La contrebande d’animaux sauvages est devenue l’activité criminelle la plus lucrative après la drogue, la fausse monnaie et la traite d’êtres humains. Toutes espèces confondues, elle rapporterait chaque année plus de 14 milliards de dollars. L’ivoire brut peut atteindre 2.000 dollars le kilo au marché noir en Asie, son principal débouché
Agissant au nom de la sécurité internationale, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies s’engage à mener la guerre contre les braconniers et trafiquants d’ivoire qui financent des groupes armés en Afrique centrale. L’initiative émane de deux résolutions adoptées la semaine dernière, l’une sur la République centrafricaine -RCA-, l’autre sur la RD-Congo, soulignant que le braconnage et le trafic d’espèces sauvages attisent les conflits en Afrique centrale et profitent au crime organisé.
Les organisations de défense des espèces menacées n’ont pas tardé à manifester leur joie et soutien à cette initiative prise par l’ONU. Pour sa part, le Conseil de sécurité, garant de la paix et de la sécurité internationale, promet des sanctions qui se traduiront au gel des avoirs financiers et interdiction de voyager à l’endroit des individus impliqués dans ces trafics.
A en croire le rapport de l’ONU, cette action a pour cible en premier lieu les nombreux groupes rebelles actifs dans l’Est de la RD-Congo. L’ONU soupçonne aussi l’Armée de résistance du seigneur -LRA- de Joseph Kony, une guérilla ougandaise particulièrement sanguinaire, de se financer par la contrebande d’ivoire.
D’autres experts bien informés évoquent en outre l’implication des shebab somaliens ou des Janjawids soudanais dans le trafic d’animaux sauvages.
Dans son interview accordée à l’Agence France presse -AFP-, Wendy Elliott, directrice du programme des espèces au Fonds mondial pour la nature -WWF-, a souligné que c’est la première fois que les braconniers et les trafiquants tombent sous le coup de sanctions de l’ONU, quand les revenus de leurs activités sont utilisés pour financer un conflit. Et d’ajouter que cela devrait avoir un effet dissuasif.
Par ailleurs, Wendy Elliott a reconnu qu’il n’existe pas de remède miracle. Mais il y a encore un an, poursuit-elle, le trafic d’espèces sauvages était considéré comme un problème environnemental, pas criminel. Désormais, espère-t-elle, ce ne sont plus seulement les ministres de l’Environnement qui devront se mobilier, mais ceux de l’Intérieur et des Finances, ainsi que l’Administration des douanes.
Quant à la procédure relative à la lutte contre ce phénomène, la directrice de WWF a souligné qu’il faut donc agir d’abord sur l’offre, là où l’ivoire est prélevé notamment au Gabon, Kenya, Zambie, RD-Congo, RCA, Ouganda, etc., ensuite sur les gros consommateurs que sont la Chine et la Thaïlande, et sur les pays de transit qui sont le Kenya, la Tanzanie, la Malaisie et le Vietnam.
Des voix se sont aussi levées face aux menaces contre ces animaux. Le cas d’un diplomate du Conseil de sécurité qui a indiqué qu’il s’agit d’un dossier qui prend peu à peu de l’importance. Celui-ci rappelle que deux réunions internationales lui ont été consacrées en décembre dernier, à Gaborone au Botswana, puis à Paris, et qu’à l’ONU, des pays comme l’Allemagne et le Gabon travaillent ensemble régulièrement sur ce sujet. D’ailleurs, a-t-il renchéri, le Premier ministre britannique David Cameron a convoqué un sommet sur le trafic d’espèces menacées dans le monde. Un sommet qui se tiendra du 12 au 13 février 2014 à Londres. Et a ce sujet, la directrice de WWF, Wendy Elliott, en attend une implication politique au plus haut niveau de la part des pays concernés.
Activité criminelle lucrative
La contrebande d’animaux sauvages est devenue l’activité criminelle la plus lucrative après la drogue, la fausse monnaie et la traite d’êtres humains. Toutes espèces confondues, elle rapporterait chaque année plus de 14 milliards de dollars. L’ivoire brut peut atteindre 2.000 dollars le kilo au marché noir en Asie, son principal débouché.
Depuis 2009, le braconnage a pris une ampleur quasi-industrielle avec des saisies d’ivoire de 500 kilos et plus, menaçant d’extinction des éléphants ou rhinocéros en dépit des efforts de contrôle mené par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées-CITES. Le rapport de l’ONU fait état de soixante éléphants abattus chaque jour en Afrique. Il n’en reste que 500.000, la moitié moins qu’en 1980.
Selon le même rapport, en février 2012, des trafiquants venus du Soudan du Sud ont massacré plus de 300 pachydermes dans le parc national de Bouba N’Djidda dans le nord du Cameroun. En mai 2013, révèle le rapport de WWF, profitant du chaos ambiant en Centrafrique, des braconniers armés de kalachnikovs en ont tué au moins 26, dans le village des éléphants, un site classé au patrimoine mondial de l’humanité situé à Dzanga Bai au sud-ouest de la RCA. L’Union internationale pour la conservation de la nature –UICN- estime ainsi qu’à ce rythme, l’Afrique perdra 20% de ses éléphants dans les dix années à venir.
Olitho KAHUNGU
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