Les magistrats de la Cour suprême de justice -CSJ- viennent de faire grand coup de filet. Après un procès équitable, la Cour a condamné un groupe d’individus pour fraude minière. A la suite de ce jugement, la coquette somme d’USD 34 millions devra être mise à la disposition de la Direction général des douanes et accises -DGDA. Grâce à la dextérité des hauts magistrats de la CSJ, le gouvernement, par la DGDA, va sans nul doute renflouer ses comptes pour le bénéfice du pays. Voilà qui fait mentir une certaine opinion qui laisse entendre que la justice RD-congolaise ne fait pas son travail.
Il ressort des éléments du dossier que le 9 janvier 2016, la Direction générale des douanes et accises -DGDA- a, conformément à l’article 358 du code des douanes, procédé à la saisie de 22 camions chargés des minerais bruts de cobalt qui se trouvaient dans l’enceinte du parking exportation du Katanga border post à Kasumbalesa et qui n’étaient accompagnés d’aucun document d’exportation dûment établi par les services de la douane, de division des mines et du commerce extérieur. Par le jugement RP du 6 février 2016, le Tribunal de Lubumbashi, après avoir ordonné la jonction de ces deux causes, a dit non établie l’infraction d’association des malfaiteurs mise à charge de tous les prévenus et celles de contrebande, de faux en écritures, de transport illicite des minerais et de corruption à charge des prévenus.
Ledit Tribunal les a condamnés à 5 ans de servitude pénale principale et une amende de CDF 100.000. Concernant la contrebande, le Tribunal charge Ismaël Al Farran et d’autres prévenus et le condamne à 3 ans de servitude pénale principale et une amende de deux fois la valeur marchande des produits miniers. Aussi, il a ordonné la confiscation, pour le compte du trésor, des produits miniers ainsi que des véhicules ayant servi à leur transport. Contre le jugement, les personnes condamnées furent appel ainsi que la DGDA et le Centre d’expertise, d’évaluation et de certification des substances minérales précieuses, semi-précieuses -CEEC. Cependant, la Cour rendit son arrêt sans tenir compte de la nécessité de la citation à prévenu tel que l’exige l’article 104 de l’Ordonnance-loi sur la répression des infractions flagrantes. Les prévenus formèrent des pourvois sous RP. 4797/4814/4816/4837/4838 contre l’arrêt rendu sous RPA 6969 du 20 février 2016 de la Cour d’Appel de Lubumbashi pour violation des droits de la défense. Examinant lesdits pourvois, la Cour cassa l’arrêt attaqué et renvoya la cause devant ses sections réunies, conformément à l’article 11 de l’Ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions flagrantes. Ce qui amena la Cour, au nom de droit de la défense, à casser l’arrêt attaqué et de s’auto-renvoyer la cause comme juridiction d’appel. Siégeant comme juridiction de fond au second degré, la CSJ a retenu que la responsabilité personnelle du prévenu Ismaël Al Farran était donc engagée, dès lors que l’exportation des minerais saisis entre dans l’exécution du contrat invoqué. Il s’est donc avéré, pour la Cour, que cette exploitation s’est faite à l’aide des documents établis en dehors des services de la douane et en violation de la législation douanière. Donc, cette contrebande constatée grâce à la vigilance des agents du CEEC, avec les concours des services de renseignements, est établie en fait comme en droit «certainement conformément à l’article 393 du Code des douanes qui définit la contrebande comme des importations et exportations en dehors des bureaux de douanes ainsi que toute violation des dispositions de la législation douanière relative à la détention et au transport des marchandises à l’intérieur du territoire douanier». Aussi, la production des documents établis postérieurement à la saisie des minerais du 9 janvier 2016 est et demeure la preuve de cette contrebande.
Et, la Cour a tranché…
La Cour suprême de justice a retenu que tous les documents établis après la saisie des minerais et des véhicules l’ont été frauduleusement au nom de la société Dragon Mining pour couvrir l’infraction. Quant aux prévenus Nsenga Ilunga et Kasankata Mulumba, la Cour a également retenu la même infraction de contrebande. S’agissant de Ilunga Kabila Mbuyu et Nyundo wa Baluba Patrick, la Cour les a acquittés pour insuffisance des charges. Recevant les appels de la DGDA et du CEEC, la Cour a dit le premier fondé et a revu les condamnations en sa faveur et a jugé non fondé l’appel du CEEC, en considérant que la somme d’USD 1.000.000 lui allouée par le premier juge répondait aux nécessités d’une réparation équitable. En définitive, la CSJ, déclarant établie l’infraction de contrebande à charge d’Ismaël Al Farran, l’a condamné à 18 mois de servitude pénale principale. Pour la même infraction, elle a condamné Nsenga Ilunga et Kasankata Délicat à 12 mois de servitude pénale principale. Ayant ordonné la disjonction des poursuites vis-à-vis des autres prévenus, la Cour a, en faveur de la DGDA, prononcé conformément aux dispositions de l’article 363 du Code des douanes plus haut cité, la confiscation des produits miniers marchands ainsi que des moyens de transport ayant servi à la contrebande. La Cour a, en outre, condamné les trois prévenus solidairement à la peine d’amende de deux fois la valeur marchande des produits miniers saisis, soit USD 17.000.000 deux fois donc, USD 34.000.000. Elle a condamné solidairement les trois prévenus au paiement d’USD 1.700.000 au titre de droits et taxes éludés à l’exportation, soit 10% de droit commun de la valeur marchande saisie au profit de la DGDA. La Cour suprême de justice condamne également les trois prévenus au paiement des frais d’instance en raison de 1/5 chacun, et les 2/5 en charge du Trésor public. Quant à l’association des malfaiteurs, la Cour a confirmé l’œuvre du premier juge en ce qu’il l’avait dit non établie. Il a fallu la sagesse de Salomon pour mettre fin à ce feuilleton.
Guylain LUZAMBA
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