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Corneille Ekolele tire la sonnette d’alarme

Depuis quelques temps, des personnes vivants avec handicap ont pris d’assaut le Boulevard du 30 juin, mendiant afin de se trouver de quoi mettre sous la dent. Aveugles, malvoyants, boiteux, ces nécessiteux, souvent accompagnés d’un enfant en âge scolaire, jonchent cette principale de la ville de Kinshasa, faufilant au milieu des voitures pour mendier. Ils s’exposent, par ricochet, à des graves risques d’accident de circulation. Pour Corneille Ekolele, logopède de son état, a, au cours d’un entretien accordé à AfricaNews, tiré la sonnette d’alarme pour la prise en charge de ces personnes vivant handicap contraintes à la mendicité faute des moyens.
Que faire pour éradiquer ce phénomène qui, de plus en plus, prend de l’ampleur?
Premièrement, il faut conscientiser les aveugles surtout. Circuler en plein boulevard bien qu’accompagnés, constitue un grave danger. Ils peuvent se faire percuter par un véhicule. Certes, la vie actuelle est difficile. S’ils veulent mendier, ils peuvent procéder de porte à porte ou cibler des endroits moins dangereux. Leur demander de ne plus mendier sera difficile, car leur vie en dépend. Cependant, avec l’argent perçu pendant un moment, ils peuvent trouver une solution intermédiaire en lançant une quelconque activité commerciale.
Deuxièmement, il faut sensibiliser la police routière. Alors qu’ils sont censés assurer la sécurité des piétons et des véhicules, ils importunent les paisibles vendeurs ambulants, confisquent leurs biens de commerce et les extorquent.
Troisièmement, les autorités doivent prendre des mesures pour mettre fin à cette situation. L’on peut par exemple les contraindre à quitter le boulevard, les arrêter pour les libérer quelques temps après. De cette manière, ils ne feront pas come-back. Bien avant l’application de la mesure à prendre, tout le monde, via les médias, doit être informé.
Pourquoi les chasser alors que, plongés dans la souffrance, ils mendient pour leur survie?
Il est vrai qu’ils souffrent et qu’ils ne sont pas pris en charge. Cela est la situation générale de toute la population RD-congolaise. Nous sommes tous dans la même marmite. Notre société en général vit dans la pauvreté. Il en est de même pour eux. Personne n’est épargnée. C’est devenu chose habituelle.
Quelle est la part de l’Etat par rapport à cette situation?
Sous d’autres cieux, l’Etat construit des écoles, ateliers d’apprentissage et professionnel pour assister les personnes invalides.
Dans notre pays, si, au départ, les personnes valides ne sont pas prises en charge, qu’en sera-t-il des invalides? Je préfère me taire à ce sujet, car c’est une situation sociale concernant tout le monde.
Quand on fait l’état des lieux, il y a certes quelques structures éducationnelles, rééducationnelles ou médicales existantes. Elles sont cependant insuffisantes au vue de la superficie de la RD-Congo et de la densité de sa population.
A Kinshasa généralement, ce sont les ONG, personnes de bonne volonté, associations caritatives, églises qui assistent ces pauvres mendiants. Normalement, cette tâche revient à l’Etat qui devait construire plus que ces associations. Ce, en dépit du fait que le Centre d’apprentissage des personnes vivants avec handicap -CENAFI-, dans la commune de Kasa-vubu, soit sous la tutelle de l’Etat.
En attendant d’être pris en charge, ces aveugles n’ont-ils pas besoin d’un instrument pour sécuriser leur circulation en mendiant?
A l’étranger, les aveugles sont détenteurs des cannes de marche, qui leur permettent de connaitre la distance de leur domicile jusqu’à leur lieu de fréquentation régulière et les prévient du danger. Ils ont été formés pour circuler en sécurité même parfois sans compagnie. Ici, on est loin d’atteindre ce niveau.
Quel sort pour ces enfants en âge scolaire commis à la compagnie des aveugles mendiants?
C’est déplorable de savoir que ces enfants ne seront pas scolarisés. Ils deviennent, malheureusement et malgré eux, mendiants alors qu’ils ne sont pas handicapés. Ces enfants s’adonnent à des activités comme le vol, la prostitution, etc. Pourtant, dans le temps, il existait une brigade pour mineurs, chargée d’arrêter tout enfant trouvé en dehors de la maison au-delà de 19 heures. Ils étaient conduits à Kingabwa pour être rééduqués.
Votre dernier mot ?
Je souhaite à ce que les aveugles soient encadrés et informés de l’existence des espaces prévus pour les piétons. Je souhaite aussi qu’ils soient confiés à des instructeurs pour apprendre qu’ils peuvent mendier dans ce carré et se diriger de l’autre côté du boulevard après avoir parcouru une certaine distance. Il vaut mieux les instruire que de les exposer au danger. Personnellement, il m’arrive, en empruntant ce tronçon, de les interpeller et de leur prodiguer quelques conseils non sans les exhorter à faire preuve de beaucoup de prudences. Leur seule réaction, c’est «nous n’avons pas d’argent». Ce phénomène a tellement pris de l’ampleur qu’il s’est transformé en habitude pour eux. Nous devons attirer l’attention de la société RD-congolaise, car il y a un danger présent. Nous sommes tous responsables, personne n’est exemptée.
Propos recueillis par Harmony FINUNU

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