En RD-Congo, Jean-Pierre Bemba, qui a été définitivement exclu de la course à la présidentielle du 23 décembre lundi par la Cour constitutionnelle de son pays, assure qu’il va continuer de lutter pour ses droits légalement. Il dénonce également un processus électoral biaisé qui conduit tout droit la RD-Congo vers le chaos.
RFI: La Cour constitutionnelle du Congo vient d’invalider définitivement votre candidature à la présidentielle. Quelle est votre réaction?
Jean-Pierre Bemba: Je dirais que malheureusement, c’est sans surprise parce que, que ce soit la Cour constitutionnelle, que ce soit la Commission électorale nationale indépendante -CENI-, les deux sont inféodées et vraiment aux ordres du pouvoir à Kinshasa. Donc, tout ceci indique une suite malheureuse pour les élections qui font que le pouvoir en place ait choisi les candidats qu’il souhaite voir pour opposer leur propre candidat du pouvoir au niveau des élections.
Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que vous avez épuisé toutes les voies de recours pour votre candidature, ou comptez-vous mener d’autres actions en justice?
Non. Bien sûr, il y a toujours moyen de mener d’autres actions en justice, et ce sera fait d’ailleurs. Ce que nous regrettons, c’est qu’on va vers une phase d’élection qui n’est ni démocratique, ni transparente et qui, avec la question de la machine à voter électronique contestée par tant la Communauté internationale que nationale, et les six millions d’électeurs fictifs font que malheureusement ces élections s’annoncent comme des élections qui veulent directement déterminer qui est le candidat qui doit gagner les élections demain.
Vous parlez d’autre recours, devant quelle chambre?
Vous pouvez toujours aller au niveau de l’Union africaine, les chambres qui tranchent ces questions également, puis bien sûr la procédure au niveau de la Cour pénale internationale -CPI- n’est pas terminée.
Le Mouvement de libération du Congo -MLC- annonce la création d’un comité de crise avec d’autres forces citoyennes pour élaborer un agenda d’action commune. De quelles forces s’agit-il?
Bien sûr, nous allons continuer à défendre les intérêts de la population. On ne peut pas abandonner la population face à un gouvernement qui veut imposer un Etat de non-droit. Donc, nous nous tenons près de la population et nous allons défendre les intérêts de la population, absolument.
Les discussions en ce sens ont-elles déjà débuté et avec qui?
Elles n’ont pas simplement débuté, mais elles sont toujours en cours et n’ont pas commencé aujourd’hui. Donc l’Opposition discute régulièrement sur les actions à mener et sur les positions et les stratégies communes. Bien sûr.
Pourquoi n’appelez-vous pas les militants à manifester comme ils le réclamaient hier matin devant le siège de votre parti, ou tout simplement à une sortie pure et simple du processus électoral?
Cela fait partie de toutes les discussions qu’il y a à l’heure actuelle et donc ce sont les actions communes. C’est justement ça, les actions communes, qui vont être prises. Et bien sûr, la population a le droit de pouvoir défendre ses intérêts d’une manière pacifique et correspondant aux lois de ce pays.
Justement, le MLC a annoncé qu’il va évaluer le processus électoral avant de décider d’y prendre part ou non. Combien de temps vous donnez-vous avant de décider?
Compte tenu de la situation quand même, vous avez une Commission électorale qui n’est pas indépendante du tout, qui est sourde à tout appel et recommandation de l’Opposition. A un moment donné, il est question quand même que nous prenions des décisions. Je ne veux pas anticiper là-dessus. Ceci dépendra également des autres partenaires et des réunions qu’il y a aura justement avec les autres partenaires.
Est-ce que la décision qui est attendue à la Cour pénale internationale -CPI- le 17 septembre peut encore changer quelque chose?
Mais bien sûr -rires. C’est justement une des erreurs que la Cour constitutionnelle a faites. Attendez et voyez.
Envisagez-vous de vous rallier à un autre candidat de l’Opposition dont la candidature est maintenue, Félix Tshisekedi par exemple?
Pour l’instant en tout cas, ce processus n’est ni équitable, ni transparent et ni démocratique. Nous ne pouvons que soutenir et aller vers les élections pour autant que ce processus montre une clarté, ce qu’il ne montre absolument pas.
Dans ces conditions, que va-t-il se passer maintenant?
Je pense que, à l’heure où nous parlons, ces élections risquent vraiment d’être contestées au lendemain du vote puisque les élections, c’est fait pour que la population puisse choisir les dirigeants. Mais lorsque vous avez un pouvoir qui décide de qui sera voté au préalable, cela pose un sérieux problème de crédibilité des élections.
Quel est l’avenir de la RD-Congo au regard de la manière dont le processus électoral est mené jusqu’ici?
Le pouvoir a peur d’abandonner ses privilèges, de pouvoir aller aux urnes et du verdict populaire. Voilà pourquoi tout ce qui est mené aujourd’hui est en vue de pouvoir distraire la population. La population doit rester vigilante et nous allons rester très vigilants et donner à la population toutes les informations en temps voulu.
Mais que peut faire la population dans ces conditions?
Tout est fait pour mettre et amener le chaos dans le pays au lendemain des élections. Il est évident que dans l’état actuel de la situation, avec ces machines à voter qui sont contestées mais qui ont été mises et faites à dessein, et ensuite les 6 millions d’électeurs qui n’ont aucune empreinte digitale, tout ceci est fait en sorte pour pouvoir amener des élections tronquées. Ce que je veux dire simplement là-dessus, c’est que le pouvoir a peur, c’est pour cela que toutes ces manœuvres ont été mises en place et le contrôle de toutes les institutions de ce pays aux ordres du pouvoir font que voilà vers quelle situation on se tend. Mais nous allons continuer à défendre les intérêts de la population.
L’Opposition RD-congolaise semble avoir privilégié jusqu’ici la voie légale. Est-ce que cela va continuer ainsi?
Les choses ne peuvent aller que dans les voies légales dans lesquelles l’Opposition s’insère et continuera à s’insérer, dans cette voie légale, jusqu’au moment où elle va revendiquer ses droits et faire en sorte qu’il y ait des élections crédibles dans ce pays. Bien sûr.
Par Esdras Ndikumana/RFI
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