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Christophe Lutundula: «L’arrêt de la CIJ procède plutôt de la symbolique que de la vraie réparation»

Il a fallu attendre un mois pour que la RD-Congo puisse se prononcer publiquement sur l’arrêt de la Cour internationale de justice dans le différend qui l’opposait à l’Ouganda. Le vendredi 11 mars 2022 dernier, en sa qualité de membre du Panel consacré à la Justice, réformes et renforcement des institutions, Christophe Lutundula Apala Pen’Apala, vice-premier ministre RD-congolais en charge des Affaires étrangères, s’est exprimé sur l’arrêt de la CIJ, rendu le 09 février dernier, sur la question des réparations en l’affaire des activités armées sur le territoire de la RD-Congo par l’Ouganda.

Par cet arrêt, la Cour fixait les montants de l’indemnisation due par l’Ouganda à la RD-Congo, estimés à un total de USD 325 000 000. Pour Lutundula séjournant en Turquie, depuis mercredi dernier et représentant la RD-Congo au deuxième Forum diplomatique d’Antalya, cette décision de la CIJ s’éloigne de la justice.

Pour la petite histoire, le 23 juin 1999, la RD-Congo avait déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre l’Ouganda, au sujet d’un différend relatif à «des actes d’agression armée perpétrés par l’Ouganda sur le territoire de la République démocratique du Congo en violation flagrante de la Charte des Nations unies et de la Charte de l’Organisation de l’unité africaine».

Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 19 décembre 2005 sur le fond de l’affaire, la CIJ a conclu que l’Ouganda avait violé certaines des obligations lui incombant et qu’il avait l’obligation, envers la RD-Congo, de réparer le préjudice causé. La RD-Congo avait demandé à être indemnisée de dommages aux personnes, de dommages aux biens, de dommages aux ressources naturelles et d’un dommage macroéconomique. Après avoir examiné cette requête de la RD-Congo, la CIJ a réparti la somme globale des indemnisations de manière à exiger de l’Ouganda de verser USD 225 000 000 pour les dommages causés aux personnes, USD 40 000 000 pour les dommages causés aux biens et USD 60 000 000 pour les dommages afférents aux ressources naturelles.

La Cour indique que la somme allouée devra être intégralement acquittée par versements annuels de USD 65 000 000, dus le 1er septembre de chaque année, entre 2022 et 2026. Elle décide que, en cas de retard, des intérêts moratoires, au taux annuel de 6%, courront sur toute somme due et non acquittée, à compter du jour suivant celui où celle-ci aurait dû être réglée, convaincue que les indemnités accordées et les modalités de leur versement sont compatibles avec la capacité de paiement de l’Ouganda.

La Cour estime que la réparation accordée à la RD-Congo à raison des dommages aux personnes et aux biens reflète le préjudice subi, individuellement et collectivement, du fait du manquement de l’Ouganda à ses obligations internationales. Mais, la RD-Congo considère que cette somme est modique et ne correspond pas au préjudice subi.  Sans aller par quatre chemins, Christophe Lutundula relève que «la justice signifie d’abord le respect des droits de l’homme, facteur de paix entre les Etats, pilier de la démocratie» indiquant que cet arrêt de la CIJ «procède plutôt de la symbolique que de la vraie réparation. C’est pour cela d’ailleurs que nous n’avons pas manifesté un quelconque enthousiasme. Nous avons tout simplement pris cela avec cette philosophie».

Puis: «L’établissement de la responsabilité d’un Etat vis-à-vis d’un autre est le plus important». Selon le chef de la diplomatie RD-congolaise, «c’est un petit chemin mais c’est tout de même un chemin». Aux yeux de Lutundula, il y a un élément essentiel à retenir, à savoir: la reconnaissance de la responsabilité de l’Ouganda sur les préjudices subis par les populations RD-congolaises de Kisangani en particulier, et de l’ensemble du peuple RD-congolais, au regard des actes criminels qui ont été commis. «Parler justice au sens de dire la règle de droit de façon à rétablir la victime dans ses droits, je crois que, par rapport à ça, on est loin de la justice», a déclaré Lutundula devant les membres de son Panel.

Ont aussi pris part à ce Panel notamment le ministre des Affaires étrangères italien, Luigi Di Maio, le ministre des Affaires étrangères finlandais, Peeka Haavisto, la ministre des Affaires étrangères libyenne, Najla Mangoush, et l’ancien premier ministre d’Espagne, Jose Luis Rodriguez Zapatero. Les participants ont abordé aux côtés de Christophe Lutundula des questions liées au fonctionnement efficace des gouvernements, considérant qu’il repose sur leur vigilance et leur volonté de favoriser la justice, les réformes et le renforcement des institutions.

Octave MUKENDI

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