A quand l’indemnisation de nombreuses victimes directes et indirectes des crashes d’avion qui se sont produits en cascade en RD-Congo surtout au cours de ces dernières décennies? Que ce soit dans la ville province de Kinshasa ou à l’intérieur du pays, ce sont les mêmes jérémiades récurrentes. L’Etat RD-congolais continue de montrer sa lenteur en cette matière. Et pourtant, ce pays aux dimensions continentales et à vocation aérienne est signataire de nombreux conventions et traités internationaux en matière de transport aérien. Membre à part entière de l’Organisation de l’aviation civile internationale -OACI- et signataire de la Convention mère de Chicago, la RD-Congo qui se trouvait dans un passé pas très éloigné dans le peloton de tête en Afrique subsaharienne, est tombée bas, très bas même. Les professionnels du transport aérien ainsi que les milliers de voyageurs qui empruntent ce mode de déplacement ne cessent de s’arracher les cheveux face au trou noir qui se présente en cas d’accident ou d’incident d’avion aux lourdes conséquences tant en pertes de vies humaines que de dégâts matériels incommensurables. Si les dispositions pertinentes en cette matière sont expressément libellées dans tous les manuels d’aviation en RD-Congo, force est de noter un déni de prise en charge des victimes directes et collatérales par les autorités du pays, les transporteurs ainsi que les autres parties impliquées.
Le crash du Boeing 727 de Hewa Bora Airways vendredi 8 juillet 2011 à l’approche de l’aéroport international de Bangboka à Kisangani s’invite au débat au moment du 6ème anniversaire de ce douloureux événement.
Ce vendredi-là, l’horaire publié par Hewa Bora Airways -HBA- programme le vol ALX952 sur le trajet Kinshasa-Kisangani-Goma. Les conditions météorologiques indiquent de fortes précipitations dans la région de Kisangani, dans le nord-est du pays avec une visibilité limitée et des orages à la clé.
Le Boeing 727 aligné par la compagnie privée de Stavros Papaioannou pour effectuer ce vol, est la propriété de HBA depuis 2007 et reconverti en version commerciale classique après avoir été en service chez Lufthansa en Allemagne. En 2003, le président Gnassigbe Eyadema l’acquiert et l’utilise en version VIP avant que son fils Faure Eyadema en fasse de même. Le dernier exploitant de cet aéronef est un acteur politique nigérian avant que «Muyomba» ne le ramène dans la flotte de Hewa Bora Airways.
De nombreuses insuffisances à plusieurs niveaux de responsabilités
Cet avion immatriculé 9Q-COP transporte 112 passagers et 6 membres d’équipage. Aux commandes se trouve le pilote Paul Mestry. A l’approche de l’aéroport de Kisangani, l’équipage emprunte la piste 13. Suite à la mauvaise visibilité, il remet les gaz et s’éloigne quelque peu pour revenir par la piste 31. Cette tentative s’avère lourde de conséquences.
Dans cette phase d’approche de la piste 31 de Bangboka, suivant le rapport des enquêteurs publié dans @newsaero, l’équipage va mal négocier sa pente de descente. L’avion va percuter brutalement le sol et finir sa course à 300 mètres avant la piste d’atterrissage avant de se briser. Du choc, 75 personnes vont perdre la vie dont le pilote, le copilote et l’ingénieur de vol.
Les enquêtes effectuées à la suite de cet accident vont révéler de nombreuses insuffisances à plusieurs niveaux projetant au grand jour l’état de déliquescence de l’aviation civile en RD-Congo. Ces investigations vont démontrer qu’au moment du crash, l’aéroport dit international de Kisangani ne disposait pas de balises d’approche. La station météo de cet aéroport international n’était pas opérationnelle pendant qu’un seul véhicule anti-incendie était présent sur le lieu. D’où son impuissance à faire face à l’incendie ayant ravagé tout l’avion disloqué ainsi que ses passagers et membres d’équipage et sa cargaison.
Quand HBA et la RVA se rejettent les responsabilités
Les enquêteurs se sont butés à des difficultés majeures, notamment l’écoute de la bande de la tour de contrôle car à cette période-là les communications n’étaient pas enregistrées. Les enquêtes ont également révélé que le commandant de bord ne détenait pas de qualification à jour sur le Boeing 727.
Les deux contrôleurs aériens de service à l’aéroport de Bangboka au moment du crash ont été arrêtés. Dans l’établissement des responsabilités, les dirigeants de Hewa Bora Airways et de la Régie des Voies aériennes -RVA- ont commencé à se renvoyer la balle. Selon le PDG de HBA Stavros Papaioannou, la survenance de l’accident était due aux informations erronées communiquées par les contrôleurs aériens dont l’un était d’ailleurs stagiaire.
La direction de la RVA est aussitôt montée au créneau pour démentir cette information avec la dernière énergie en précisant que les deux agents en service à l’aéroport de Bangboka au moment du crash étaient qualifiés. L’affaire a pris d’autres propensions. Les autorités RD-congolaises dont l’opinion a toujours fustigé le laxisme, ont pris la courageuse décision de suspendre la licence de Hewa Bora Airways. Cette mesure provisoire a été renforcée en suspension définitive par la suite.
Des demi-mesures insuffisantes pour extirper le cancer
A l’époque, ce crash a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Toutes les structures liées à l’exploitation du transport aérien ont été passées au peigne fin pour faire toute la lumière sur les conditions de navigabilité des aéronefs, la formation et les qualifications du personnel navigant et technique, la qualité des équipements aéroportuaires, les qualifications des contrôleurs aériens, celles du personnel d’assistance au sol, les programmes de maintenance des aéronefs, les conditions de livraison des certificats de transporteur aérien aux compagnies aériennes, etc.
Alors qu’on s’attendait à un nettoyage en profondeur de ce secteur sensible, l’on a plutôt assisté à des demi-mesures qui n’ont pas produit les effets escomptés en vue de combattre vigoureusement le cancer qui gangrénait et continue d’étouffer ce secteur.
Au-delà des insuffisances notoires relevées dans le fonctionnement de l’Autorité de l’aviation civile/RD-Congo, l’absence d’indemnisation des victimes des crashes des aéronefs constitue une grosse épine dans la plante des pieds des autorités du pays.
Six années écoulées sans indemnisation des victimes du crash de Kisangani
Pour ne parler que de l’accident du 8 juillet 2011 survenu à l’approche de la piste de l’aéroport de Kisangani, des voix s’élèvent pour dénoncer que les victimes directes et collatérales de ce crash attendent jusqu’à ce jour leur indemnisation. Six années se sont écoulées depuis lors. Cette question transversale concerne plusieurs instances de décision, notamment les ministères des Transports et Voies de Communication, de la Justice, des Droits humains, de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, les Cours et tribunaux, l’Autorité de l’aviation civile, le liquidateur de Hewa Bora Airways, l’assureur national, etc.
Ce dossier du crash de Kisangani et d’autres encore qui moisissent dans les tiroirs, méritent d’être pris à bras le corps par le gouvernement Tshibala. La RD-Congo est dans l’obligation de remplir ses engagements vis-à-vis des prescrits de la Convention de Chicago qui a valeur supérieure par rapport aux lois de la République. L’indemnisation des victimes des crashes d’avion n’est pas une faveur, ni une aumône quémandée par les intéressés pour dépendre des états d’âme des décideurs.
A chaque partie impliquée d’assumer sa part de responsabilité, gouvernement, transporteur, assureur, gestionnaire des aéroports, AAC, cours et tribunaux, etc. Ce sont des droits garantis par les lois nationales et internationales. Au moment où des investisseurs potentiels attendent une éclaircie pour apporter un souffle nouveau dans le secteur de l’aviation civile, des signaux positifs forts s’imposent de la part des autorités du pays. Il y va de l’honneur et de la crédibilité de la RD-Congo.
Tino MABADA
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