Samedi 29 octobre 2016, sur les têtes des Kinois, des gros cumulo-nimbus se disputent le ciel avec un soleil acharné, projetant sur la ville de Kinshasa une atmosphère aussi incertaine que ce qui va se passer dans les derniers jours de l’année en cours. Il est 10 heures du matin quand les jeeps des responsables religieux envahissent le parking du siège de la présidence de l’Eglise du Christ au Congo -ECC-, sur l’avenue de la Justice, juste à quelques encablures de l’immeuble du gouvernement à Gombe. En fait, les chefs des Confessions religieuses, regroupés au sein de la plate-forme Confessions religieuses s’apprêtent à faire une déclaration en rapport avec les conclusions du dialogue politique national dit inclusif onze jours après la clôture des travaux, le 18 octobre 2016. Pourtant dans la salle de conférence, les bonzes mettent plus d’une heure et demie à peaufiner leur texte avant de le livrer aux médias. Et pendant que le ciel s’assombrit dehors, Monseigneur Marini Bodho, président -fin mandat- de l’ECC, et vice-président de la plateforme, ajuste sa toque rouge assortie à sa chemise sur laquelle pend une croix au bout d’une chaine dorée avant la déclaration. La poignée de journalistes invités se ruent devant lui. Et sur un fond de bruit de la pluie tombant par terre et sur les toits, l’Evêque protestant, avec un débit lent, très lent, circonscrit le cadre de l’activité, puis débute la lecture de deux pages qu’il a sous les yeux. Tout le monde tend l’oreille.
Au lendemain de la 7ème réunion des Chefs d’Etats africains tenue à Luanda dont les conclusions à propos de la RD-Congo ont notamment affirmé l’adhésion de l’Union africaine à l’accord signé à la Cité de l’UA, les Chefs des Confessions religieuses estiment, dans leur discours, que «cet accord conclu permet d’aller vers l’organisation des élections transparentes, crédibles et apaisées appelées par tout le monde». Un peu comme l’écrivain Paolo Cuelo qui dit: «quand on ne peut revenir en arrière, on ne doit se préoccuper que de la meilleure manière d’aller de l’avant», ces religieux se veulent pragmatiques. Ils soutiennent ce qu’ils croient être la voie de la sagesse. Etiquetés proches du pouvoir à l’opposé des Catholiques qu’on dit pro Opposition, ces évêques et imams semblent plutôt loin de rentrer dans les cases. Ils professent leur foi: «le compromis politique trouvé au dialogue dénote d’un réel sens de responsabilité de la part des acteurs -sociaux et politiques». Cependant, ils sont d’avis que tout le monde devra mettre du sien pour préserver et consolider les acquis du dialogue. Ils recommandent ainsi aux acteurs ayant pris part aux travaux de la Cité de l’UA de veiller à la mise en œuvre «sans faille» de l’accord issu du dialogue. A ceux qui sont restés en marge du dialogue, notamment le Rassemblement, les chefs des Confessions religieuses lancent une invitation à «joindre leur voix à celle des autres pour parfaire l’accord politique». Un point qu’un des responsables religieux a tenu à clarifier: «on ne dit pas que l’accord est mauvais. Mais ils veulent apporter leur contribution pour l’améliorer davantage. C’est ça le souci». Et de tonner: «je pense qu’on est en train de passer le temps pour rien. Je ne vois pas le Rassemblement, par exemple, rejoindre l’accord du dialogue. Par quel mécanisme?».
HRM
Déclaration des chefs des confessions religieuses de la RD-Congo
Les Psaumes 133:1 déclarent: «voici, oh ! Qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble!» et le Coran 3:103: «Cramponnez-vous tous ensemble et ne soyez pas divisés». Les chefs des confessions religieuses de la RD-Congo se sont réunis au siège de l’Eglise du Christ au Congo -ECC- aux fins d’évaluer les travaux du dialogue politique national inclusif tenu à la Cité de l’union africaine du 1er septembre au 18 octobre 2016 et son produit, l’Accord politique pour l’organisation des élections crédibles et apaisées signé à Kinshasa le 18 octobre 2016.
Après examen approfondi de cet accord, les chefs des Confessions religieuses saluent le compromis laborieusement trouvé et en prennent acte. Ils félicitent le sens de dépassement de soi des participants ainsi que la qualité de médiation du facilitateur, tout en déplorant que certains acteurs politiques n’aient pas pris part à ces assises.
Les chefs des Confessions religieuses notent que l’Accord conclu permet d’aller vers l’organisation des élections transparentes, crédibles et apaisées appelées par tout le monde.
Ce compromis politique dénote d’un réel sens de responsabilité de la part des acteurs notamment lorsqu’il: 1. Reconnait l’impossibilité d’organiser des élections apaisées et crédibles d’ici la fin de l’année 2016. 2. Lève l’option de régler définitivement la question de l’identification et de l’enrôlement des électeurs en recommandant l’inclusion de tous les électeurs potentiels dans le fichier. 3. Laisse l’ouverture aux acteurs politiques et aux forces sociales qui n’ont pas pris part au dialogue. 4. Consacre l’option de la gestion consensuelle de l’Etat. 5. Proclame l’engagement des parties à respecter la Constitution et l’Accord politique lui-même.
C’est pourquoi, pour préserver et consolider cet acquit, les chefs des Confessions religieuses recommandent:
- Aux acteurs ayant participé au dialogue de:
- Cultiver l’esprit de compromis ayant prévalu au dialogue;
- Veiller à la mise en œuvre sans faille de l’accord issu du dialogue.
- Aux acteurs restés en marge du dialogue de:
- Joindre leur voix à celle des autres pour parfaire l’accord politique issu du dialogue;
- Veiller à ce que la légitime expression démocratique par les manifestations publiques ne soit entachée des violences par le fait des manifestations ou des marginaux
- Aux autorités publiques de:
- Prendre des mesures appropriées pour éviter des débordements dans les manifestations publiques;
- Assumer pleinement leur responsabilité dans la mise en œuvre de l’accord.
- Aux instances internationales, régionales et sous régionales de:
- Soutenir cet accord qui consacre le rapprochement entre des acteurs que l’on ne pouvait concilier autrement;
- Appuyer la RD-Congo dans ses efforts pour la restauration de la paix et la consolidation de la démocratie.
- A la communauté des croyances et des croyants de:
- Prier sans cesse pour la paix et la stabilité de notre pays;
- S’abstenir de poser des actes de nature à causer du tort au pays et aux compatriotes.
- Promouvoir l’esprit d’amour, la cohabitation pacifique et interreligieuse comme modèle d’une société en développement.
Fait à Kinshasa, le 29 octobre 2016
Les chefs des Confessions religieuses