Au péril de sa vie, Rodrigue Katembo, ce ranger du parc RD-congolais de Virunga a mené une enquête clandestine pour documenter et diffuser des informations sur les tentatives de forage pétrolier, dans le parc national des Virunga, par l’entreprise britannique, SOCO. Son enquête avait provoqué un tollé général et a forcé l’entreprise britannique à se retirer du projet. Son courage lui a valu le Prix Goldman Environmental Prize 2017.
Le RD-Congolais Rodrigue Mugaruka Katembo vient de remporter, ce 24 avril à Washington, le Prix Goldman Environmental Prize pour l’édition 2017. Ce RD-congolais est récompensé pour ses efforts déployés dans la lutte contre les tentatives de forage pétrolier de SOCO, entreprise britannique dans le parc national de Virunga. Au péril de sa vie, Rodrigue Katembo a mené une enquête clandestine pour documenter et diffuser des informations sur la corruption et les pots-de-vin caractéristiques autour des tentatives de forage pétrolier dans le Parc national des Virunga.
En effet, Global Witness, ONG spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles avait relevé que les hauts responsables politiques et militaires RD-congolais avaient reçu des pots-de-vin de la part de SOCO pour intimider voire l’assassiner les opposants au projet de l’entreprise britannique d’exploiter le pétrole dans ce vieux parc national d’Afrique. L’enquête de Rodrigue Mugaruka illustre ces faits. Les images réalisées par ce RD-Congolais, pendant son enquête clandestine, ont figuré en bonne place dans le documentaire Virunga qui a été présenté pour la première fois en avril 2014 à l’occasion du festival Tribeca Film Festival et a attiré un public international immense à travers Netflix.
De grands médias spécialisés dans le journalisme d’investigation ont repris l’histoire et, en juillet 2015, devant la révolte croissante du public face à la conduite de SOCO, l’Église d’Angleterre a annoncé qu’elle retirait sa participation de 1,8 millions de dollars dans l’entreprise. Quelques mois plus tard, en novembre 2015, SOCO avait annoncé l’abandon de son permis pétrolier dans le Bloc 5. «C’est un grand plaisir et une réussite, pour moi et pour tout le peuple RD-congolais, d’avoir mené une action salvatrice obligeant à cette entreprise d’abandonner ses velléités d’exploiter le pétrole dans notre parc», s’est réjoui Rodrigue Katembo, l’homme à qui le Parc national de Virunga doit, presque, sa survie.
Légaliste jusqu’au-boutiste
Alors que SOCO annonçait les activités de forage dans le parc national Virunga, Rodrigue Mugaruka Katembo, lui, avait déjà senti le roussi. Il a décidé d’ouvrir, en 2010, une enquête avec Emmanuel De Merode, le directeur du parc. Pour mener cette courageuse opération, Rodrigue Mugaruka Katembo a puisé sa force dans les textes nationaux et internationaux protégeant les parcs nationaux. «Je savais que ce n’était pas normal, parce que ce parc est un patrimoine mondial. Je connais les textes nationaux et internationaux qui le protègent, stipulant qu’on ne peut pas mener des activités contraires à la conservation de la nature dans le parc. Personne n’a le droit d’endommager le riche écosystème de ce sanctuaire», a déclaré Rodrigue Mugaruka Katembo qui, dès lors, s’est donné pour mission d’empêcher toute exploitation du pétrole dans ce parc.
Avec son directeur, Emmanuel De Merode, ils ont convenu de documenter avec soins toute preuve de corruption liées à ce dossier ; ils ont rencontré un metteur en scène qui a aidé Rodrigue Katembo à utiliser des caméras cachées afin d’enregistrer des images des employés et des sous-traitants de SOCO offrant des pots de vin et discutant d’activités illégales.
En 2011, au cours d’une de ses patrouilles matinales habituelles, Rodrigue Mugaruka Katembo est tombé sur quelques véhicules dont les occupants affirmaient avoir l’autorisation légale de venir dans le Parc National des Virunga pour y installer une base d’exploration pétrolière près de la rivière Rutshuru, à Nyamushengero «Qu’ils aient des autorisations venues directement de Kinshasa, pour moi, toute activité contraire à la conservation des parcs était illégale», a précisé Rodrigue Mugaruka Katembo.
Une vie dédiée
Rodrigue Katembo a payé un lourd prix pour son militantisme. En septembre 2013, il a été arrêté et torturé pendant 17 jours. Il a repris son travail dès sa libération. «C’était dur pour ma famille. Je savais que j’allais mourir parce que le dossier était sensible», a-t-il reconnu. A ce jour, Rodrigue Katembo est le gestionnaire du Parc National de l’Upemba, où il poursuit son travail de défense de la vie sauvage contre les actes de braconnage, d’exploitation illicite des minerais et contre l’installation de villages illicites administrés par des milices en plein cœur du Parc. En 2016, il a réussi à chasser plus de 1400 creuseurs artisanaux de coltan et cassitérite, et a contribué à la fermeture de huit carrières minières. Avec ses rangers, il a également assuré le gardiennage des derniers éléphants du Katanga contre leur braconnage, et 68 autres éléphants ont pu retourner dans le Parc depuis avril 2016. Rodrigue Katembo a amené des activités contre la déforestation de la vallée de la rivière Lufira et a renforcé les patrouilles pour protéger les derniers zèbres de la RD-Congo: leurs effectifs sont passés de 54 individus en mai 2015 à 72 aujourd’hui.
Remis tous les ans à des héros de l’environnement issus des six continents habités, le Goldman Prize rend hommage aux personnes luttant pour la protection de l’environnement et leurs communautés. Le prix a été créé en 1989 par Richard N. Goldman et sa femme Rhoda H. Goldman, philanthropes et défenseurs des droits civiques.
Rodrigue Katembo a gagné ce prix devant cinq autres candidats venus de l’Amérique, Australie, de l’Inde, de la Slovénie, du Guatemala.
Christian Emery MUTOMBO MALAMBA

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