Plus 400 000 jeunes arrivent sur le marché du travail en RD-Congo. Madame Ebambi Isabelle Katalayi, quelle analyse faites-vous de l’offre d’emploi pour les jeunes RD-congolais?
Quand on parle de politique d’emploi, il y a deux aspects que l’on ne doit pas oublier. Il s’agit de l’offre et de la demande. Il faut qu’on puisse déterminer le nombre d’emploi disponible dans les entreprises et le nombre de chercheurs d’emploi. Je crois qu’actuellement, la population active en RD-Congo est estimée à environ 50 millions d’individus. Et chaque année, on estime qu’il y a environ 400.000 jeunes qui entrent dans le marché du travail. Ça, c’est quelque chose à appréhender pour mesurer l’ampleur du travail qui attend l’Etat. Il faut aussi regarder le niveau de qualification des chercheurs d’emploi. Et toute politique de l’emploi doit accorder une attention sur ces aspects là. Du côté de la demande, il ne faut pas se voiler la face car quels que soient les efforts qui seront effectués du côté de l’offre, particulièrement, en formation, si l’économie ne prospère pas, cela va se ressentir sur la création d’emplois. La première condition de création d’emplois massifs, c’est d’avoir une forte croissance économique. La formation à elle seule, ne suffira pas pour régler le problème d’emploi que l’on connaît. Il faut parallèlement avoir une croissance économique forte. Pour cela, il faut faire en sorte de créer des entreprises et que les entreprises existantes soient dans une position de pouvoir générer du profit, d’augmenter ses activités et de créer de nouveaux emplois. A mon avis, il faut donc jouer sur ces deux tableaux là pour régler le problème de chômage que l’on connaît aujourd’hui.
Aujourd’hui, comment mesure-t-on le nombre d’emploi ou le taux de chômage RD-Congo?
Le taux de chômage est mesuré de façon standard à l’échelle internationale en suivant les orientations du Bureau international du travail -BIT. Le chômeur, c’est celui qui n’a pas de travail -sans aucunes activités- est disponible pour travailler et qui cherche du travail activement. Alors si l’on adopte une compréhension littérale de cette définition, tous les gens qui sont en activité quel que soit la nature de cette activité, vont être considérés comme employer ou travailleur indépendant. C’est à dire la maman qui vend son pain chaque matin, le jeune qui a sa cabine vente d’unités, la jeune dame qui va à Dubaï acheter des chemises et vient les revendre ici, le vendeur de journaux, l’agriculteur qui travaille deux à trois fois par mois, vont tous être considérés comme des employés et ne seront pas compter parmi les chômeurs. Vous comprendrez maintenant que les derniers chiffres du taux chômage donnés par notre ancien Premier ministre Matata Ponyo sont bien réels quand vous prenez toutes ces considérations en compte.
Les données que vous possédez sont-elles fiables?
Vous savez, beaucoup de professionnels, dans notre domaine, parlent de la tragédie statistique pour l’Afrique en général car à côté des problèmes économiques que nous vivons, la question de la visibilité des données est un problème réel. On n’a pas de données fiables dans beaucoup de secteurs. Et la question de l’emploi ne fait pas exception comme celle du développement du secteur privé. Je donne souvent l’exemple d’autres pays où l’on fait, chaque année, des recensements sur les activités et entreprises qui existent. Ce qui est un élément capital dans les statistiques.
Quel est pour vous la solution pour cela dans le secteur de l’emploi afin d’obtenir des données plus ou moins fiables?
Il faut, à mon avis, aller vers une vraie restructuration de l’Office national de l’amploi l’outiller, donner à l’ONEM la politique de ses moyens -humainement, techniquement et financièrement- cela permettra de centraliser toutes les données qu’il faut sur l’emploi. L’ONEM est l’organe technique du gouvernement en matière d’emploi et doit jouer un rôle capital face à la problématique de l’emploi. Centraliser toutes les données mais aussi faire des réflexions et trouver les pistes de solutions adéquates. Je pense sincèrement que tout cela contribuera à améliorer la visibilité de l’Etat de l’emploi en RD-Congo.
Quels sont les secteurs, aujourd’hui, capables de booster l’emploi en RD-Congo?
Comme je l’ai dit tantôt, on ne peut pas dissocier la question de l’emploi à celle du système productif. Il faut que l’économie produise pour que les entreprises soient incitées à recruter du personnel. Actuellement, je crois qu’il n’est pas exagéré de dire que le secteur des télécoms, du numérique, secteur bancaire, et bientôt celui des assurances, sont et seront de gros secteurs porteurs. La plupart des secteurs qu’on avait connus comme étant les piliers de l’économie, sont dans des difficultés terribles. C’est le cas du secteur minier. Mais aujourd’hui le secteur du bâtiment et l’agriculture sont de potentiels pourvoyeurs d’emplois… C’est ainsi que je conseille aux jeunes que je rencontre au quotidien de bien choisir leur orientation académique. Faire un choix sur les secteurs porteurs d’avenir. Je pense que l’avantage du secteur agricole, c’est qu’il est une niche d’emplois. A tort ou à raison, on estime qu’un grand nombre de la population active s’activent dans ce secteur actuellement et je crois que c’est capitale. Retenons, de ce fait, que l’activité reste indissociablement liée à la création d’emploi. En RD-Congo, il y a des efforts à faire sur la qualité de la main-d’œuvre. Et il faudra orienter les jeunes à avoir des formations qui répondent aux besoins du marché du travail ou qui leurs permettront de se lancer facilement dans l’entreprenariat.
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