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Que pensent les électeurs potentiels en RD-Congo concernant le processus électoral en cours ? (Par Roger-Claude Liwanga en collaboration avec le Programme de Science politique à Albany State University)

Résumé :

Les électeurs en République Démocratique du Congo (RDC) doivent être convoqués en octobre 2023 pour participer aux élections présidentielles et législatives avant fin décembre 2023, selon la Constitution du pays. Mais voilà, à 15 mois de ces échéances, le processus électoral enregistre un retard considérable. L’enrôlement des électeurs, qui était programmé pour une durée de 20 mois et censé débuter en octobre 2021 d’après la Feuille de Route de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de février 2022, n’a pas encore commencé. D’autres contraintes énumérées dans la Feuille de Route de la CENI, qui sont à la fois d’ordre technique, politique, législatif, financier, sécuritaire, sanitaire et logistique sont presque irrésolues pour l’instant. Dans la classe politique congolaise, une méfiance s’installe jour après jour parmi les différents acteurs majeurs du processus électoral. Du côté des partenaires extérieurs de la RDC, certains souhaiteraient que les scrutins soient assurément tenus en 2023 même s’ils ne répondaient qu’aux conditions minimales de bonnes élections.

Le présent sondage de recherche est conçu comme une enquête rapide pour déterminer la position d’électeurs potentiels en RDC à l’égard du processus pré-électorale. Au total 504 répondants (dont 26% de femmes) ont participé à ce sondage, ce qui représente approximativement 1 sur 94.246 électeurs potentiels pour les élections de 2023. L’analyse des résultats du sondage révèle ce qui suit :

  • Seuls 20% d’électeurs potentiels en RDC sont soit très satisfaits ou satisfaits du processus électoral actuel. 51 % d’électeurs potentiels sont soit très insatisfaits ou insatisfaits, et 29% sont neutres (ni satisfaits, ni insatisfaits).
  • Malgré l’insatisfaction au processus électoral de la part de la majorité des répondants, 47 % d’électeurs potentiels sont soit tout à fait d’accord ou d’accord que les élections soient absolument tenues en 2023 (même si ces scrutins ne répondraient qu’à la qualité minimale exigée pour les bonnes élections). 41 % sont soit tout à fait en désaccord ou en désaccord, et 12 % sont neutres.
  • En dépit de l’aspiration de la majorité de répondants d’avoir les élections en 2023, 51 % d’électeurs potentiels sont soit très incertains ou incertains que la CENI achèvera l’enrôlement de tous les électeurs avant octobre 2023. 28% sont neutres et 21 % sont soit très certains ou certains.
  • Environ 54 % d’électeurs potentiels sont soit très incertains ou incertains qu’il y aura les élections en 2023. Seuls 29% sont très certains ou certains sur la tenue des scrutins en 2023 et les 17% sont neutres.
  • En cas d’impossibilité d’organiser les élections en 2023, 81% d’électeurs potentiels souhaitent que la CENI informe officiellement la population d’ici fin 2022 sur le report des scrutins au lieu d’attendre jusqu’ à la dernière minute pour le faire.
  • En cas de report d’élections, 29% d’électeurs potentiels préfèrent un report de 12 mois, 28 % souhaitent un report de 6 mois, 25% veulent un report en deçà d’un mois, et 11% se penchent pour un report de 24 mois.
  • En raison des défis dans l’organisation des élections, 74% des électeurs potentiels sont soit tout à fait d’accord ou d’accord que la classe politique entame dès maintenant, de bonne foi, des discussions inclusives sur le processus électoral.

I. Contexte

Les électeurs en RDC doivent être convoqués en octobre 2023 pour participer aux élections présidentielles et législatives avant fin décembre 2023, car le mandat du Président Tshisekedi expirera en janvier 2024, selon la Constitution du pays. Mais voilà, à 15 mois de ces échéances, le calendrier électoral est jusque-là non-publié et le processus électoral lui-même enregistre un retard considérable. Par exemple, l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs, qui était programmée pour une durée de 20 mois et censée débuter en octobre 2021 d’après la Feuille de Route de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de février 2022, n’a pas encore commencé.

D’autres contraintes énumérées dans la Feuille de Route de la CENI (telles que l’insuffisance de financement pour les opérations électorales, l’absence de la loi sur la répartition des sièges, les défis sécuritaires à l’Est du pays, ainsi que les difficultés sanitaires et logistiques) ne sont presque pas encore résolues pour l’instant. Dans la classe politique congolaise, une méfiance s’installe jour après jour parmi les différents acteurs majeurs du processus électoral. Du côté des partenaires extérieurs de la RDC, certains souhaiteraient que les scrutins soient assurément tenus en 2023 même s’ils ne répondaient qu’aux conditions très minimales de bonnes élections. 

Dans ce contexte, le présent sondage de recherche est conçu comme une enquête rapide pour déterminer la position d’électeurs potentiels en RDC à l’égard du processus pré-électorale. Les résultats de ce sondage de recherche pourraient également permettre aux décideurs et/ou aux acteurs de la question électorale (notamment, la CENI, le gouvernement, la classe politique, la société civile, ainsi que les partenaires régionaux et internationaux de la RDC) de savoir ou de comprendre ce que les électeurs potentiels pensent et veulent en cette période cruciale

Ce sondage a été implémenté par Dr. Roger-Claude Liwanga, en collaboration avec le Programme de Science Politique à Albany State University, aux Etats Unis.

II. Méthodologie du sondage

Les données du sondage ont été collectées du 22 juillet au 2 août 2022. Le sondage était anonyme et confidentiel. Il était réalisé en ligne via la plateforme surveymonkey.com. Le groupe ciblé était constitué des personnes résidant en RDC et âgées d’au moins 18 ans. Le Graphique 1 sur la tranche d’âge des répondants indique que la majorité des participants était âgée entre 35 et 44 ans.

Les électeurs potentiels avaient reçu le lien du sondage via leur compte WhatsApp, Facebook-Messenger, Twitter ou courriel.  Au total 504 répondants (dont 26% de femmes) ont participé à ce sondage, représentant approximativement 1 sur 94.246 électeurs potentiels pour les élections de 2023.[1] Environ 95 % des répondants avaient un niveau d’étude universitaire alors 5 % avaient le niveau d’étude secondaire.

Outre les questions préliminaires (relatives à leur âge, leur sexe et leur niveau d’étude), les électeurs potentiels avaient été invités à répondre à sept questions choix-multiples à savoir :

III. Limites du sondage

Compte tenu de l’étendue géographique de la RDC et de la catégorie du groupe ciblé, l’enquête s’est heurtée à deux limites. La première limite était que les données ont été collectées pendant 12 jours (du 22 juillet au 2 août 2022) en ligne et impliquant une population qui n’a pas un accès facile à la technologie et à la connexion internet stable.

Le deuxième obstacle était lié à la méfiance et au désintérêt des certains électeurs potentiels. En effet, quelques électeurs potentiels hésitaient de participer à l’enquête craignant que les enquêteurs pourraient être affiliés à des groupes politiques en RDC ou redoutant que leurs informations et/ou réponses confidentielles pourraient être subséquemment divulguées à des tiers.

D’autres électeurs potentiels avaient exprimé un manque d’intérêt car, selon eux, leurs opinions ne compteraient pas en somme. Pour surmonter le deuxième obstacle, les enquêteurs ont rassuré les électeurs potentiels que leurs réponses resteront confidentielles et anonymes et qu’aucune information susceptible de les identifier a été collectée. Les enquêteurs ont aussi réitéré leur non-affiliation à des associations politiques en RDC.

Cette méthode a permis aux enquêteurs d’obtenir les informations fiables sur la position d’électeurs potentiels aux élections de 2023 concernant le processus électoral actuel. Cependant, au regard des obstacles susmentionnés, les résultats de ce sondage ne fournissent pas une analyse complète sur la position de tous les électeurs potentiels en RDC. Ceci parce que les conclusions de ce sondage ne basent que sur les opinions exprimées par les électeurs potentiels du 22 juillet au 2 août 2022. Nonobstant ces difficultés, il sied de souligner que nous sommes convaincus que nos résultats sont fiables sur la position d’électeurs potentiels en RDC dans son ensemble.

IV. Résultats du sondage

La Figure 1 indique le degré de satisfaction d’électeurs potentiels concernant le processus électoral. Les participants ont été invités à répondre à la question suivante : « Dans l’ensemble, jusqu’à présent, êtes-vous satisfait ou insatisfait du processus électoral pour les élections de 2023 ? »

Globalement, 51 % d’électeurs potentiels sont soit très insatisfaits ou insatisfaits à l’égard du processus électoral actuel. 29% sont neutres (ni satisfaits, ni insatisfaits) et 20 % sont soit très satisfaits ou satisfaits.

La Figure 2 montre le niveau de certitude sur la capacité de la CENI à achever l’enrôlement des électeurs avant octobre 2023 tandis que la Figure 3 signale le niveau de certitude sur la possibilité d’avoir les élections en 2023

Selon la Figure 2 (ci-dessus) : 51 % d’électeurs potentiels sont soit très incertains ou incertains que la CENI pourra achever l’enrôlement de tous les électeurs avant octobre 2023 (qui est le délai constitutionnel pour la convocation de tous les électeurs).  28% sont neutres et 21 % sont soit très certains ou certains.

Selon la Figure 3 (ci-dessus) : 54 % d’électeurs potentiels sont soit très incertains ou incertains qu’il y aura élections en 2023. Seuls 29% d’électeurs potentiels pensent très certainement ou certainement que la CENI organisera les élections en 2023 alors que 17% d’électeurs potentiels sont neutres.

La Figure 4 exprime la position d’électeurs potentiels sur le fait d’avoir absolument les scrutins en 2023 peu importe la probabilité que ces élections soient de qualité minimale. Les répondants ont été invités à répondre à la question suivante : « Dans l’ensemble, préféreriez-vous que les élections se tiennent absolument en 2023 même si elles pourraient être “bâclées” en raison de l’impréparation et d’autres contraintes liées au processus électoral ? »  47 % d’électeurs potentiels sont soit tout à fait d’accord ou d’accord qu’il ait élections en 2023 même si elles pourraient être “bâclées”. 41 % d’électeurs potentiels sont soit tout à fait en désaccord ou en désaccord, et 12 % sont neutres.

La Figure 5 illustre les réponses d’électeurs potentiels à la question que voici : « (si vous êtes incertain que la CENI pourrait organiser les élections en 2023), voudriez-vous que la CENI puisse informer officiellement les Congolais avant la fin de l’année 2022 de son incapacité à tenir des élections dans les délais constitutionnels plutôt que d’attendre la dernière minute pour le faire ? ».

Dans l’ensemble, 81% d’électeurs potentiels sont soit tout à fait d’accord ou d’accord que la CENI informe officiellement la population avant la fin de l’année 2022 de son incapacité à organiser des élections dans les délais constitutionnels plutôt que d’attendre la dernière minute pour le faire. 10 % d’électeurs potentiels sont soit tout à fait en désaccord ou en désaccord et 9 % sont neutres.

Le Graphique 2 met en exergue les avis des répondants sur la durée du report d’élections (en cas d’impossibilité d’avoir les scrutins en 2023).

Selon le Graphique 2 : en cas de report des élections, 29% d’électeurs potentiels préfèrent un report de 12 mois ; 28 % souhaitent un report de 6 mois ; 25% veulent un report en deçà d’un mois ; et 11% se penchent pour un report de 24 mois.

Enfin, le Graphique 3 montre les réponses d’électeurs potentiels à la question suivante : « en raison des nombreux défis dans l’organisation des élections, serait-il souhaitable que la classe politique entame, de bonne foi et des maintenant, des discussions inclusives sur le processus électoral ? »

Approximativement 74% d’électeurs potentiels sont dans l’ensemble soit tout à fait d’accord ou d’accord que la classe politique entame dès maintenant, de bonne foi, des discussions inclusives sur le processus électoral.

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