Société

La pêche minotière, les experts dénoncent une pratique contraire à l’éthique

Un quart de poissons pêchés dans le monde est transformé en farine. L’ONG Bloom a dénoncé les excès de la pêche minotière. Contrairement à la pêche alimentaire, cette filière a pour objet de transformer les poissons en farine pour nourrir d’autres poissons et animaux.
Pêcher des poissons, les transformer en farine pour nourrir d’autres poissons, mais aussi des porcs et des volailles. Ce cycle qui peut paraître absurde est dénoncé par l’ONG Bloom, dans un rapport intitulé «Le côté obscur de l’aquaculture». «Entre 1950 et 2013, 25% des captures de poissons dans le monde ont été réduites en farine et en huile», a indiqué l’association française dans son rapport, réalisé avec deux universitaires canadiens. Des poissons comestibles, comme les sardines ou les anchois, sont transformés en farine pour nourrir des espèces plus prisées par les consommateurs, comme le saumon, le cabillaud ou la daurade, élevés dans des fermes d’aquaculture, a dénoncé l’ONG Bloom, qui a mené l’enquête dans le monde de la pêche minotière. «90% des espèces ciblées pour être réduites en farines sont comestibles, c’est ça l’aspect le plus scandaleux et problématique de la pêche minotière», a souligné Claire Nouvian, présidente de Bloom. Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom, «craint que ça reparte à la hausse dans les années qui viennent, notamment à cause de l’essor de l’aquaculture en Asie». Selon le rapport, 50% des poissons d’élevage proviennent de Chine. «Les éleveurs se sont rendus compte qu’en mettant du poisson dans la nourriture des poissons d’élevage herbivores, ils avaient meilleur goût et grossissaient plus vite», ajoute le rapport.

Les populations menacées
L’ONG considère que les navires, souvent de véritables bateaux-usines, entrent en concurrence directe avec les pêcheries vivrières locales, notamment en Afrique de l’Ouest, posant une grave menace sur la sécurité alimentaire des populations locales. Il fait en réalité quatre kilos de poisson sauvage pour faire un kilo de poisson d’élevage. Les volumes pêchés sont donc absolument phénoménaux pour alimenter une aquaculture qui fournit désormais près de 50% du poisson consommé dans le monde, soit 9,8 kg par an et par habitant en 2012. Selon Bloom, l’aquaculture est la principale utilisatrice des farines de poisson -environ 57% de la production mondiale-, devant l’élevage de porcs qui représente 22% alors que le secteur avicole 14%, le reste étant utilisé pour l’alimentation d’animaux domestiques ou de visons. L’ONG a déploré que la pêche minotière ait aussi des conséquences dramatiques sur le fonctionnement des écosystèmes. Les petits poissons capturés sont en effet des poissons fourrage dont se nourrissent de nombreux prédateurs, comme les thons, marlins, cabillauds, des oiseaux de mer et des mammifères marins. «En outre, au début on a ciblé les sardines, les anchois, les sprats… Maintenant on cible aussi le poisson sanglier, des poissons lanternes et le krill, une petite crevette de l’Antarctique essentielle dans la chaîne alimentaire», a signalé le rapport.
Contraire au Code de conduite pour une pêche responsable
Selon l’ONG, tout le cycle de la pêche minotière est contraire au Code de conduite pour une pêche responsable établi par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture -FAO. Ce Code a notamment pour objectif de promouvoir la contribution de la pêche à la sécurité alimentaire et à la qualité des aliments tout en donnant la priorité aux besoins nutritionnels des communautés locales. De ce fait, l’ONG recommande d’interdire la certification pêche durable pour la pêche minotière, de s’attaquer à la surcapacité de pêche et de fabriquer des farines protéinées à partir d’insectes plutôt que de poissons.
Christian MUTOMBO MALAMBA

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