La nomination de l’opposant Bruno Tshibala Nzenze au poste de Premier ministre n’est pas seulement appuyée ou contestée par les acteurs politiques. Désormais, même la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- qui a joué la médiation aux pourparlers entre les signataires de l’Accord du 18 octobre et le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, s’y mêle. Après avoir ramené les deux camps autour du tapis vert pour baliser le chemin de l’avenir immédiat du pays, les prélats catholiques viennent de jeter un pavé dans la mare.
Face aux enjeux de l’heure, ils n’ont pas utilisé la langue de bois en donnant clairement leur position. Ils estiment, d’abord, que l’Accord de la Saint Sylvestre n’est pas intégralement mis en application. Et ce, dans une déclaration faite vendredi 21 avril 2017 à Kinshasa dans laquelle la CENCO qualifie la nomination de Tshibala d’une «entorse» qui enfreint les termes dudit Accord du 31 décembre 2016. Cette prise de position de l’Eglise catholique continue d’éclabousser toute la classe sociopolitique RD-congolaise au point que certains observateurs se demandent si l’Eglise catholique demeure toujours au milieu du village.
Pendant que les évêques membres de la CENCO font usage de leur liberté d’opinion pour dénoncer les conditions dans lesquelles est intervenue la nomination de Bruno Tshibala, la Communauté islamique du Congo -COMICO-, et certaines confessions religieuses approuvent le choix du président Kabila porté sur le porte-parole officiel du Rassemblement.
Le 24 avril 2017, cette communauté islamique s’est joint à 7 confessions religieuses dans la signature d’un communiqué commun reconnaissant les Accords du 18 octobre 2016 et du 31 décembre 2016. Ces chefs des confessions religieuses ont manifesté leur mécontentement contre tout ce qui freine l’organisation des élections et ont invité tous les acteurs politiques RD-congolais à se joindre au Premier ministre de Kabila.
Exhortation de tous les acteurs sociopolitiques au dépassement de soi
«Les chefs des confessions religieuses exhortent les acteurs politiques et sociaux, toutes tendances confondues, au dépassement de soi et à se mettre autour de Mr Bruno Tshibala Nzenze nommé Premier ministre, chef du gouvernement, par le chef de l’Etat, après plusieurs mois d’atermoiements de la classe politique pour former le gouvernement d’union nationale devant rapidement amener le peuple congolais aux élections», a déclaré ce collectif religieux dans un communiqué conjoint.
Si la déclaration des prélats catholiques a soulevé une véritable tempête dans plusieurs quartiers généraux, cela n’a nullement surpris Willy Mishiki, vice-ministre de l’Energie. «Guerre des religions», cet acteur politique l’avait prédite avant la fin des négociations du Centre interdiocésain. Dimanche 26 mars 2017, le transfuge du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement a indiqué haut et fort que «ce qui se passait au Centre interdiocésain était une distraction».
Il le savait et craignait de voir la RD-Congo plonger dans une «guerre des religions». Propos négligés. Aujourd’hui, la CENCO est taclée par les représentants de l’Eglise du Christ au Congo -ECC, de la Communauté islamique en RD-Congo -COMICO, de l’Eglise kimbanguiste, de l’Armée du salut, des Eglises de réveil, de l’Eglise orthodoxe et de l’Union des églises indépendantes du Congo etc.
Une véritable bombe à retardement
Willy Mishiki a tiré à boulets rouges sur les évêques membres de la CENCO. «Comment pouvez-vous comprendre dans un pays sérieux qu’une ASBL, la CENCO, traine dans la rue toute une nation? Comment expliquez-vous qu’une ASBL soit invitée à une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies? Pourquoi veut-on toujours donner l’impression à la Communauté internationale qu’il n’y a aujourd’hui que l’Eglise catholique qui peut résoudre le problème alors que nous avons des centaines d’autres confessions religieuses ? Ça donne une frustration! Aujourd’hui, au niveau des confessions religieuses, des conflits attendent la CENCO. C’est une bombe à retardement. Lorsque les autres confessions religieuses vont se réveiller demain, on va encore dire que je suis un prophète de malheur, non! Cela est en train d’arriver… Mais pourquoi personne ne se pose la question sur la légitimité de la CENCO par rapport aux discussions de la Cité de l’Union africaine?», s’est écrié Mishiki.
Condamnant fermement les discussions sous l’égide des évêques catholiques, Willy Mishiki a renchéri: «le peuple RD-congolais souhaite aller aux élections en vue de rétablir une nouvelle légitimité». Ses propos commencent à prendre les allures de prophétie et s’accomplissent, disent les uns. «On me surnomme prophète, mais c’est par expérience parce que nous examinons les choses. C’est également par rapport à ce qui se passe à la CENCO», s’est-il exprimé.
A ses dires, la communication de la CENCO était une pure distraction, avant de s’exclamer : «les politiques vont continuer comme ça jusqu’à ce qu’on va se réveiller à la fin de l’année pour constater que rien n’est fait».
Certains observateurs relèvent cependant que la CENCO, dans le cadre de sa mission prophétique, s’est toujours prononcée sur la situation qui prévaut dans le pays et n’en est pas à sa première déclaration du genre. C’est du reste grâce à ses bons offices que les RD-Congolais ont pu passer une fin d’année 2016 apaisée et personne n’y a trouvé à redire. Une autre opinion se demande s’il n’est pas indiqué de consulter le «prophète» Mishiki avant d’engager toute discussion relative à la quête des solutions sur la crise politique RD-Congolaise?
Schilo TSHITENGA
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