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Jean-Serge Onyumbe: après le dialogue, la Primature et les élections

La RD-Congo attend voir un nouveau gouvernement dirigé par l’Opposition, organiser les élections suivant le nouveau délai proposé par les résolutions du dialogue jusqu’ici le plus pragmatique. Pour ce faire, le pays aura plus que besoin d’une volonté politique qui certes, est un élément déclencheur mais également des moyens pour faire sa politique
 
Au lendemain du dialogue de la Cité de l’Union Africaine, plusieurs langues se sont déliées soit pour taxer d’inconstitutionnelle, soit pour encourager l’option levée par les dialogueurs en confiant à l’Opposition, la primature. Au cœur de la crise politique due à l’impossibilité d’organiser les élections dans le délai constitutionnel, l’Opposition au dialogue a tenu mordicus à ce qu’elle soit directement impliquée dans les affaires -gage de sécurité- pour la concrétisation du prochain calendrier électoral. Le gouvernement actuel ayant échoué à cette mission, est réputé démissionnaire et doit laisser les rennes à une autre équipe « plus motivée » qui aura la responsabilité d’offrir aux congolais des élections. Du coup, il se pose l’inévitable question du profil du prochain Premier ministre successeur de Matata Ponyo. Cette interrogation défraie encore la chronique plus de 21 jours après la signature du dialogue et, personne ne sait dire. Qui sera le prochain Premier-Ministre?
 
Lorsque des sons d’outre-Mer convergent à ceux d’ici…
 
Dans son extrait du revu de presse intitulé «Au Congo, Le Lait est renversé», Colette Braeckman traite l’UDPS d’Étienne Tshisekedi d’une association qui négociait déjà l’été dernier avec les représentants ou envoyés de la Majorité présidentielle -MP- pour que son fils Félix Tshisekedi devient Premier ministre de Monsieur Kabila. Elle va plus loin jusqu’à désavouer le comportement de Tshisekedi qui, depuis le Maréchal Mobutu, ne fait que fuir les rendez-vous en faisant des volte-face répétés. Elle se demande si cela pourra jouer à l’apaisement… Une corroboration nette aux propos de Bruno Mavungu sur Top Congo FM qui s’en est pris aux proches et à l’actuelle direction de l’UDPS qu’il accuse de vouloir privatiser le parti d’Etienne Tshisekedi. L’ancien Secrétaire général du parti de Tshisekedi a insisté sur le fait que le dialogue était bloqué parce que Felix Tshisekedi n’avait pas obtenu le poste de Premier ministre. Même si Edem Kodjo n’a jamais dévoilé les détails de ce deal, un accord secret aurait été conclu à Paris à l’hôtel Raphaël entre l’UDPS et la délégation de la MP, conduite par Néhémie Mwilanya, le directeur du cabinet du Chef de l’État. C’est ce qui explique les propos du facilitateur à l’ouverture du dialogue lorsqu’il s’est dit étonné que l’UDPS, premier parti à prôner le Dialogue et à le recevoir pendant que les autres partis de l’Opposition le contestaient, soit le premier à le rejeter. Et la théorie du régime spécial soutenue par le Rassemblement où l’on assisterait à une table rase des institutions au 19 décembre prochain, en faveur d’une entrée en fonction d’une nouvelle classe politique dont la mission serait d’organiser les élections, sans Joseph Kabila aux commandes, consolide l’idée selon laquelle la primature -surtout- intéresserait même les absents au dialogue.
 
La Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) a abordé dans le même sens lorsqu’elle établit qu’il y a des points de convergence à prendre en compte, dans la recherche d’une sortie de crise pacifique tant attendue par notre peuple notamment sur le respect absolu de la Constitution et sur l’impossibilité des protagonistes à organiser matériellement, les élections avant la fin de l’année 2016 et, de fait, ils acceptent une période de transition.
 
 
 
Fort de tous ces éléments, la question que d’aucuns ne se poseraient est celle de savoir pourquoi la Primature reviendrait à l’UDPS exclusivement et surtout pourquoi seulement au fils?
 
Le mérite de l’UDPS est son combat à travers l’histoire dont voici les faits marquants: l’UDPS a contribué grandement à l’émergence en 1990 de plusieurs forces politiques et sociales acquises au changement et fonctionnement progressif de la société comme toute société démocratique moderne; la tenue de la Conférence Nationale Souveraine en 1991 qui a fixé les bases d’une Transition voulue démocratique qui aura à la clé, la réussite du Dialogue Inter-congolais de 2003 et le démarrage de la Transition d’après- guerre vers des élections libres et démocratiques. Le contexte actuel oblige tout observateur averti à placer tout parti politique dans un paradigme de circularité à travers lequel sa survie -politique- tiendrait de la conjugaison des actions des autres partis politiques. Autrement dit, de la même manière l’on soutiendrait que le Rassemblement est une plate-forme politique qui influe sur l’opinion publique, de la même également il faudrait accepter qu’un parti à lui-seul, UDPS soit-il, ne se suffirait à lui seul: tout est question donc d’équipollence dans le respect de statut et rôle que fixe l’enjeu de l’heure. C’est ce qui expliquerait les remue-ménages au sein du Rassemblement, actuellement car, certains partis-membres se sentiraient manipuler par d’autres. Avec tout ça, il faudra prendre en compte la fixité sur le fils Tshisekedi qui, suivant des indiscrétions, serait l’homme providentiel à défaut du Pater. D’après toujours ces sources, c’est en connaissance de sa posture qu’il aurait engagé des pourparlers hors-micro avec le pouvoir en place avant le dialogue sous la bénédiction de sa famille biologique. Reste plus qu’à espérer que la RD-Congo ne sombre pas dans un feuilleton à la Corneille basé sur la quête de l’honneur du père rendu par le fils.
 
Et dans tout ça, que devient l’UNC de Vital Kamerhe ?
 
Tout le monde sait qu’en RD-Congo, l’Opposition politique a toujours eu du mal à se choisir son leader  et ça, même les rébellions armées n’ont pas pu doter la RD-Congo d’un chef de file de l’Opposition à même d’incarner les aspirations du peuple. En acceptant de prendre part au dialogue, l’UNC -ainsi que tous les autres partis présents au dialogue- a joué sa carte du pragmatisme en politique: tout le monde était d’avis qu’il fallait un dialogue avec le pouvoir afin d’éviter la crise mais personne ne prenait le courage de l’initier. Par contre, toute la classe politique observait passivement la distanciation des positions qui ne cessait de s’amplifier entre les protagonistes avec comme conséquence, l’improbabilité d’un dialogue. C’est dans ce sens qu’il faut placer la position de Vital Kamerhe lorsqu’il parle d’un élan de décrispation de la scène politique de la part du pouvoir en place: ce qui aurait été à la base de son engagement à prendre part au dialogue. Avait-il raison ou pas? Ne serait peut-être pas la bonne question qui intéresse les congolais aujourd’hui, qui ne demandent pas mieux que des élections. L’histoire retiendra que la participation de l’UNC -tout comme ceux de tout autre opposant- au dialogue a ouvert la voie à des pistes claires de sortie de crise, à défaut du non. C’est sur base de cette leçon politique magistrale que d’aucuns s’accordent à dire que la primature reviendrait à juste titre à l’UNC: tout parti politique digne de ce nom est en perpétuelle quête du pouvoir et une fois gagnée, veille à le conserver le plus longtemps possible. Il est aussi vrai que le jeu d’alliances et des tractations encours puisse surprendre plus d’uns au sein de la classe politique de l’Opposition, Rassemblement y compris. La CENCO en a déjà donné le ton en allant poursuivre les discussions avec les acteurs de cette plate-forme politique.
 
Qu’attendre du prochain Premier-Ministre ?
 
Au point où nous en sommes, la RD-Congo attend voir un nouveau gouvernement dirigé par l’Opposition, organiser les élections suivant le nouveau délai proposé par les résolutions du dialogue jusqu’ici le plus pragmatique.
 
Pour ce faire, la RD-Congo aura plus que besoin d’une volonté politique qui certes, est un élément déclencheur mais également des moyens pour faire sa politique. Le nouveau “Contractualisme” contrat social, s’il se veut être le garant de l’idée d’autolégislation -selon laquelle les destinataires des lois doivent aussi pouvoir se regarder comme leurs auteurs-, doit faire des sociétés civiles, interagissant dans les espaces publics, des interlocuteurs privilégiés en tant qu’elles constituent le socle et la substance de l’émergence des formes modernes de démocratie et de politique délibératives. Il est important de souligner que la crise politique actuelle est surtout une crise fonctionnelle que structure dans la mesure où le fonctionnalisme appréhende les sociétés à partir des institutions assurant leur stabilité et structurant les comportements individuels aux travers de rôles et de statuts. Il serait donc logique que le prochain Premier-Ministre fasse participer les différentes composantes socioculturelles, politiques, économiques à la tâche.
 
Un autre défi majeur est celui lié aux moyens financiers à réunir quant on sait que les caisses de l’Etat sont presque vides et que l’équipe gouvernementale sortante a déposé en octobre dernier au bureau de l’Assemblée nationale, le projet de loi de finance pour l’année 2017. Ce budget est évalué à cinq cent milliards et sept cent millions de Francs Congolais (4,5 milliards de dollars américains). Selon le Premier ministre, ce budget, comparativement à celui de 2016, sera en diminution de 15%. Une diminution que Matata Ponyo justifie par la chute des cours des matières premières. C’est clair, la tâche ardue à remplir par le prochain Premier-Ministre pourrait relever,- si on y réfléchit de près,- d’une mission impossible à comparer aux 12 travaux d’Hercules.
 
Mais l’on sait aussi qu’avec ses 80 millions d’hectares des terres arables, de l’avis de nombreux spécialistes, la RDC a des capacités de couvrir les besoins de près d’un tiers de la population mondiale en produits agricoles -céréales, légumes, légumineuses et fruits- et en produits d’élevage des volailles, des bovins, des caprins, des ovins et des porcins. Ses potentialités halieutiques sont estimées à 700.000 tonnes par an contre de besoins de 425.000 tonnes par an. Avec une réserve d’eau douce estimée à 8.75 millions Km/3 -8750milliards M3-, la RD-Congo dispose d’un potentiel hydroélectrique de 100.000MW, soit 876 milliards KWh. Située au confluent des réseaux de transport transafricains -avions, routes et chemins de fer- qui s’intègrent à ses 16.238 km de voie navigables, 5.033 km de voies ferrées, 270 aéroports dont 5 internationaux et 145.000 km de routes nationales et régionales et des pistes secondaires, le pays peut mettre ses vocations à la disposition des autres pays de la Région, qui faute d’un marché intérieur important et suite à la concurrence très serrée au niveau du trafic international, font faillite malgré le fait qu’ils disposent des compagnies aériennes qui, malgré l’importance et la modernité de leurs flottes.
 
En plus de tout ça, notre pays dispose d’importantes réserves de pétrole brut, de cassitérite, de cuivre, de cobalt, de diamant, de fer, de lithium, de manganèse, de niobium, d’or, de wolframite, de zinc et de produits miniers radioactifs comme le cobalt et l’uranium. Faut-il encore parler du tourisme car la RD-Congo possède de nombreux sites luxuriants dont 9 parcs nationaux et une forêt qui représente 6% des réserves tropicales du monde et 47% du massif forestier tropical de l’Afrique. Bref, l’intégration des stratégies de développement du tourisme pourrait aider considérablement la RD-Congo à rentabiliser, son marché contre paiement des taxes et redevances, de la TVA et de l’impôt sur le bénéfice professionnel « IBP » sur le chiffre d’affaires réalisées.
 
Ces quelques pistes conjuguées me laissent à penser qu’il est possible de réunir les précieux 2 milliards nécessaires pour l’organisation des élections en RDC. Le Chef de l’Etat dans son pouvoir discrétionnaire devrait prendre en compte tous ces paramètres objectifs au moment de la nomination du prochain Premier-Ministre car ce dernier doit au-delà de toute pression politique, avoir l’étoffe.
 
Quant à moi, j’invite les Congolais à prêter main forte à la prochaine équipe gouvernementale quelle que soit son obédience afin de relever ce nouveau challenge qui du reste, est encore réalisable. L’union fait la force, dit-on.
 
Jean-Serge Onyumbe Wedi
 
Analyste politique Indépendant &Expert en communication

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