Société

Patient Ligodi recommande la recherche permanente de la vérité en résistant aux pressions

Depuis 1993, le monde entier commémore la journée internationale de la liberté de la presse et d’expression le 3 mai. Une occasion pour les professionnels des médias d’évaluer les principes fondamentaux de la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias, tout en rendant hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession.

«Des esprits critiques pour des temps critiques», c’est le thème retenu pour cette année. Pour que cessent toutes les formes de répression à l’encontre des journalistes, plusieurs voix se lèvent à ce sujet. Le secrétaire général des Nations unies -ONU- Antonio Guterres tranche: «une presse libre fait progresser la paix et la justice pour tous». Le ministre de la Communication et médias RD-congolais Lambert Mende appelle, à son tour, à l’avènement d’une presse de qualité. Plusieurs activités se tiennent dans le monde, comme en RD-Congo en marge de cette journée.

Dans la 4ème édition du Prix de la liberté de la presse Lucien Tshimpumpu, l’Union nationale de la presse congolaise -UNPC- et l’Observateur des Médias congolais -OMEC- ont décerné, pour la première fois, ce prix à trois journalistes, travaillant tous dans un média en ligne, Actualite.cd. Il s’agit de Rachel Kitsita, Sosthène Kambidi et Patient Ligodi. Dans une interview accordée à «AfricaNews», le fondateur et directeur de publication d’Actualite.cd, Patient Ligodi révèle que 2 millions d’internautes visitent son média en ligne par mois et renseigne qu’Actualite.cd est la 3ème audience du web RD-congolais. Ce journaliste reporter de nouveaux médias met en exergue l’importance du web-journalisme.

«Personne ne se trimballe avec sa télé ou sa radio, mais de plus en plus, les gens sont sur les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook et Whatsapp. Il faut chercher le public là où il se trouve», note ce doctorant en communication et détenteur d’un master II en management international des médias de l’Université de Lille 1. Pour le co-fondateur du site internet politico.cd, le phénomène coupage avilit le journaliste, détruit le rapport des forces avec les sources d’information et trahit la confiance entre journalistes et le public. Il soutient que ce phénomène discrédite le journalisme. Entrevue.

 

Que ressentez-vous après avoir reçu le prix de la liberté de la presse Lucien Tshimpumpu?

C’est une fierté. Quand je remarque que les trois lauréats travaillent notamment à Actualite.cd. et que c’est la toute première fois que ce prix soit attribué aux web-journalistes, je me dis que c’est aussi une reconnaissance des médias en ligne comme des acteurs majeurs du paysage médiatique RD-congolais.

 

Peut-on dire que la liberté de la presse est une réalité en RD-Congo?

Je pense qu’il faut relativiser. Il y a certes plusieurs médias en RD-Congo. Cependant, il existe une différence entre diversité et pluralité des médias. Premièrement, le contenu des centaines de médias existants est-il diversifié ? Deuxièmement, quand je vois comment des journalistes sont brutalisés dans l’exercice de leur profession, je relativise mes réponses.

 

Les coupures intempestives du signal des médias qui émettent un point de vue divergent des autorités du pays ne constituent-elles pas un frein à la liberté de la presse obtenue de haute lutte au point de marginaliser le rôle du CSAC?

Bien évidemment, la démocratie est portée par deux mains: l’une écrit -liberté de la presse- et l’autre vote. Cela constitue un frein à la démocratie.

 

Généralement, les entreprises de presse semblent connaître des difficultés économiques. Le phénomène coupage est universel. Est-ce pour autant que les journalistes doivent hypothéquer leur liberté de pensée ou d’expression?

Le travail journalistique nous exige des sacrifices. Le coupage avilit le journaliste, détruit le rapport des forces avec les sources d’information. Le coupage trahit la confiance qui devrait exister entre journalistes et public. Cette pratique discrédite le journalisme. Il faut réinventer le contrat historique sur la place sociologique du journalisme dans notre démocratie. La viabilité économique des médias devrait être l’un des principaux objectifs des initiatives de développement des médias.

 

Une bonne frange de la société vilipende la presse RD-congolaise de se cramponner aux activités protocolaires au lieu d’informations fouillées dans tous les domaines. Qu’en dites-vous?

C’est un problème qui n’est pas aussi simple que cela peut apparaitre. Il se pose en termes de compréhension du vrai rôle des médias dans notre société. Les journalistes ne sont pas payés.

 

Il se pose un sérieux problème d’éthique et de déontologie dans la démarche de beaucoup de confrères. Quelle est votre approche pour y remédier?

Tenter de bien faire mon travail et accompagner mon équipe à bien accomplir le sien. C’est cela le défi.

 

A l’approche de grandes échéances électorales, vers quels axes doivent être déployés des efforts supplémentaires dans la profession?

La compréhension de notre rôle dans la construction de la démocratie. L’orientation de notre travail sur les vrais chantiers du développement et de la démocratie. Ici, il faut ressortir les demandes de la population, amener le débat sur la place publique, non seulement sur les individus mais sur de vrais sujets de développement.

 

Le web est en train de s’incruster dans les mœurs des RD-congolais. Quel est votre public-cible au regard de la faiblesse du pouvoir d’achat, voire quasi nul de la majorité des RD-congolais?

Aujourd’hui, Internet fait partie du quotidien de la population urbaine en RD-Congo. Le boom du mobile est une chance pour le journalisme. Personne ne se trimballe avec sa télé ou sa radio, mais de plus en plus les gens sont sur les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook et Whatsapp. Il faut chercher le public là où il se trouve et le public. Aujourd’hui, Actualité.cd, c’est près de 2 millions de visiteurs par mois. Ce n’est pas rien. C’est la 3ème audience du web RD-congolais.

 

Apparemment, la presse en ligne échappe à la censure. Existe-t-il des mesures réglementaires pour ces nouveaux médias? Lesquelles par exemple?

Il y a plusieurs mesures à prendre. Un web-journaliste est d’abord un journaliste. Tout le barème des sanctions est applicable. Cependant, les instances de régulation et d’autorégulation doivent se mettre à jour et s’outiller.

 

Comment entrevoyez-vous l’avenir du web-journalisme par rapport aux médias traditionnels?

Il faut par exemple oublier  l’idée que le papier va constituer encore longtemps l’essentiel de l’activité, que les formats de narration traditionnels de la presse écrite soient les seuls qui vaillent, que la structure des organisations actuelles et du recrutement puisse subsister. Il convient d’acquérir les nouvelles façons de raconter les histoires sur le numérique avec de nouveaux formats. L’esprit d’entreprenariat et l’optimisme s’imposent ainsi que la croyance en ce que l’on fait. Il en va de même de l’acquisition des compétences technologiques -ingénieurs/techniciens- et la formation des journalistes aux nouvelles pratiques. L’évaluation de nos actions ainsi que la parfaite connaissance des audiences constituent un must. Nous sommes tous appelés à conserver la capacité à être les témoins de notre temps, à enquêter sur le terrain, à toujours cultiver l’art de l’écriture, l’art de l’édition et surtout toujours rechercher la manifestation de la vérité en résistant aux pressions.

Propos recueillis par

Schilo TSHITENGA

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