Interview

Doris Mozo: «la femme doit soigner sa réputation»

Doris Mozo est journaliste à la Radiotélévision nationale congolaise -RTNC- depuis 24 ans. Originaire de la province du Kwilu, territoire d’Idiofa, elle est la 5ème d’une famille de 6 enfants, dont 5 filles. Son père est décédé quand elle avait encore 13 ans et sa mère est en vie. Mariée à Augustin Tambwe, Mozo est mère de trois enfants, dont un garçon. Cette licenciée en Sciences de l’information et de la communication vient d’être sélectionnée par l’agence «Pour elle» et compte parmi les 50 femmes qui inspirent répertoriées par ladite agence. Aujourd’hui, elle est fière d’être journaliste. Son message à la gente féminine via une interview accordée à «AfricaNews» est clair: «être un modèle, faire confiance en soi et ne pas suivre ce que les gens disent. Surtout soigner sa réputation». Entretien!

En ce mois de mars où l’on célèbre la femme, l’agence «Pour elle» vous a sélectionnée parmi les 50 femmes RD-congolaises qui inspirent. Dites-nous comment vous avez été sélectionnée?

L’agence elle-même sait pourquoi elle m’a sélectionné. Elle a un critérium de sélection. Ce que je sais est qu’elle m’a approché. Cette agence est composée des femmes des médias. Ces dernières m’ont observé et ont fini par m’aborder.

Elles me connaissaient déjà et ont suivi mon parcours et mes passages dans les journaux télévisés -JT- et mon histoire à la RTNC. Après, elles m’ont approché et je leur ai raconté tout ce que j’ai vécu depuis 1997 dès mon arrivée à la RTNC jusqu’à ce jour c’est-à-dire jusqu’en 2021, ça fait 24 ans. Ç’a fait un boom et ces femmes m’ont dit que c’est un parcours élogieux. Voilà comment elles m’ont sélectionné.

Comment êtes-vous devenue journaliste à la RTNC où en 2022 vous allez totaliser 25 ans de carrière et célébrer votre jubilé d’or dans le métier?

Je suis allée faire mon test d’admission à l’IFASIC en 1997 et j’ai réussi. Je n’avais pas d’argent pour payer les frais des études. A cette époque-là, il y a eu l’entrée de l’AFDL à Kinshasa, il y a eu une année blanche. Il y avait des troubles politiques. Cette année blanche m’a permis d’aller chercher de l’argent pour payer les frais académiques.

J’avais un grand frère qui était déjà dans la presse, Luc-Roger Mbala. Je lui ai dit que je vais aller faire le stage dans l’audiovisuel comme je préfère moins la presse écrite. Il m’a recommandé à la RTNC chez Mathy Mupapa. Il m’a écrit une petite lettre: «Bonjour Mathy, je te recommande ma petite sœur Doris pour l’encadrer là-bas. Elle va passer un temps pour apprendre l’écriture journalistique». Et Mathy Mupapa m’a reçu. J’ai commencé à la radio en 1997.

Quand les cours ont commencé, j’étais entre la RTNC et l’IFASIC. J’ai fait 2 ans à la radio et une année et demie comme téléspeakerine et, en 2002, j’ai intégré la Direction des Infos TV quand j’ai terminé ma licence à l’IFASIC. Déjà en 1999, j’ai été engagée à la RTNC.

Votre intégration à la RTNC a-t-elle été facile?

Pas du tout! Vous savez quand une jeune fille vient là où il y a des grands garçons, des grands hommes pour apprendre, tu dois te lancer d’abord toi-même. Il y a eu des tentations et des mains tendues… C’est au quotidien! J’ai fait face à tout ça. Mais j’ai tenu bon. Ce n’était pas facile que quelqu’un vienne prendre mon papier et corriger… j’étais comme un poisson dans l’eau et je ne me suis pas noyée. J’ai nagé et aujourd’hui j’ai appris à bien nager.

En 24 ans de carrière, dites-nous comment se déroulent vos relations avec vos consœurs et confrères?

Rire! Je voudrais que cette question soit posée à une autre personne pour constituer un témoignage. J’entretiens de bonnes relations avec tout le monde. J’ai un parcours sain. Je n’ai pas de problèmes avec des gens. D’ailleurs, si vous faites un tour dans les bureaux de la RTNC, tout le monde m’appelle «Ya Do». En tant que femme, je me suis dit, je vais me frayer un chemin dans la vie et je l’ai fait en arrivant à la RTNC. Je suis devenue ce que je suis aujourd’hui grâce à beaucoup de sacrifices consentis surtout du point de vue réputation et identité. Je voulais que mon identité soit, pas celle d’une star de la télé, mais celle d’une femme qui, après son passage, marque l’histoire de sa vie.

Quels sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontées dans l’exercice de votre métier?

Les difficultés sont toujours là. Mais le journalisme c’est ma passion. Je n’ai fait que ça dans 24 ans. J’ai un dossier sain à la RTNC. Je n’ai jamais eu de blâme ni de demande d’explication. Seulement il y a quelques jours on m’a collé une demande d’explication. Mais durant les 24 ans, j’ai donné le meilleur de moi-même. Je suis femme au foyer. Concilier et le ménage et le travail, ce n’est pas une tâche facile. Les difficultés sont liées à l’horaire parfois contraignant, mais je m’y adapte.

Etes-vous à l’aise dans votre peau de journaliste ou préfériez-vous un autre métier?

Rire! Je ne me quitterai pas le journalisme. Je reste journaliste. C’est ma passion, c’est ma vie. Je venais de dire que je n’ai fait que ça dans 24 ans. J’étais toute jeune. A 19 ans j’étais déjà à la RTNC jusqu’à présent. Je connais le monde de la presse. Mais s’il m’arrivait d’arrêter, d’ailleurs je suis en train de voir si je peux déjà arrêter, parce qu’il faut laisser la place aux jeunes qui arrivent aussi, je suis une femme qui s’est lancée dans les affaires privées que ne je n’aimerai pas évoquer ici. Ça fait 10 ans que je m’exerce dans autre chose de façon à ce que le jour où je ne serai pas dans la presse, je ne meurs pas de faim.

Quels avantages avez-vous tirés de votre profession journalistique?

Plusieurs avantages. J’ai sillonné le monde. J’étais attachée de presse deux fois au ministère des Affaires sociales avec le ministre Ingele Ifoto et au ministère des Mines. J’ai été attachée de presse du ministre Fridolin Kasweshi aux ITPR. J’ai voyagé, je suis allée aux Nations unies grâce à ma profession de journaliste. J’ai visité toute la RD-Congo en étant attachée de presse. La télé m’a tout donné.

La télé vous a-t-elle propulsé?

Effectivement! La télé m’a taillée, mais je ne vais pas qu’on parle de Doris Mozo, star de la télé, j’aime donner le modèle de ma vie de tous les jours. Même quand l’agence «Pour elle» m’a approchée, je leur ai dit que je voudrais que mon parcours n’inspire que mon passage à la télé. Il y a plusieurs femmes qui inspirent comme moi et qui passent à la télé. Si j’ai été choisie, je ne suis la plus meilleure que les autres. Elles sont meilleures que moi et je n’ai pas honte de le dire. J’ai étudié difficilement. Et ça n’a pas été facile d’étudier et de travailler sans être engager. Mais je tenais bon et j’allais travailler. Tout ça, je vais dire aux filles et femmes qui vont me lire que malgré les difficultés de la vie, il faut tenir bon.

Votre mari et vos enfants aiment-ils votre métier?

Mon mari est mon premier téléspectateur. Il me soutient. Le jour de mon mariage, la veille du mariage, j’ai travaillé. Il m’a trouvé dans la presse au fait. Et il m’a dit vas travailler, le mariage n’est pas une raison pour vous absenter au travail. Je suis allée présenter le JT. Et le lendemain matin, je suis allée à la commune pour me marier.

Mon mari me soutient et aime ce que je fais. Il dépense pour que je sois bien. Les enfants, c’est de moins en moins qu’ils regardent la télé. Ils sont encore trop jeunes. L’un peut me dire: «tiens maman. J’ai vu cette tenue tu étais à la Télé!» mais j’ai aussi une grande téléspectatrice, c’est ma mère qui m’a mis au monde, qui m’a donné son temps, qui a sacrifié toute sa vie. Il suffit que l’horaire sorte, elle me pose la question tu travailles quel jour? Qu’il pleuve qu’il neige, courant, pas courant, elle fait tout pour me regarder. Je lui dis merci pour ça. Elle avait retenu ce que notre papa disait de son vivant: «l’avenir pour une fille, ce sont ses études». Elle nous a fait toutes étudier jusqu’à l’université. 

Quel message adressez-vous à la gente féminine en ce mois de mars qui vous est dédié par l’ONU?

Je demande aux femmes d’être de modèle, de faire confiance en soi et de ne pas suivre ce que les gens disent. On peut avoir quelque chose en soi et prête l’oreille à ce que les gens disent, on n’avance pas. Faire confiance en soi et donner le meilleur de soi-même, on va avancer. Surtout soigner sa réputation, c’est très important. On peut être une grande dame, figurer parmi les 50 femmes qui inspirent, si on a une mauvaise réputation, il suffit que l’affiche soit mise sur la route, tout le monde se mettra à critiquer. Mais quand on a une bonne réputation, on ira plus loin, peu importe le métier qu’on exerce. 

Propos recueillis par Octave MUKENDI

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