Quand la population RD-congolaise se mobilise et attend à bras ouverts la tenue des élections en décembre 2018 comme prévue dans le calendrier électoral pour choisir ses nouveaux dirigeants, certains acteurs politiques de la Majorité présidentielle offrent, par leurs différents discours, la possibilité d’un troisième mandat à l’actuel Président de la RD-Congo, Joseph Kabila. S’inscrivant en faux contre cette tentative malencontreuse, la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- a, au cours de son point de presse organisé jeudi 24 mai 2018, grondé les acteurs politiques de la Majorité présidentielle -MP. Pour la CENCO, ces déclarations sont plus graves et le sont au grand mépris de la Constitution et de l’Accord de la Saint-Sylvestre qui est suffisamment explicite à ce sujet. «Plus grave encore est la série de déclarations que l’on enregistre de la part de certains ténors de la Majorité présidentielle qui évoquent la possibilité d’un autre mandat pour l’actuel Président de la République, au grand mépris de notre chère Constitution et de l’Accord de la Saint-Sylvestre qui est clair à ce sujet», a-t-elle interpellé. Dans la foulée, la CENCO a demandé à la Commission électorale nationale indépendante -CENI- et à l’Assemblée nationale d’assumer à temps leurs responsabilités respectives -techniques ou législatives- à propos de l’enrôlement des RD-Congolais vivant à l’étranger afin d’éviter que cela devienne une raison pour justifier un énième report des élections.
Les propos sortant des bouches de certains acteurs politiques de la MP sur un 3ème mandat de Joseph Kabila marchent, de l’avis de l’épiscopat RD-congolais, vers la non-stabilité politique de la RD-Congo et œuvrent pour mûrir la crise dans le pays. Au cours de son point de presse tenu jeudi 24 mai 2018, cette question a spécialement retenu l’attention de la CENCO. Celle-ci a rigoureusement réprimandé la MP. «Ces propos, motivés par les intérêts de leurs auteurs et non du Chef de l’Etat qui ne gagnera pas à être responsable de l’embrasement du pays, doivent être déconseillés par ceux qui aiment le Congo car, ils peuvent facilement déboucher sur des situations de violence préjudiciables pour la paix et la stabilité de la RD-Congo et de toute la sous-région», a-t-elle martelé. La CENCO n’est pas allée avec le dos de la cuillère en exhortant la CENI et l’Assemblée nationale à assumer à temps leurs responsabilités respectives -techniques ou législatives- à propos de l’enrôlement des RD-Congolais vivant à l’étranger, pour éviter que cela ne devienne une raison justificative d’un énième report des élections en RD-Congo. Les prélats catholiques ont également déploré le non-suivi du rythme convenu entre la centrale électorale et le gouvernement dans l’exécution du plan de décaissement des fonds pour l’organisation des élections. Le peuple RD-congolais, a souligné la CENCO, a pris acte de la déclaration solennelle de l’Exécutif de disposer des moyens nécessaires pour financer seul les élections. Les raisons financières ne devraient donc pas être évoquées pour justifier un éventuel report des élections. Tout en reconnaissant quelques efforts fournis dans le sens de la décrispation du climat politique, la CENCO s’est dite très insatisfaite tant que les cas emblématiques explicitement signalés dans l’Accord du 31 décembre 2016 ne sont pas pris en compte par les gouvernants.
La CENCO a appelé à la levée du décret interdisant les manifestations publiques qui constitue un déshonneur pour un régime démocratique et ne contribue nullement à rassurer toutes les parties prenantes. «Nous rappelons la nécessité de tenir des élections crédibles, transparentes et inclusives pour la stabilité du pays. Nous sommes, à ce niveau, préoccupés par le non-respect des libertés de manifestations publiques. Ce droit reconnu au peuple RD-congolais par la Constitution est devenu un cadeau que les autorités du pays donnent à qui elles veulent, quand elles le veulent et comme elles veulent. Cela est un déshonneur pour un régime qui prétend être démocratique. Dans la perspective d’élections apaisées, crédibles et inclusives, la levée du décret interdisant les manifestations publiques est une nécessité majeure pour rassurer toutes les parties prenantes d’un climat favorable à la préparation des scrutins», a-t-elle insisté.
En plus, la CENCO a fait part de son triste constat devant l’accroissement des zones d’insécurité dans le pays. «Nous sommes tristes de constater que les zones d’insécurité ne font qu’accroître au pays. Pourtant, l’Accord de la Saint-Sylvestre recommande aux autorités de prendre des dispositions nécessaires pour sécuriser davantage le pays. Il ne se passe pas un jour sans que l’on soit informé de scènes terrifiantes de tuerie, d’enlèvement ou de kidnapping en plusieurs territoires du pays. Nous invitons les autorités à un sursaut de patriotisme pour protéger la population et ses biens et restaurer sa confiance vis-à-vis des forces de l’ordre», a-t-elle déploré.
Appel à la correction de la liste des partis et regroupements politiques publiée autrefois
Selon la CENCO, la liste des partis et regroupements politiques publiée dans le Journal Officiel, le vendredi 11 mai 2018, viole quelques dispositions pertinentes de l’Accord global et inclusif du Centre interdiocésain de Kinshasa, notamment les points 4 et 9 du chapitre V où les parties prenantes interdisent au ministre de l’Intérieur d’arbitrer les conflits internes des partis politiques qui relèvent des Cours et Tribunaux et demandent que les formations politiques qui font l’objet de dédoublement soient rétablies dans leur situation d’avant le dédoublement. «A ce sujet, une correction de la liste s’impose pour apaiser les partis et les regroupements lésés. Nous sommes également préoccupés par le manque d’égalité d’accès aux médias publics par tous les courants politiques -cf. Chapitre V.3», a regretté la CENCO.
L’épiscopat RD-congolais a rappelé la population sur l’importance d’une opinion commune et unie dans une conquête politique en évoquant la question du vote à la machine. «La CENCO a remarqué que le fait que l’opinion est divisée sur l’utilisation de la machine à voter ne rassure pas la tenue des scrutins dans les bonnes conditions. Pour cela, elle souhaite vivement que les travaux de la certification de ces machines qui devraient être faits avec l’appui de la Grande Bretagne puissent être conclus avant la fin du mois de juillet, pour qu’en cas de renonciation éventuelle à cette machine, la CENI puisse être à mesure de s’employer pour l’impression des bulletins de vote tel que prévu dans le calendrier électoral -cf. lignes n°38, 39 et 40», a signifié la CENCO.
Cette déclaration de la CENCO intervient à un mois du dépôt des candidatures pour la députation provinciale et à deux mois du dépôt des candidatures pour la députation nationale et la présidence de la République. La CENCO s’est réjouie du respect, jusque-là, des grandes étapes du calendrier électoral et des déclarations de la CENI et du gouvernement rassurant la tenue des trois scrutins -présidentiel, législatif national et provincial- le 23 décembre 2018. En même temps, la CENCO s’est dite très préoccupée par l’inertie dans la mise en œuvre de certaines dispositions de l’Accord du 31 décembre 2016, considérées, selon elle, comme des préalables nécessaires à la bonne organisation de ces élections, et par les déclarations de certains acteurs politiques qui éloignent le peuple davantage de la Constitution et de l’Accord de la Saint-Sylvestre, unique feuille de route pour sortir pacifiquement le pays de la crise. «C’est pourquoi, dans la perspective de la mission prophétique de l’Eglise, la CENCO a chargé son Secrétariat général d’appeler les uns et les autres à un sens élevé de responsabilité pour ne pas manquer ce rendez-vous historique salutaire pour notre pays», a conclu la CENCO.
Contacté par le journal «AfricaNews» pour avoir son avis à propos de la déclaration du jour de la CENCO, Corneille Nangaa, président de la CENI, a préféré botter en touche. «Je n’ai pas encore suivi cette déclaration. Mais, les élections se tiendront à bonne date», a-t-il déclaré.
Parousia MAKANZU