C’est depuis le 19 juin 2017 que le Centre de production des programmes et supports de sensibilisation des sourds -CPPS- a lancé à Kinshasa la deuxième phase de la campagne de sensibilisation sur la lutte contre les violences faites aux femmes, aux jeunes filles sourdes et malentendantes dénommée «Biso pe toboyi». Chose curieuse, l’Etat ne s’est jusque-là jamais joint à l’initiative pourtant bénéfique pour les femmes et jeunes filles sourdes autant RD-congolaises que les autres. La première phase avait été financée par l’ambassade canadienne, la deuxième par l’ONG britannique Amplify Change qui représente un fonds dont l’objectif est de permettre aux jeunes, aux femmes et aux hommes d’exercer leurs droits en matière de santé sexuelle et reproduction. Ce qui pousse à se poser des questions. Certains soupçonneraient une discrimination à l’égard des filles et femmes malentendantes, d’autant plus que la RD-Congo est depuis un moment très impliquée dans la lutte contre les violences sexuelles. Les avancées dans ce domaine, particulièrement grâce au travail de Jeannine Mabunda, conseillère principale du Président de la République en la matière, sont reconnues et félicités au pays comme à l’étranger.
«Biso pe toboyi» cible 5000 sourds de deux communes de Lemba et Kalamu. Mais pour réellement atteindre ses objectifs, cette campagne entend sensibiliser également 5000 entendants de ces communes. En effet, souligne-t-on, ce sont le plus souvent les hommes «normaux» qui commettent les actes de violence sexuelle contre les personnes sourdes. Il s’avère donc indispensable que ceux-ci se rendent compte du mal qu’ils commettent. «Généralement, lorsque les entendants nous donnent un peu d’argent ou un cadeau, ils font tout ensuite pour abuser. Mais il faut reconnaitre qu’ils ne sont pas les seuls. Les sourds qui sont âgés font également du trafic d’influence pour profiter sexuellement des jeunes filles sourdes, menaçant parfois de nous frapper si l’on dénonce», témoigne une jeune sourde. L’avantage avec cette campagne est qu’elle permet aux sourds et aux personnes ne souffrant pas de ce handicap de se rendre compte du caractère immoral et délictueux de ces actes, et de les décrier le cas échéant.
Sensibiliser par le théâtre
La campagne «Biso pe toboyi» prévoit dans les prochains jours une série de spectacles retraçant le dur combat des femmes et filles sourdes en RD-Congo face aux violences sexuelles dont elles sont victimes à l’école, en famille, en milieu de travail. La pièce écrite pour la circonstance sera interprétée par la compagnie «Mabin’a maboko» du CPPS. A en croire l’organisation, dix théâtres-forums seront organisés autour de la pièce «Biso pe toboyi» à raison d’une sensibilisation par mois.
A côtés des théâtres-forums, le CPPS envisage la mise en place de cinq clubs de lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes et aux jeunes filles sourdes. Ce seront en fait des cadres d’échanges permanents de la communauté sourde des communes ciblées. L’objectif est d’assurer la durabilité et la pérennité de la campagne. Recrutés parmi les sourds et sourdes, les animateurs de ces clubs diffuseront en permanence des informations sur la prévention des violences sexuelles et la prise en charge des victimes de ces actes.
Le CPPS, une organisation non gouvernementale RD-congolaise créée en 2009, a comme principal objectif de permettre l’accès des sourds et malentendants aux informations relatives aux différents thèmes dont les violences sexuelles. Outre le théâtre, le CPPS forme des artistes professionnels en situation de handicap et des animateurs pour le public sourd.
Hugo Robert MABIALA
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