Politique

Chérubin Okende recommande la voie de la sagesse à Kabila

Depuis l’accession de la République Démocratique du Congo à l’indépendance, d’aucuns ont abondamment critiqué les acteurs politiques RD-congolais d’immaturité, de banalité, de vénalité… bref, de médiocrité. Autant de singularités qui dépeignent une «République des inconscients», dixit Modeste Mutinga, ou une «Société imbécile» épinglée par le Pr Kä Mana. Cependant, la production des ouvrages intellectuels par une brochette de leaders d’opinions RD-congolais, dont Chérubin Okende Senga, astreint dorénavant à relativiser cette sentence péremptoire.
La lecture de son livre intitulé «Leadership et le jeu politique en Rd-Congo: l’audace d’une révolution substantielle!» parue en janvier 2016, interpelle toutes les bonnes consciences et projette une lumière éclatante sur les ténèbres qui obscurcissent la gestion de la res publica dans tous ses secteurs d’activités. Un procès sans complaisance de la classe politique congolaise, de tous les Congolais du sommet à la base.
Des réalités nouvelles conformes aux ambitions de grandeur du peuple RD-congolais
Tout de go, Al Kitenge Lubanda, le préfacier de cet ouvrage de 332 pages, indique que le cursus intellectuel de l’auteur et son parcours dans les méandres socioprofessionnels et politiques donnent un remarquable relief à son opinion et justifient aussi bien l’extraordinaire distanciation que la rigueur avec lesquelles cet opérateur politique, encore très actif au sein de la Majorité au pouvoir, traite les faits et surtout, fait le procès du leadership, de la gouvernance et de l’action politique.
Et pourtant, dans les traditions de la classe politique congolaise, renchérit le préfacier, sa posture inclinerait singulièrement à des excentricités d’autosatisfaction, à un culte de la personnalité extravagant de sa «hiérarchie» et à un angélisme flatteur en faveur de sa famille politique. A travers cet ouvrage, l’auteur démontre que l’audace d’une révolution substantielle est une perspective de changer le Congo en le commettant à des réalités nouvelles conformes aux ambitions de grandeur de son peuple.
Pour ne citer que le processus électoral et le dialogue politique qui constituent les questions cruciales d’actualité politique à ce jour en RD-Congo, ils font l’objet d’une analyse prospective implacable de Chérubin Okende dans son ouvrage écrit pourtant il y a deux ans. En effet, l’auteur avise que l’une des causes fondamentales des crises politiques récurrentes que connaît le pays depuis son accession à l’indépendance est la contestation de la légitimité des Institutions et de leurs animateurs.
L’avènement d’un nouvel ordre politique en 2006 a suscité d’autant plus d’enthousiasme et d’optimisme que la démocratie est ardemment désirée par l’unanimité des citoyens RD-congolais. Tous les Congolais aspirent légitimement à choisir démocratiquement les dirigeants du pays à travers des scrutins libres et transparents.
Apprentissage après quatre décennies de confiscation de l’expression démocratique
A en croire l’auteur, les contestations et incidents subséquents survenus à l’issue des élections de 2006 sont à imputer raisonnablement au compte de l’apprentissage de la démocratie après plus de 40 années de confiscation de l’expression démocratique. En 2011, les scrutins présidentiel et législatif national ont été singulièrement marqués par le refus de transparence dans la gestion du fichier électoral et des fraudes massives. Cette gestion calamiteuse du processus électoral a provoqué des violences pendant la période électorale et après les élections entrainant des destructions méchantes et des pertes en vies humaines.
La présidentielle de 2011 a restauré une crise politique aigue et aucun d’autres scrutins qui devaient avoir lieu ne s’est tenu jusqu’à ce jour. Depuis lors, la crédibilité de la CENI est profondément entamée. Le changement politique de la composition de cette institution d’appui à la démocratie n’a pas réussi à rassurer l’ensemble de la classe politique.
La publication du calendrier électoral partiel du 26 mai 2014 sans indication sur l’élection présidentielle a, par conséquent, été suspectée par l’Opposition politique comme une manœuvre de diversion tendant à occulter cette échéance qui devra marquer la fin constitutionnelle du deuxième et dernier mandat du Président Joseph Kabila à la magistrature suprême. Le processus électoral évolue en dents de scie et l’organisation des scrutins proprement dits accumule des retards considérables…
La question de fond qui pollue depuis bientôt trois ans l’atmosphère politique en RD-Congo et perturbe quelque peu le fonctionnement des Institutions républicaines est celle du troisième mandat du Président de la République… En l’occurrence, l’auteur s’interroge: la CENI est-elle devenue une branche spécialisée en charge du glissement aux fins d’étouffer la tenue des élections dans les délais constitutionnels?
Calendrier électoral global vicié ou ouverture vers le glissement?
Le calendrier électoral global publié le 12 février 2015, assorti de vingt-trois contraintes fondamentales dans l’organisation de sept scrutins allant d’octobre 2015 à novembre 2016, a été qualifié de non consensuel, inconstitutionnel, irréaliste par d’aucuns avec une surcharge, à effet domino notoire sur l’élection présidentielle de 2016, sciemment entretenue …
Par ailleurs, en brandissant le spectre d’un scénario catastrophique et apocalyptique, le régime de Joseph Kabila a imposé le passage obligé à un dialogue politique. Le décor a été planté par les consultations entreprises par le Chef de l’Etat avec des représentants des forces politiques et sociales du pays. L’annonce solennelle de la tenue de ce dialogue politique est intervenue le 29 mai 2015. L’objectif déclaré du dialogue politique est, selon Joseph Kabila, de convenir des voies et moyens permettant de surmonter des obstacles qui jonchent la marche vers la troisième série d’élections générales voulues libres, transparentes, crédibles et apaisées. Dans son ouvrage, Chérubin Okende décrit notamment les concertations avec Ne Mwanda Nsemi de Bundu dia Kongo, Etienne Tshisekedi de l’UDPS qui cristallisent les aspérités des enjeux de cette nouvelle gageure du jeu politique RD-congolais.
S’agissant du député Zacharie Badiengila, de son vrai nom originel, depuis sa rencontre avec le Chef de l’Etat dans le cadre des consultations pour le dialogue politique en juin 2015, il s’est subitement métamorphosé en gourou du glissement collectif vers une transition de trois ans dans laquelle il occuperait le poste de vice-président de la République parmi les quatre éventuels. Sanction immédiate: humiliation par sa radiation du parti politique sur la liste duquel il a été élu député national, démystification et lapidation par la population de son fief de Muanda. Subséquemment, abandon du schéma du glissement collectif, détournement du dialogue politique en gestation et velléité de retrait de la vie politique…
Etienne Tshisekedi vogue toujours à contre-courant du reste de la classe politique
De son côté, depuis le régime de la IIème République sous Mobutu, Etienne Tshisekedi wa Mulumba incarne ce personnage énigmatique inscrit dans le destin d’un sphinx qui s’évertue d’entrer par la grande porte dans l’histoire de la construction de l’Etat de droit démocratique en Rd-Congo. L’auteur indique que cette icône vogue toujours à contre-courant du reste de la classe politique.
En interne, l’UDPS tangue entre désaveux de son leadership et démentis. D’un côté, certains cadres du parti réprouvent et condamnent la démarche tortueuse des négociations avec Joseph Kabila pendant que d’autres réaffirment leur soutien au lider maximo. A l’évidence, le poids de l’âge d’Etienne Tshisekedi et sa maladie plombent le fonctionnement du parti à tel point qu’on ne sait plus clairement qui fait quoi, qui engage qui.
La démarche de nombreux cadres de ce grand parti politique de l’opposition ne semble pas donner des signaux clairs aux yeux d’une importante frange de l’opinion. Dès lors, selon Chérubin Okende, une alternative s’impose: soit que, d’une part, l’UDPS se place à la manœuvre de l’obséquiosité politique en camouflant un jeu insidieux et hypocrite en faveur du glissement collectif dont a parlé courageusement Ne Mwanda Nsemi. Soit que, d’autre part, Tshisekedi envisage d’humilier Joseph Kabila à un moment fatidique comme ce fut le cas avec le Maréchal Mobutu au Palais de Marbre et au bateau présidentiel, le «MS-Kamanyola».
Le mythe ultime du leader de l’UDPS semble être celui d’incarner une lutte intransigeante en faveur de la démocratie au prix des sacrifices dont il porte et emportera les stigmates dans l’éternité. Et pourtant, en toute vraisemblance, la mise du Raïs sur Tshisekedi le porterait comme le joker pour réussir le dialogue du glissement.
 
Insolubilité logique d’un dialogue des sourds dans des convergences parallèles
Ainsi, Chérubin Okende observe que l’aporétique de ce dialogue politique consiste en l’insolubilité logique d’un dialogue des sourds dans des convergences parallèles ou d’un marché des dupes au détriment de la promotion d’un véritable Etat de droit démocratique et des intérêts du peuple. Or, le peuple tient à des élections libres et transparentes dans les délais prévus par la Constitution. Le même avis retentit souvent du côté des partenaires extérieurs qui rappellent de temps en temps que le respect de la Constitution demeure le gage de la stabilité du pays…
L’Opposition accuse le président Joseph Kabila de jouer la montre en vue de se maintenir à son poste au-delà de la fin de son deuxième mandat alors que la Constitution lui impose d’abandonner ses fonctions fin 2016. Le silence de Joseph Kabila laisse accréditer la thèse de son acharnement à rempiler à la tête de l’Etat. Des suspicions et des doutes rejaillissent quant à la tenue d’un dialogue politique qui permette de raffermir la cohésion nationale, de dégager un consensus républicain sur le processus électoral pour des élections libres, transparentes et crédibles. L’on redoute un dialogue qui se tienne dans la sérénité, sans tabous ni calculs des agendas politiciens cachés et dans le respect aussi bien de la Constitution que des Institutions de la République.
La CENI poursuit la diversion pour conduire au glissement sans désemparer[1] afin de consacrer l’avènement d’une période de transition. Et pourtant, en entérinant une transition politique non prévue par la Constitution, un Acte constitutionnel de cette transition s’imposera logiquement et mettra, ipso facto, la Constitution du 18 février 2006 en veilleuse ou la supprimera carrément. Après la fameuse transition, il va s’avérer superfétatoire de revenir à une Constitution -du 18 février 2006- totalement désacralisée. Ainsi, les enjeux malicieux seront politiquement et juridiquement engrenés. La météorologie politique demeure trouble. Des orages en perspective des échéances électorales de 2016 menacent l’existence même de la nation.
Joseph Kabila mérite d’entrer par la grande porte au panthéon de l’histoire universelle
C’est pour toutes ces raisons que Chérubin Okende plaide pour une démarche introspective du Président Joseph Kabila dans l’objectif de dégager le chemin critique à emprunter et donner à l’histoire l’occasion de l’inscrire en lettre de noblesse. Depuis son accession à la magistrature suprême, le Président de la       République qui se trouve au carrefour de plusieurs groupes d’intérêts divergents et de fortes pressions tant internes qu’externes, a été confronté à moult défis majeurs. Il a toujours su trouver les ressources nécessaires pour les affronter et les surmonter.
Après avoir tant donné à la Nation, il est plus qu’indiqué que le mandat du Président Joseph Kabila puisse se terminer par la passation heureuse et civilisée du pouvoir avec le nouveau président élu dans les délais constitutionnels. Ainsi le président Kabila entrera par la grande porte au panthéon de l’histoire universelle avec tous les honneurs dus à son rang.
Cette élévation lui permettra d’étouffer dans l’œuf le bouillonnement des populations congolaises ainsi que l’agacement notoire de la communauté internationale. Chérubin Okende recommande à Joseph Kabila de rechercher la voie de la sagesse de Salomon en s’exerçant à une ultime catharsis personnelle.
Cet exercice est également proposé à l’élite congolaise tenue de s’auto-flageller, de refuser de rester bloquée dans le sous-sol du développement pendant qu’elle dispose de nombreux atouts majeurs capables de produire des solutions idoines à même de propulser vigoureusement la RD-Congo dans l’optique de l’émergence durable, de conjurer ce paradoxe d’un pays immensément riche avec des populations scandaleusement pauvres.
Tino MABADA

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