans Tenke Fungurume Mining, l’Hôtel du Fleuve et divers autres minings à travers le pays», révèle une source à la Direction générale des impôts -DGI-, précisant que cet homme d’affaires et ses sociétés sont peu enclins à payer les impôts et les taxes dus à l’Etat, laissant entendre que l’IGF doit avoir décelé des indices peu orthodoxes et établi des connexions louches entre ces sociétés avant de lancer ses investigations.

De l’affaire Dathcom aux péages, le flic en chef de l’IGF commence à trop fouiner son nez dans les affaires opaques du richissime chinois, de son empire financier et à découvrir leur modus operandi. Pourchassés et aculés comme jamais auparavant, les sociétés chinoises donnent l’air d’être sonnées. Elles sont obligées de se défendre… maladroitement, en déplaçant le débat, en voulant présenter l’Inspecteur général chef de service de l’IGF comme cette personnalité qui entretient et cultive le sentiment anti-chinois en République Démocratique du Congo.

AR-Lt-USMCC-to-President-RDC

Datée du 5 mars, la correspondance de cinq pages du Chinois USMCC Gong Qingguo transmise au président de la République est rédigée entre les invitations de l’IGF lancées aux entreprises des péages du Chinois Simon Cong et la réunion organisée le 6 mars. Simple hasard? Pourquoi sortir du cadre de la FEC pour parler exclusivement de l’USMCC? Quelle est la nature juridique de cette structure? La République Démocratique du Congo compte désormais deux patronats, la FEC d’un côté, et l’USMCC, de l’autre, dédiée à la défense exclusive des intérêts du patronat chinois? La coïncidence entre les deux événements interroge et présage la peur d’un contrôle des fonds des péages par la partie chinoise. Les recettes des péages contribuent-elles à financer l’activité minière de certaines sociétés chinoises comme le font entendre certaines conversations de salon à Kinshasa et à Lubumbashi? La question reste posée. Les investigations de l’IGF aideraient à lever un coin de voile. 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page