Société

Jacqueline Nguya: « peut-être qu’un jour le gouvernement tournera un regard sur nous»

Le sport, c’est toute sa vie. Dans l’équipe nationale de basket-ball «Dames» de l’ex-Zaïre, elle a tout donné sur mains terrains du continent. A cette époque, le sport ne payait pas les athlètes comme c’est le cas de nos jours. Championne d’Afrique en Angola en 1983, Jacqueline Nguya Nakwete, a, pendant longtemps, fait vibrer ses fans, tant elle maniait bien la balle orange dans son rôle de pivot. Sa grande taille lui a permis de marquer beaucoup de points, surtout à l’intérieur de la raquette.
Aujourd’hui, membre de la ligue provinciale de Kinshasa, le virus de la balle aux paniers la maintient encore près des terrains de jeu. Dans une interview accordée à AfricaNews, Jacqueline Nguya Nakwete parle de son passé au terrain de l’YMCA tout comme sur d’autres antres sportives du continent africain. Elle fait partie des premières dames de l’ex-Zaïre qui ont écrit les plus belles pages du basket-ball féminin dans ce pays dont elles ont porté haut l’étendard pendant plusieurs années. Décorée en 1984 par le gouvernement RD-congolais, ex-zaïrois, championne de la Coupe d’Afrique des Nations de basket-ball féminin en 1983 et 1986-, cette dame respectable aujourd’hui âgée de 57 ans, a pris sa retraite en 1993. Elle mène une vie certes en-deçà de la gloire qu’elle a connue. Elle appelle le gouvernement à assister les vieilles gloires. Entretien!

Comment êtes-vous devenue basketteuse et pourquoi avoir choisi cette discipline?

Je suis devenue basketteuse par passion. Mon père me disait que je faisais plus de centimètres que les autres et surtout, du fait que le basket a toujours été considéré comme un sport des personnes de grande taille. Ça m’intéressait beaucoup. J’ai commencé à l’école, ensuite je suis allée dans des clubs.
Le choix d’embrasser cette discipline a-t-il été facilement adopté par vos parents?

Non, ce n’était pas facile avec mon père dont la rigueur et la rectitude morale empêchaient toute incursion en dehors des études. Papa privilégiait plus les études pour tous ses enfants. Moi, j’aimais le sport, notamment le basket-ball. Je partais m’entraîner au basket-ball en cachette. Je profitais du temps libre après l’école. Quand il a su que je pratiquais cette discipline, papa n’a pas du tout apprécié, d’autant plus que ce sont les garçons qui avaient plutôt le monopole dans la pratique sportive. Mécontent, il a fini par lâcher du lest, mais sous conditions. Mon père a pris langue avec les dirigeants de mon club de l’époque pour leur signifier sans ambages: «si ma fille rate ses études, elle va arrêter avec le basket-ball». Et comme mon père était intransigeant sur ce point avec toute sa progéniture, j’ai dû bosser dur pour avoir de bons résultats autant à l’école qu’au basket-ball.
Quels sont les souvenirs que vous gardez du basket-ball?
Les bons souvenirs que je garde du basket-ball, c’est d’abord la première Coupe d’Afrique que nous avons remportée à Luanda, en Angola. C’est le plus beau souvenir que je garde de ma carrière sportive. J’ai aussi d’autres petits souvenirs que je garde jalousement pour moi-même. Ça je ne le dis pas.
Qui dit compétition, dit nombre de trophées gagnées. Combien en avez-vous gagnés, et en finale, combien d’échecs avez-vous enregistrés?

Avec l’équipe nationale de basket-ball du Zaïre, nous avons été couronnées quatre fois en finale et avons raté de rafler la palme des lauriers par trois fois. A l’époque, nous avons fait trembler toute l’Afrique et nos rencontres internationales étaient retransmises en direct à la radio et à la télévision par l’équipe de feu Paul Basunga Nzinga de l’ex-OZRT –RTNC- Je peux citer de mémoire trois médailles d’or obtenues en Coupe d’Afrique des Nations, deux médailles d’or aux Jeux africains et une autre aux Jeux de l’Afrique Centrale.
La plupart de femmes joueuses sont reprochées d’être moins tendres. Partagez-vous cet avis?

A l’époque quand nous avons commencé la pratique du basket-ball, le sport était réservé aux hommes. Il n’y avait pas assez d’engouement pour les filles dans ce domaine. Nous nous sommes jeté dans le bain beaucoup plus par passion. Certes, à notre époque, le sport ne payait les pratiquants comme cela s’observe ces dernières décennies. Quant au comportement des athlètes féminins en dehors du terrain, nous demeurons des femmes à part entière avec nos sensibilités, nos émotions, nos droits et obligations et notre rôle au sein de la société.

Que conseillez-vous aux jeunes filles qui veulent embrasser cette discipline sportive?

Premièrement, elles doivent d’abord savoir que le basket-ball est un sport d’intellectuels. C’est un sport développé aux Etats-Unis. C’est un sport orienté pour des gens intelligents. Le basket-ball, comme tout autre sport, s’appuie d’abord sur le mental, l’intellect. C’est un sport qui exige beaucoup de concentration, de célérité dans la prise des décisions, d’adresse, de précision, de discipline comportementale, etc. D’où l’engouement extraordinaire des étudiants vers la pratique de ce sport.
Vous avez mis fin à votre carrière. Comment vous prenez-vous en charge aujourd’hui?

J’ai fait de bonnes études grâce à l’impulsion et l’encadrement de mon père. Les connaissances acquises à l’école me permettent de me retrouver dans la vie. Je ne peux pas me baser seulement sur ma carrière qui, d’ailleurs, m’a quelque peu déçue quand j’observe ce qui se passe autour de nous. Nous avons réalisé des prouesses, ramené des trophées. Quelquefois, les autorités du pays se sont occupées de nous de façon ponctuelle. Mais nos exploits ont été à une grande hauteur… Suivez mon regard. Il y a un arrière-goût de déception. Nous plaidons toujours et espérons qu’un jour le gouvernement reconnaîtra nos efforts et tournera un regard vers nous qui avons tant apporté à la nation.
Que sollicitez-vous concrètement au gouvernement?
Nous demandons au gouvernement de nous prendre aussi en charge comme il le fait souvent avec nos collègues hommes qui sont mensuellement payés comme les fonctionnaires. Nous faisons partie de l’histoire de ce pays dont nous avons défendu avec fierté les couleurs sur plusieurs continents. La reconnaissance de nos mérites ne peut que nous faire du bien.

Propos recueillis par Frezia KABAMBA

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