A 44 ans de carrière, l’artiste musicien RD-congolais Jules ShunguWembadio dit Papa Wemba est loin de prendre sa retraite. Dans une interview exclusive accordée à AfricaNews, en son lieu de répétition sis dans la commune de Kasa-Vubu, le chanteur à la voix de rossignole dit avoir encore beaucoup à donner aux mélomanes RD-Congolais et d’ailleurs. Sexagénaire, il n’a rien perdu de sa capacité vocale. Jules Presley estime n’avoir pas fini de caresser les oreilles et encore moins de charmer par ses belles mélodies les petits cœurs. Bien au contraire, Wemba compte bientôt renouer avec la scène internationale à travers une tournée européenne pour la promotion de son dernier opus «Maître d’école», une merveille dont le public kinois n’a pas encore fini de savourer les délices.
Vous êtes déjà sexagénaire, à quand mettrez-vous un terme à votre carrière, surtout quand on voit déjà certains de vos puinés annoncer la fin imminente de leur carrière?
J’essaie de remplir ma mission. Chacun de nous a une mission ici sur terre. Moi, je ne peux pas dire que je mets un terme à ma carrière ou non. Je veux continuer toujours tant que le bon Dieu me prêtera le souffle de vie, tant que j’aurais toujours cette belle voix. J’ai encore un sac bien rempli d’informations, je n’ai pas encore tout déballé. Laissez-moi le temps, j’ai encore tout mon temps, je ne suis pas prêt pour lever maintenant, pour tirer l’échelle maintenant. Mon travail me plait et cela me donne encore la force.
Pourquoi avez-vous intitulé votre dernier opus «Maître d’école/rumba na rumba»?
En fait, je ne suis pas le maître de la rumba. Ce n’est pas à moi de dire que j’ai commencé la rumba. Je peux dire que je suis disciple de la rumba, ou encore que j’essaie de défendre le genre musical qui a fait de nous artistes musiciens RD-congolais, qui nous a donnés une identité. C’est la rumba RD-congolaise. Aujourd’hui, nous sommes tous fiers que d’autres n’ont pas de genre musical, alors que la rumba RD-congolaise restera toujours dans la maternité même de la musique africaine. Il faut savoir que cette rumba RD-congolaise a existé depuis les années 1950 -bon nombre de pays africains n’étaient pas encore indépendants. Et elle continuera toujours à exister. Nous qui la pratiquons maintenant, nous ne faisons que ce que d’autres ont eu à faire mais avec une nouvelle technologie. Je me définis comme maître d’école parce que je trône pendant plus de 3 décennies sur Molokai et Viva la Musica. C’est un mariage éternel. Je suis le seul maître absolu de cette institution. Je ne me vante pas pour dire que j’ai eu à former tel ou tel autre artiste. C’est vrai qu’il y a d’autres qui viennent apprendre. Moi, je me définis comme le maître d’école de la rumba parce que je suis parmi les attaquants et défenseurs dudit style musical.
Trois mois après la sortie de «Maître d’école», soit du 20 juin au 20 septembre 2014, peut-on dire que votre message a été compris par les mélomanes ou il leur faut encore du temps?
Je crois qu’il faut encore du temps parce que je ne suis pas encore entré dans la vraie communication de cet album. Avec mon rendez-vous brésilien et mon mariage avec Marie-Rose, je n’ai pas voulu être au four et au moulin. On l’a fait exprès. A partir du 20 septembre, je veux aller en Europe pour faire une campagne sur le plan international et ce n’est qu’après que je reviendrai ici pour faire ce qu’il faut faire ici -à Kinshasa. Avec «Maître d’école», je veux ramener la rumba sur la scène internationale.
Quel message adressez-vous aux mélomanes qui tardent à écouter cet album?
Je fais appel à tous les mélomanes qui aiment la bonne musique. «Maître d’école», je le fais avec le cœur. J’ai consacré deux ans pour travailler cet album et je ne crois pas que j’ai déçu. Ceux qui ne l’ont pas encore écouté doivent s’en procurer dans les kiosques. C’est depuis un trimestre que cet album de 25 titres est sorti. Pour moi, c’est un bébé qui tète encore.
25 titres, ça sort de l’ordinaire pour vous?
Oui, pour moi et pour les mélomanes qui me connaissent. L’appétit vient en mangeant. Je côtoyais des gens qui écrivent des textes, des chansons et en restant près d’eux, j’ai eu le goût de composer, d’écrire et je suis devenu gourmand.
La particularité de «Maître d’école» est qu’il y a beaucoup de featurings. Est-ce que le maître ne se sent-il pas affaibli et fait appel à d’autres artistes pour le soutenir?
Je suis au départ un artiste qui aime partager. Je crois que je suis l’un des rares chanteurs qui acceptent facilement des featurings. Si vous remarquez, vous allez voir que j’ai eu à chanter avec WendoKolosoy qui est le père de la rumba RD-congolaise. J’ai également chanté avec Bébé Tshianda qui est le tout dernier. C’est comme ça que l’artiste pourra se dire qu’il avance. Je ne me dis pas que je suis le meilleur, mais je suis meilleur parmi les meilleurs. Si j’ai fait appel à Nyoka Longo, c’est parce qu’il est un ami, un frère avec qui j’ai eu à partager des longs moments… Puis, Barbara Kanam, c’est une fille qui est entrain de monter, je me dis autant faire un feat avec elle. Et en fin, JB Mpiana n’a fait que me rendre l’ascenseur parce qu’il y a quelques années, je l’ai accompagné dans l’une de ses chansons. Pour moi, c’est dans ce sens que nous, artistes RD-congolais, pouvons collaborer et faire avancer la rumba à travers la RD-Congo, à travers le continent africain et à travers le monde.
Quels étaient les critères pour inviter ces différents artistes?
C’est un choix du cœur. La seule personne que j’ai regretté n’avoir pas appelé c’est Evoloko Abraham. Mais je crois que ce n’est pas perdu. Que Dieu nous prête vie, je crois que nous pouvons collaborer même dans des prochaines occasions. Sinon, c’était un choix du cœur qui était partagé par l’ensemble de l’équipe qui m’a accompagné dans la réalisation de cet album.
Pour vous, quel peut-être le rôle des featurings dans la vie d’un artiste?
En fait, tout le monde ne peut pas être meilleur. En mon sens, c’est ça qui fait que chacun de nous essaie de changer le fusil d’épaule parce qu’on a apprend tous les jours. Je ne peux pas me définir comme le meilleur dans la carrière musicale. J’ai déjà 44 ans de carrière. C’est énorme!
Vous avez plusieurs années dans votre carrière. Et pourquoi vous ne les fêtez pas comme vos collègues le font?
On ne peut pas faire pareil tous. Moi, j’ai attendu 44 ans pour épouser ma femme, pour l’amener à l’église.
Pourquoi alors?
Il n’y a aucune raison. Juste qu’on ne peut pas être tous pareils. Moi, je suis ce que je suis et je me conduis selon ma vision de la vie. La seule raison c’est l’amour.
Alors quel est votre programme pour l’avenir?
Je disais tantôt que je veux aller en Europe pour mener ma promotion sur le plan international. Je prends l’avion entre le 22 et le 23 de ce mois pour Paris, en France où tout va être déclenché.
N’avez-vous pas peur des «combattants»?
Non. J’ai fait la plus grande partie de l’enregistrement de mon album «Maître d’école» en France, plus précisément à Paris. Je n’y vais pas pour les combattants. Chaque chose a un début et une fin. Nous ne sommes pas des frères-ennemis. Il y a eu ce qu’il y a eu, là je crois qu’on est à la fin de cet épisode des combattants.
Propos recueillis par René KANZUKU

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